Sur Face


Sur Face de Martin d’Orgeval

72 pages, éditions Steidl, à 40€


Résumé : Dans Sur Face, Martin d’Orgeval capture les détails lyriques des surfaces quotidiennes, petits miracles visuels que nous pourrions autrement manquer. Qu’il s’agisse de peinture éclaboussée sur une route, d’un pare-brise recouvert de terre, d’un tas de neige étouffée ou de délicates formes de papier plié définies sous une forte lumière, d’Orgeval met l’accent sur l’accumulation patiente, selon les mots d’Erri De Luca, d’une « collection de visions ». qui révèle l’extraordinaire dans le mondain. « Mais où voit-il ces choses ? » poursuit De Lucca, « A quel endroit ces photographies existent-elles ? Je parcours ce monde depuis plus longtemps que lui et je n’ai jamais trouvé ce genre de choses — rien qui me rappelle ce que ces surfaces montrent. Ce sont des déclarations de la matière qui se révèlent à lui, disant : Je suis ceci. Pourtant, cela ne se dit qu’à lui, à la prunelle de ses yeux. »


Extraits : « The poet recognizes before he writes, identification before knowledge. »

« Photo-graphie, on sait que ça veut dire en grec : lumière-écriture. Martin écrit la matière avec le brouillard, avec les phares d’une voiture, avec la poussière, avec une aurore boréale. Rien que ces mots pourraient être les ingrédients de vers dédiés à la lumière. »


Mon avis : Depuis peu, j’essaie d’ouvrir mon esprit et ma culture personnelle, en m’intéressant à des thématiques et/ou sujets qui me sortent de ma zone de confort. Aujourd’hui, j’ai eu le plaisir d’ouvrir Sur Face, un album d’art photographique singulier, qui déroute autant qu’il fascine.

Martin d’Orgeval a photographié des surfaces quotidiennes, qui, habituellement, n’attirent pas l’oeil – tâches de peinture, halo de lumière, tas de neige… En attirant précisément notre oeil sur ces éléments qui nous sont communs, j’ai ressenti le besoin urgent de voir moi-même. C’est comme si le photographe nous incitait à faire plus attention aux petits détails qui nous entourent, qui semblent insignifiants, qui s’efface à force d’être vus et revus quotidiennement, mais qui constituent des surfaces importantes de nos vies.

Les photos sont belles, noires et blanches, colorées, elles sont auréolées de mystères, elles attirent l’oeil, hypnotisent, intriguent. Martin d’Orgeval a fait un très bon travail de prise de vue créative, mais les éditions Steidl  ont magnifiés davantage les clichés. Chaque image est présentée en format A4, avec quelques-unes zoomées sur l’ensemble des deux pages, de façon à créer une image A3. Aussi, au toucher, on peut ressentir sur certaines photos le grain de l’image qui ressort. C’est donc une expérience visuelle, mais aussi manuelle, agréable au toucher. Bien que j’aie appréciée l’expérience, je n’ai pas été particulièrement touchée par ces prises de vues, que j’ai trouvé un peu trop abstraites et dénuées d’émotions.


Un album photographiques mystérieux mais hypnotique, qui nous incite à faire plus attention aux surfaces qui jalonnent notre quotidien.

Ma note : 5/10

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ISBN : 978-3-95829-700-5

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Biélorussie – Dreamland


Biélorussie – Dreamland de Nicolas Righetti

184 pages, éditions Favre, à 29€


Résumé : La Biélorussie, ancienne république soviétique dirigée d’une main de fer par Alexandre Loukachenko, reste l’un des pays les plus méconnus d’Europe. Depuis quelques années, il montre pourtant des signes d’ouverture : les touristes y sont de plus en plus nombreux et le président s’emploie à moderniser le pays, en développant notamment l’économie numérique. Particulièrement intéressé par les figures politiques mégalomanes et totalitaires, le photographe Nicolas Righetti s’est rendu à plusieurs reprises en Biélorussie. Il en a rapporté une série de photographies qui mettent en avant le contraste frappant entre les traces du communisme et l’influence bien visible du mode de vie occidental.

