Wanted


Wanted de Claire Delannoy
122 pages, éditions Albin Michel, à 17,90€


Résumé : « Vous avez sans doute en tête la photo parue en première page dans tous les journaux, j’y apparais en princesse jardinière, longue robe et tablier, dans les mains les fameuses tomates rouges qui sont tombées à terre quand j’ai dû lever les bras mise en joue par la police armée. Je suis dans un jardin tout ce qu’il y de commun, et d’un coup je deviens l’icône terroriste, la fille aux tresses blondes qui abat le bourgeois sans état d’âme, la fille près de chez soi qui représente le mal. »
Au fil d’un face à face subtil et sinueux, Elsa et Anton, deux êtres qu’apparemment tout oppose, vont se livrer à une exploration de leur passé, à commencer par celui d’Elsa, l’engagement révolutionnaire de sa jeunesse, sa cavale sous des identités diverses pour échapper à l’image qu’on lui a assignée.
Revisitant les utopies des années 1968, sondant le travail du temps et la distance lucide qu’il instaure entre les événements et soi, Wanted est aussi une invitation au dépouillement et à la sérénité.


Extraits : « Mais ceux qui croient à la force de leurs rêves s’en remettent malgré les blessures et la méchanceté. De ça j’ai toujours été persuadée. On recrée ses secrets, on devient plus prudent à les préserver, ils s’ouvrent à d’autres dimensions, parfois à l’humanité tout entière. »

« Lire est un apprentissage qu’on commençait très tôt et qui ne s’arrêtait jamais, Goethe à quatre-vingt ans disait qu’il était incapable de dire s’il y avait réussi. »


Mon avis : Wanted est un huis-clos angoissant dont le synopsis m’avait séduite. Il faut dire qu’il est aguicheur : « Vous avez sans doute en tête la photo parue en première page dans tous les journaux, j’y apparais en princesse jardinière, longue robe et tablier, dans les mains les fameuses tomates rouges qui sont tombées à terre quand j’ai dû lever les bras mise en joue par la police armée. Je suis dans un jardin tout ce qu’il y de commun, et d’un coup je deviens l’icône terroriste, la fille aux tresses blondes qui abat le bourgeois sans état d’âme, la fille près de chez soi qui représente le mal. » Malheureusement, le récit n’a pas été à la hauteur de mes attentes.

Elsa est en cavale. Elle se cache d’Anton, un détective bien déterminé à la retrouver et à la confier aux mains des autorités. Car Elsa est soupçonnée d’être à l’origine d’une attaque terroriste, chose qu’elle réfute totalement. Alors elle fuit, change d’identité, dans l’espoir de vivre un semblant de vie paisible. Mais Anton la retrouve et cherche à la confronter : pourquoi a-t-elle commis un tel acte ? Qui est-elle vraiment ? De longues discussions intimistes et introspectives s’ensuivent.

J’ai trouvé cette histoire terriblement ennuyeuse. Je n’ai pas compris le but d’un tel récit : il n’y avait pas de message spécifique, pas de moralité, pas de cause à défendre, juste une histoire type fait divers qui aurait pu être racontée de manière plus succincte dans un autre contexte. Il ne se passe rien, il n’y a aucun suspense, le texte s’étire simplement en des longueurs léthargiques.


Un huis-clos qui se laisse facilement lire, mais qui n’est ni captivant, ni particulièrement intéressant. Il n’apporte rien et s’oublie une fois refermé.

Ma note : 2/10

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ISBN : 978-2-226-48003-3

Le sang des Belasko


Le sang des Belasko de Chrystel Duchamp
236 pages, éditions l’Archipel, à 18€


Résumé : Cinq frères et sœurs se réunissent dans la maison de leur enfance, la Casa Belasko, une imposante bâtisse isolée au cœur d’un domaine viticole au sud de de la France. Leur père, vigneron taiseux, vient de mourir. Il n’a laissé qu’une lettre à ses enfants, dans laquelle sont dévoilés nombre de secrets. Le plus terrible de tous, sans doute : leur mère ne se serait pas suicidée – comme l’avaient affirmé les médecins six mois plus tôt. Elle aurait été assassinée…
Au cours de cette nuit fatale, les esprits s’échauffent. Colères, rancunes et jalousies s’invitent à table. Mais le pire reste à venir. D’autant que la maison – coupée du monde – semble douée de sa propre volonté. Quand, au petit matin, les portes de la Casa se rouvriront, un membre de la fratrie sera-t-il encore en vie pour expliquer la tragédie ?


