J’ai réussi à rester en vie


J’ai réussi à rester en vie de Joyce Carol Oates

529 pages, éditions Points, à 8,30€


Résumé : Le matin du 11 février 2008, Raymond Smith, le mari de Joyce Carol Oates, s’est réveillé avec un mauvais rhume. Il respire mal et son épouse décide de l’emmener aux urgences où l’on diagnostique une pneumonie sans gravité. Pour plus de sûreté, on le garde en observation. Une semaine plus tard, au moment même où il devait rentrer chez lui, Raymond meurt d’une violente et soudaine infection nosocomiale. Sans avertissement ni préparation d’aucune sorte, Joyce est soudain confrontée à la terrible réalité du veuvage. Au vide. À l’absence sans merci. J’ai réussi à rester en vie est la chronique du combat d’une femme pour tenter de remonter de ce puits sans fond. De poursuivre une existence amputée du partenariat qui l’a soutenue et définie pendant près d’un demi-siècle. En proie à l’angoisse de la perte, à la désorientation de la survivante cernée par un cauchemar de démarches administratives, et les absurdités pathétiques du commerce du deuil, Oates décrit l’innommable expérience du chagrin, dont elle ne peut s’extraire qu’à grand peine, de temps à autre, en se tournant vers ses amis. Avec sa lucidité coutumière, parfois sous-tendue d’un humour noir irrésistible (quand, par exemple, elle se lamente sur l’absurdité des luxueux paniers gargantuesques de saucissons et de pop corn au chocolat déposés devant sa porte en manière de condoléances), elle nous offre à travers ce livre, qui ne ressemble à rien de ce qu’elle a écrit jusqu’ici, non seulement une émouvante histoire d’amour mais aussi le portrait d’une Joyce Carol Smith inconnue et formidablement attachante.


 

Extraits :  « La plus délicieuse des intimités : ne pas avoir besoin de parler ».

« Quand on vit seul, prendre un repas a quelque chose de méprisable, de dérisoire. Car un repas est un rituel social, sans quoi ce n’est pas un repas, mais juste une assiette remplie de nourriture ».

Mon avisJoyce Carol Oates est une auteure américaine mondialement connue, qui comptabilise plus d’une centaine de livres à son actif (romans, nouvelles, pièces de théâtre…). Curieuse de découvrir son écriture, j’étais aussi curieuse de découvrir qui était cette grande dame. C’est pour cette raison que, comme première approche littéraire, j’ai fait le choix de lire un de ses témoignages les plus intimes et poignants qui soient, puisqu’il raconte la mort de son mari, Raymond, avec qui elle était mariée depuis près de cinquante ans et son veuvage précoce.

Il n’est jamais facile d’écrire un avis sur un témoignage, puisque cela revient à juger de la vie d’autrui, chose que je ne me permettrais jamais de faire. Dans cette chronique, je m’attacherais donc à vous témoigner toutes les émotions qui m’ont traversées à la lecture de ce récit.

Comme chaque lecture qui lit ce récit, j’ai éprouvé beaucoup de peine à l’annonce tragique de la mort de Ray Smith, et j’ai pu ressentir le choc que cela a dû être pour Joyce de constater la mort brutale de son mari, alors si en forme une semaine auparavant. Une mort prématurée, qui aurait pu être évitée. J’ai ressenti de la colère à l’encontre des membres hospitaliers, qui m’ont semblé peu bienveillants, assez froids, rigides. La présence constante de la mort dans leur vie leur a certainement forgé une carapace qui les empêche de ressentir de ressentir des émotions tragiques.

On ne peut que compatir à la tristesse de la veuve et calquer sa propre vie sur la sienne. Comment aurions-nous réagit si une telle chose nous arrivait dans la vie ? On s’identifie à l’auteure, on boit ses propos et on s’émeut intensément de ses paroles. C’est beau et touchant, c’est fort émotionnellement et bien écrit stylistiquement. Entre souvenirs heureux de leur vie commune et réflexions sur la perte et la période qui suit la perte de l’être cher, c’est un récit intime, plein d’émotions que nous livre l’auteur. Elle nous partage ses peines : lorsqu’elle rentre dans leur maison trop grande et trop vide, que tous les endroits où elle se rend lui rappelle Raymond, que les messages et cadeaux attendrissants arrivent par centaines… Elle doit maintenant faire face seule à la vie, et tenter de reprendre le court normal de son quotidien.

A ceux qui auraient peur de retrouver entre ces pages une effusion d’émotions tragiques, détrompez-vous. L’écriture de Joyce Carol Oates, bien loin d’être larmoyante et plaintive, est au contraire remplie d’une force expressive intimidante et d’une réflexion intelligente sur le deuil et la dépression. Ce livre représente un magnifique hommage à l’homme qu’elle a aimé, chérie et accompagné tout au long de sa vie. Pour finir cette chronique d’une touche d’espoir, sachez que le destin a décidé de faire recroiser le chemin de l’amour à Joyce. Depuis ce terrible drame, l’auteure s’est reconstruite auprès d’un autre homme. Rien ne pourra jamais lui faire oublier son Raymond, mais la vie est tellement courte, qu’il ne faut pas la passer à se morfondre, mais qu’il faut continuer à profiter, à avancer et à aimer. Bravo Joyce Carol Oates : j’admire votre courage et votre lutte acharnée pour réussir à rester en vie.

Ma note : 7/10

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