Et les vivants autour de Barbara Abel
443 pages, éditions Belfond, à 19€
Résumé : Voilà quatre ans que l’ombre de Jeanne plane sur eux.
Comme s’ils n’avaient plus le droit de vivre pour de vrai tant qu’elle était morte pour de faux.
Cela fait quatre ans que la vie de la famille Mercier est en suspens. Quatre ans que l’existence de chacun ne tourne plus qu’autour du corps de Jeanne, vingt-neuf ans. Un corps allongé sur un lit d’hôpital, qui ne donne aucun signe de vie, mais qui est néanmoins bien vivant. Les médecins appellent cela un coma, un état d’éveil non répondant et préconisent, depuis plusieurs mois déjà, l’arrêt des soins. C’est pourquoi, lorsque le professeur Goossens convoque les parents et l’époux de Jeanne pour un entretien, tous redoutent ce qu’ils vont entendre. Ils sont pourtant bien loin d’imaginer ce qui les attend. L’impensable est arrivé. Le dilemme auquel ils sont confrontés est totalement insensé et la famille de Jeanne, en apparence si soudée, commence à se déchirer autour du corps de la jeune femme…
Après Je sais pas et Je t’aime, le nouveau thriller de Barbara Abel dissèque à la perfection la psychologie et les émotions en montagnes russes des personnages qui gravitent autour du corps de Jeanne, inerte et si présent à la fois.
Extraits : « Dans le lit, Jeanne ne bouge pas. Jeanne ne bouge plus depuis quatre ans. Jeanne n’est plus qu’un corps inerte et allongé. Elle, la vraie Jeanne, celle qui animait cet organisme léthargique, celle qui donnait vie à ce corps désormais passif, s’est perdue quelque part dans les méandres de sa conscience. On ne sait pas très bien où. Loin en tout cas. Si loin qu’elle est incapable de retrouver le chemin. Son esprit erre dans une autre dimension, une perspective inconnue, une monde inexploré d’où elle ne peut pas communiquer. Certains disent qu’il est hors service, d’autres en sommeil. »
« Peut-être faut-il affronter la mort en face pour permettre à la vie de s’imposer enfin ? »
Mon avis : Auteure largement plébiscitée par les critiques de roman noir, notamment connue et encensée pour Derrière la haine et Je sais pas, c’est avec beaucoup d’excitation que j’ai ouvert mon premier Barbara Abel… il était grand temps !
Autour de la table, se tient la famille Mercier. Elle est composée de Micheline et Gilbert, les parents, de Charlotte, la fille aînée, Jeanne, la cadette, et de Guillaume et Jérôme, les époux de l’une et l’autre. Une famille en apparence banale, mais qui recèle bien des secrets et non-dits. Leur vie à tous s’est arrêtée il y a quatre ans de cela, quand Jeanne, la cadette, est victime d’un accident de la route, qui la plonge dans un profond coma artificiel. Depuis, ils se relaient à son chevet, dans l’espoir toujours immense qu’elle puisse se réveiller un jour. Lorsque le médecin Goossens, en charge de Jeanne, convoque ses parents et son mari, tous pensent qu’ils vont leur proposer une nouvelle fois de la débrancher. Mais leur surprise est de taille lorsqu’ils découvrent la vraie raison de cette convocation.
En voilà une intrigue originale ! C’est bien connu, il faut savoir se méfier des apparences, car elles sont souvent bien trompeuses. L’harmonie familiale qui semble exister au début du récit, qui montre une famille unie autour d’une Jeanne endormie n’est que fumée. En sus, autour de la belle endormie se crée des tensions liées aux jalousies, rancoeurs, tromperies, secrets et non-dits, qui empoisonnent et désunissent progressivement la famille Mercier. Cette famille dite « parfaite » va se confronter à ses propres démons, tant et si bien qu’on va jusqu’à se demander comment elle peut arriver à se déchirer à ce point.
Derrière les aspects noirs de ce récit, se cache néanmoins un véritable questionnement sur l’acharnement thérapeutique. Dans le coma depuis plus de quatre ans, Jeanne est maintenue sous respirateur artificiel, avec une chance vraiment très mince de pouvoir revenir à la vie. Malgré les avis compétents des spécialistes, sa mère refuse qu’on la débranche et vient quotidiennement lui tenir compagnie à son chevet. Une situation difficile à vivre pour son mari Jérôme, qui atteint patiemment que l’être aimé et désiré revienne à la vie… tout en sachant pertinemment qu’il passe à côté de très belles années de sa vie et surtout de jolies rencontres féminines. Un terrible dilemme moral, qui le ronge de plus en plus.
J’ai beaucoup aimé ce thriller psychologique, qui m’a tenu en haleine du début jusqu’à la fin. Les rebondissements sont légions, dynamiques, le rythme est soutenu, avec une nette accélération au dernier tiers du récit, marquant une montée en tension palpable tout à fait exquise. L’auteure arrive à frapper là où on s’y attend le moins, à nous surprendre quand on ne pensait plus pouvoir être surpris. Jusqu’à la dernière page, elle arrive à nous dérouter : j’ai fermé le livre abasourdie, confuse, mais très heureuse de cette lecture. C’est astucieux, dérangeant parfois, mais tellement satisfaisant à lire !
Un thriller psychologique mené d’une main de maître par une auteure qui n’a plus rien à prouver. Un roman sombre, machiavélique qui met en scène une famille dysfonctionnelle qui se déchire.
Ma note : 8/10
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ISBN : 978-2-7144-9316-3