Ce livre est le premier ouvrage photographique en français publié sur ce pays. Certaines images prises lors du Jour de l’Indépendance de la Biélorussie ont gagné le 2e prix Swiss Press Photo, catégorie étrangère.


Extraits : « Minsk est un moment à part dans une vie de voyageur. Me frappaient son espace et son silence. »

« On avance dans Minsk comme dans un jeu vidéo. Tout peut arriver et rien ne se passe. C’est une beauté sans coeur et sans visage. »


Mon avis : Nicolas Righetti est un photographe suisse et un passionné de voyages, qui se découvre au fil des ans un intérêt croissant pour les figures politiques totalitaires. Ainsi, il se rendra à plusieurs reprises en Corée du Nord, puis en Turkménistan, en Syrie et dernièrement en Biélorussie.

La Biélorussie est un pays d’Europe de dix millions d’habitants, coincé entre la Russie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne et l’Ukraine. Depuis plus de vingt ans, le pays est dirigé par Alexandre Loukachenko, qui mène une une politique nationaliste autoritaire, dictatoriale et répressive. En outre, ce pays, dont très peu de monde entend parler, s’ouvre progressivement au tourisme, qui restent quand même contrôlés et surveillés de près par le gouvernement.

De ses nombreux voyages en Biélorussie, Nicolas Righetti en tire des photographies qui représentent sa vision de ce pays en plein développement. Les traces du communisme sont omniprésentes : on peut croiser le visage de Staline, dessiné ou sculpté, dans de nombreux endroits ; la faucille et le marteau, emblèmes du prolétariat ouvrier et des paysans, se retrouve au-dessus des bouches de métro ; les traditions militaires sont encore abondantes, l’endoctrinement des plus jeunes se fait encore sentir, les répressions encore trop nombreuses.

Mais, le photographe voulait montrer l’autre visage de la Biélorussie : une Biélorussie moderne, ouverte, accueillante, contrastant grandement avec cette Biélorussie traditionnelle, toujours ancrée dans le passé communiste.

J’ai grandement apprécié l’introduction de Patrick Besson, qui commente avec efficacité et passion les photographies de Nicolas Righetti. Grâce à ses quelques explications, j’ai pu mieux appréhender ma découverte de cet album, mais elles restent quand même légères, en surface et incomplètes. J’aurais bien aimé que le photographe puisse nous commenter un petit peu plus longuement ses images, pour que nous puissions découvrir plus en profondeur ce pays, ses traditions et monuments.

Je ne suis pas certaine d’y mettre un pied un jour, mais je suis tout de même heureuse d’avoir pu découvrir les différents visages de ce mystérieux pays. Si toutefois certain(e)s d’entre vous seraient intéressé(e)s par un petit voyage en Biélorussie, sachez que le prix d’un billet d’avion n’est pas très onéreux (moins de 300€ aller/retour selon le photographe) et le prix d’une chambre d’hôtel n’excède pas les 20€. De quoi découvrir une nouvelle face du monde sans se ruiner !


Un magnifique album photographiques sur la Biélorussie, un pays méconnu, discret et fermé, mais qui tend à se moderniser et à se démocratiser. J’ai apprécié regarder ces photos, bien que j’aurais souhaité plus d’explications sur celles-ci. 