Extraits : « Une existence pour bâtir un empire. Quelques secondes pour le réduire à néant. »

« Lorsque la famille s’était installée au domaine, papa avait insisté pour donner un nom à la maison. Selon lui, c’était une marque d’affection, une preuve d’amour. »


Mon avis : L’année dernière, j’avais été enchantée de lire L’art du meurtre, le premier polar de Chrystel Duchamp, brillant mélange de fiction contemporaine et de culture artistique. Avec Le sang des Belasko, l’auteure revient sur le devant de la scène et confirme ses somptueux talents de narratrice.

Après la mort de leurs défunts parents, cinq frères et soeurs se retrouvent dans la villa familiale, nommée Belasko, pour prendre connaissance du testament et répartir les biens matériels et financiers. En ouvrant la lettre laissée par leur père, ils découvrent un aveu surprenant : leur mère ne s’est pas suicidée, mais a été assassinée. D’abord perplexes, les esprits s’échauffent, la colère gronde, les rancunes refont surface.

À tour de rôle, les cinq frères et soeurs deviennent narrateur de l’histoire, de façon à ce que l’on puisse se forger un avis personnel sur le caractère de chacun des personnages. Philippe, le frère aîné, s’est acoquiné de la femme de Matthieu, qui depuis, le hait. Solène et Garance, les deux soeurs, se détestent également, jalouses mutuellement. Seul David semble lucide et pragmatique, rescapé de la fratrie, c’est sur lui que repose tous nos espoirs d’apaisement. Autant vous dire que ces cinq frères et soeurs sont très différents, tant dans leur tempérament que dans leur manière de vivre et d’affronter les péripéties quotidiennes. Des histoires familiales somme toutes banales, qui tournent rapidement à l’extrême chez les Belasko.

C’est un huis-clos oppressant que nous décrit l’auteure : enfermés dans la casa Belasko, sans aucune issue possible, nous assistons à des scènes de violences horrifiantes, dont nul ne semble pouvoir échapper. C’est une maison maudite, spectatrice silencieuse depuis plusieurs décennies de querelles familiales, elle renferme bien des secrets qu’il aurait été préférable de taire à jamais. Petite mention spécifique pour l’ingéniosité de Chrystel Duchamp, qui consacre son premier chapitre à la casa Belasko, narratrice incongrue, qui pose les bases d’une intrigue inquiétante, bien éloignée des règles de bienséance. L’atmosphère qui règne à l’intérieur de la maison offre tous les ingrédients indispensables à un bon thriller psychologique : beaucoup de suspense, une bonne dose de mystères et une tension croissante. C’est un polar explosif, qui monte crescendo en puissance pour finir en apothéose : une explosion détonnante et totalement inattendue, qui clôt avec brio ce huis-clos spectaculaire.

Fait surprenant, qui rend l’histoire d’autant plus singulière et très originale : elle se construit comme une tragédie classique, en respectant les trois règles d’unité (lieu, temps et action). Le récit prend place dans un lieu unique – la casa Belasko -, dans une temporalité réduite – moins de 24h -, avec un seul fil conducteur. On retrouve dans Le sang des Belasko des thématiques très souvent développées dans les plus grandes tragédies classiques : l’honneur, la vengeance, l’amour, ou encore la fatalité. Enfin, le dénouement des tragédies est connu pour être très souvent malheureux… et l’histoire de David et de ses frères et soeurs n’échappe pas à la règle.


Un deuxième polar qui se place dans la lignée du premier : original, addictif, rythmé, écrit d’une main de maître. Chrystel Duchamp nous dépeint une machination familiale morbide, digne d’une tragédie classique !

Ma note : 8,5/10

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ISBN : 978-2-8098-4040-7

Cyanure


Cyanure de Camilla Läckberg
155 pages, éditions Babel Noir, à 7€


Résumé : Quelques jours avant Noël, Martin Molin, le collègue de Patrick Hedstöm, accompagne sa petite amie Lisette à une réunion de famille sur un île au large de Fjälbacka. Mais au cours du premier repas, le grand-père, un richissime magnat de l’industrie, leur annonce une terrible nouvelle avant de s’effondrer, terrassé. Dans son verre, Martin décèle une odeur faible mais distinct d’amande amère. Une odeur de meurtre. Une tempête de neige fait rage, l’île est isolée du monde et Martin décide de mener l’enquête. Commence alors un patient interrogatoire que va soudain troubler un nouveau coup de théâtre…
Offrant une pause à son héroïne Erica Falck, Camilla Läckberg livre un polar familial délicieusement empoisonné.


Extraits : « Aujourd’hui, tout lui faisait peur. Les araignées, les serpents, l’effet de serre et la course à l’armement nucléaire au Moyen-Orient. Ces craintes pouvaient paraître justifiées mais elle redoutait également des choses infimes au quotidien comme le regard de ceux qu’elle croisait, les sous-entendus lorsqu’ils s’adressaient à elle, les offenses invisibles et les attaques inattendues. Le monde entier était devenu un endroit menaçant. »

« Il n’y avait plus rien à dire. Le silence s’était installé parmi les passagers. Martin tournait le dos à l’île qui s’éloignait lentement derrière eux. Devant lui, Fjällbacka scintillait dans l’obscurité. Deux corps recouverts d’une bâche étaient étendus dans la cabine du bateau.
Il restait cinq jours avant Noël. »


Mon avis : L’histoire se déroule sur l’île de isolée de Valö, en Suède, quelques jours seulement avant Noël. C’est la première fois que Martin Molin, un policier d’âge mûr, va faire la rencontre de la famille de sa petite-amie Lisette. Au coeur du dîner familial, le grand-père, riche magnat de l’industrie, invective un à un les membres de sa famille, leur reprochant leur fainéantise évidente et l’abus de certains à s’accaparer sa richesse. C’est alors qu’un drame se produit : le grand-père est pris de convulsions et décède subitement devant les yeux effarés des convives. Martin décide de prendre les choses en main : il convoque un à un les membres de la famille pour tenter de percer le mystère de la mort du grand-père.

Un huis-clos familial angoissant à souhait, puisque l’histoire se déroule en plein hiver, sur une île déserte, le temps rendant impossible toute communication avec la civilisation. La famille se retrouve donc seule, démunie, avec un traître en son sein. Chacun se juge, s’interroge, les théories vont bon train, les accusations également. L’ambiance est assez pesante, alourdit par un climat de suspicions, de craintes, de questionnements, de mystères.

Martin, policier de carrière, semble totalement dépassé par les événements. Selon moi, il manquait cruellement de professionnalisme, priant à maintes reprises que la communication soit rétablie pour solliciter l’aide son précieux collègue resté sur le continent. Il ne met personne en confiance, il mène des interrogatoires puériles, très peu convaincants, posant des questions anodines et banales. Pour faire simple, j’ai trouvé le personnage de Martin pathétique, agaçant de nullité, criant d’imbécillité. D’ailleurs, l’ensemble du récit est peuplé de personnages caricaturaux, creux, dénué de toute profondeur, ils restent des noms, sans corps, sans attaches. 

Durant ma lecture, j’ai ressenti le désir de Camilla Läckberg d’imiter quelques peu les grands écrivains aux enquêtes trépidantes – je pense notamment aux enquêtes de Sherlock Holmes, ou aux polars d’Agatha Christie… Une pâle copie, piètre figure aux côtés de ces grands noms, qui essaie tant bien que mal de surfer sur la vague des polars nordiques, mais n’arrive pas à s’éléver suffisamment haut pour atteindre son auditoire.

Le dénouement est quant à lui totalement prévisible. Somme toute, il est à l’image du livre complet : il manque d’originalité, de mordant, de surprise. C’est le genre de fin que l’on a pu croiser maintes et maintes fois dans différents polars, que l’on est usé d’avoir tant lu. Je ne vous en dirai pas plus, vous laissant découvrir par vous-même cette fin assez décevante, mais vous aurez tôt fait d’en comprendre les rouages…


Un polar très court, qui manque de consistance, de suspense, d’originalité. les personnages sont creux et agaçants, l’intrigue est un verbiage inutile, mal construite et insipide. passez votre chemin.