Ma note : 6,5/10

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Sahara – Le royaume des dunes et des rêves


Sahara – Le royaume des dunes et des rêves
de Régis Colombo, Albert Jacquard
et Antoine Blanc

190 pages, éditions Favre, à 29€


Résumé : Le Sahara est un livre jamais écrit ; il est parfois murmuré par des doigts tremblants sur une feuille de papier arrachée par le vent de la vie ; quelquefois, c’est aussi une trappe pour le poète enfermé dans des phrases longues et inachevées. Souvent, le chercheur d’absolu écrit en remplissant le ciel de petites étoiles en papier… mais
quelquefois il s’égare et tombe dans le puits de l’oubli. Le Sahara ne s’habite pas, il se vit. Il ne se regarde pas, il se voit. Chaque jour, tout est remis en cause. Les peintres l’ont bien compris, car ils n’arrivent jamais au bout de leur toile. Le vent chasse les nuages, pousse les dunes, change la couleur du temps. Tout n’est qu’exode sur le rebord poudreux de la vie. En parcourant cet ouvrage, laissez-vous emporter par les paysages surprenants du Hoggar en Algérie ou les cathédrales de sable du Sud libyen où tous les mystères du monde semblent se concentrer. Écoutez le chant des vents dans le désert du Ténéré qui vous emmène dans un espace hors du commun où l’éternité s’écoule goutte à goutte dans le sablier du temps. Allez plus loin que vos rêves et laissez-vous troubler par ces images inédites et irréelles du désert blanc en Égypte, l’un des plus fascinants du Sahara, qui offre, au regard ébahi, des formes et des couleurs d’une variété infinie. Le sable est si fin qu’il ressemble à du talc. Marcher dans cette neige, vierge de toute empreinte, nous invite à un retour à l’essentiel. Celui de la simplicité. Et là, là seulement, isolés de tout, sans repères, vous serez seuls face aux silences de vos pas. Dans cette nudité, vous n’aurez rien à prouver, vous serez devenus votre propre référence. Tel un grain de sable enchaîné au fil de l’éternité, explorer les paysages les plus incroyables de notre planète.


Extraits : « Le plus inattendu dans le désert, ce n’est pas la forme des rochers, ce n’est pas l’immensité des dunes, c’est la présence illogique des humains.« 

« Dans l’imaginaire, le désert est le berceau et la base de toute expérience, c’est un lieu sans route assurée, si ce n’est le chemin que l’on trace soi-même. »


Mon avis : Cet album est une pure merveille ! Il est le fruit d’une collaboration entre trois grands hommes. Il y a tout d’abord Régis Colombo, un grand photographe reporter reconnu pour ses paysages aux lumières particulières. Albert Jacquard, un chercheur, biologiste et essayiste, décédé il y a maintenant plus de 6 ans, puis Antoine Blanc, journaliste et designer graphique. Trois grands hommes au talent qui n’est plus à prouver, qui se sont assemblés pour produire cet album photographiques sur les magnifiques paysages du Sahara.

Le Sahara est un vaste désert qui s’étend sur plus de 5 000 kilomètres et traverse, entre autres, l’Algérie, la Libye, l’Égypte et le Niger. Ce sont ces quatre pays que les auteurs, photographe et journaliste, ont choisi de visiter, de photographier et de raconter. À travers quatre grands chapitres correspondant aux quatre pays précédemment cités, les auteurs vont mettre en avant la relation que chacune de ces nations entretient avec le désert.

C’est très instructif. J’ai beaucoup appris sur la formation du désert du Sahara, sur sa traversée des temps, sur ses changements successifs, sur les rares populations qui essaient d’y vivre et leurs différentes us et coutumes. Les textes explicatifs ne sont pas très étoffés, mais ils nous donnent suffisamment d’informations, des informations importantes, parfois impressionnantes, surprenantes, que l’on retient avec facilité. Les photographies sont souvent accompagnées de courts proverbes locaux, que j’ai particulièrement apprécié, qui apportent une touche de poésie supplémentaire à l’album. Pour vous en citer quelques-uns : « Le regard est le médiateur des coeurs », ou encore « Il existe deux soleils… L’un se lève sur les regards, l’autre sur les coeur ».