Ma note : 2/10

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ISBN : 978-2-330-01344-8
Traduction : Lena Grumbach

Esprit d’hiver


Esprit d’hiver de Laura Kasischke

302 pages, éditions Le Livre de Poche, à 7,10€


Résumé : Réveillée tard le matin de Noël, Holly se voit assaillie par un sentiment d’angoisse inexplicable. Rien n’est plus comme avant. Le blizzard s’est levé, les invités se décommandent pour le déjeuner traditionnel. Holly se retrouve seule avec sa fille Tatiana, habituellement affectueuse, mais dont le comportement se révèle de plus en plus étrange et inquiétant…


Extraits  « Holly avait pris sa fille contre elle et, avant de la voir ou de la sentir ou de l’entendre, elle l’avait aimée – comme s’il existait un organe et une partie de son cerveau qui auraient été l’oeil ou le nez ou l’oreille de l’amour. Le premier sens. »

« Eric était fermement convaincu que le boulot des médecins était de trouver des maladies là où il n’en existait pas, et d’aggraver la maladie là où ils en trouvaient une.« 


Mon avis : Après des années à patienter sagement dans ma PAL, j’ai décidé d’y sortir Esprit d’hiver et de le lire à l’occasion des fêtes de fin d’année.

L’histoire se déroule le soir de Noël, dans une maison familiale. Holly, son mari et leur fille adoptive Tatiana, s’apprêtent à recevoir toute leur famille pour le réveillon. Son mari part récupérer ses parents à l’aéroport, laissant seules Holly et Tatiana, ramenée de Sibérie 15 ans plus tôt. Mais le temps se gâte et les invités se décommandent les uns après les autres, laissant les deux femmes seules chez elles. Holly commence à angoisser de la situation, d’autant qu’elle remarque que Tatiana a un comportement différent que d’habitude.

C’est un huis-clos effrayant et angoissant que nous livre Laura Kasischke. Le lecteur se retrouve enfermé dans la maison, aux côtés de Holly et Tatiana. Des événements quasiment paranormaux se déroulent à l’intérieur de la maison, rendant l’atmosphère encore plus étrange et terrifiante. Ajoutez à cela deux personnages sombres, presque fantomatiques : une mère angoissée, pas très sereine, qui ressasse constamment la phrase suivante « Quelque chose les avait suivis depuis la Russie jusque chez eux« , la Russie faisant référence au lieu de l’adoption de Tatiana. Une fille au comportement suspect et bizarre, comme si elle n’était plus elle-même, mais que quelqu’un avait prit possession de son corps, de son esprit et de son âme. Il n’y a pas à dire : ça ne donne pas envie de passer réveillon chez eux !

Le récit se structure avec des épisodes se déroulant dans le présent et des sauts dans le passé. Ses retours en arrière nous permettent de comprendre le passé des personnages, leur histoire et les causes de leur comportement actuel. Ce qu’on reproche souvent aux huis-clos, c’est l’immobilisme des personnages, le manque de dynamisme et d’attractivité du récit. Dans Esprit d’hiver, grâce à cette alternance des temps, le récit est plus vivant et plus concret aux yeux des lecteurs. Malgré quelques petites longueurs  souvent trop descriptives, j’ai apprécié sortir, le temps de quelques instants, de cet espace confiné qu’est la maison de Holly.

Quant au dénouement, je dois reconnaître qu’il est assez inattendu et qu’il m’a surprise. Une fois le mystère résolu, tout s’éclaire : les comportements suspects, l’humeur maussade, les événements paranormaux… Je ne vous en dirais pas plus, vous laissant le soin de découvrir par vous-mêmes, si vous en avez le courage, le fin mot de cette histoire.


 Ce récit est un huis-clôt étouffant, angoissant mais surtout très mystérieux. Le suspens est à son comble et nous pousse à lire davantage, toujours plus vite, pour assembler les différentes pièces du puzzle.  Un bon thriller psychologique, qui aurait quand même mérité plus de peps. 

Ma note : 6/10