Quant aux photos, les stars de cet album, elles sont juste sublimes. La beauté des paysages est tout simplement à couper le souffle. Ces grandes étendues désertiques, nues de toutes civilisations humaines, qui ont traversées les siècles, les guerres, les changements climatiques… sont incroyables. Comme par enchantement, on plonge dans ce vaste univers, on se retrouve tantôt catapulté au coeur de ce no man’s land, tantôt intégré dans une tribu de touaregs.

C’est dépaysant à souhait, mais surtout, les photos et les textes qui les accompagnent nous amènent à réfléchir. Les auteurs nous enjoignent à un voyage intérieur magique, une sorte d’exutoire, pour apprendre à penser différemment. En effet, on se retrouve nous, homme infiniment petit, face à ces étendues infinies… il y a matière à réflexion et introspection. J’ai ressenti énormément d’émotions face à ces photos et à leurs explications, je me suis prise à rêver à maintes reprises, m’évadant entre ces dunes de sable, à la découverte d’un autre monde, poétique, reculé, bien loin de tout ce que je connais jusqu’à maintenant. C’est certain : cet album m’a donné envie de voyager, en particulier dans le Nord de l’Afrique !


Un magnifique album de photographiques sur les paysages du Sahara, qui permet de faire des découvertes socio-culturelles et historiques, ainsi qu’un très beau voyage intérieur. Je vous le recommande chaudement !

Ma note : 9,5/10

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Habiter la France


Habiter la France de

Raymond Depardon

206 pages, éditions Points, à 10,90€


Résumé : Raymond Depardon a photographié la France, en guettant les traces de l’homme sur le territoire, un peu à la manière dont Walker Evans a photographié les Etats-Unis au début du XXe siècle. Le photographe et réalisateur mondialement connu a visité presque toutes les régions de France, dans un fourgon aménagé. Pour la première fois en poche, cet ouvrage regroupe deux cents photographies, sélectionnées parmi celles qui ont le plus marqué : toutes donnent à voir ce qu’habiter la France veut dire.


Extrait  « Tout lieu qui nous importe vraiment possède cette part d’indicible et peut-être, ceci expliquant cela, un « je-ne-sais-quoi et un presque-rien » qui nous renvoie à l’enfance. »


Mon avisUn grand merci à Babelio, ainsi qu’aux éditions Points, de m’avoir permis de recevoir cet album photographique. Je ne vous cache pas que j’étais très excitée à l’idée de le recevoir, puisque je n’avais encore jamais eu l’occasion de découvrir un tel ouvrage. De surcroît un ouvrage signé Raymond Depardon, grand photographe et réalisateur français, maître des films documentaires, auteurs d’une cinquantaine d’ouvrages et d’autant de films. Comment ne pas être impatient ?

Un jour d’automne 2004, Raymond Depardon est parti en camping-car visité la France. De ce long voyage est naît Habiter la France, un album composée de plus de 200 photographies, qui représentent la quasi-totalement des régions de France, ses villages et ses richesses quotidiennes.

Raymond Depardon fait appelle à notre sensibilité d’enfant pour ressentir toutes ces photographies. Instantanément, dès la première photographie (ci-dessous), j’ai ressenti une nostalgie puissante, qui fait échos à mon enfance. Cette maison familiale, avec ces balançoires, toute cette verdure, ce petit animal… me rappellent des souvenirs d’enfance. Énormément de photographies font appellent à cette sensibilité enfantine, et font remonter à la surface des sensations perdues, oubliées, qui renaissent à travers ces photos et ces lieux.

Ces lieux font échos à notre quotidien. Raymond Depardon ne montre rien de grandiose, pas de lieux m’as-tu-vu ou touristique, seulement la vraie vie, celle oubliée des médias, la réalité du quotidien que la majorité des Français connaissent.


Un magnifique album de photographies, qui met en lumière des espaces et des lieux français passés sous silence par les médias. Un album empli de nostalgie qui représente la vraie France, rurale et urbaine, jamais visitée, mais toujours reconnue. 

Ma note : 7,5/10