Comme une envie de foutre le feu


Comme une envie de foutre le feu
de Anna Kozlova
235 pages, éditions Stéphane Marsan, à 18€


Résumé : « Les mots disparaissent, les lettres disparaissent, tout disparaît. Fini les scénarios, l’introspection ou la culpabilité. Inutile de courir où que ce soit, inutile d’avoir peur, il n’y a plus rien. Ni douleur, ni repentir, ni honte, ni solitude. J’ai tout brûlé. Et je ne me souviens plus de rien. »
Sacha, vingt-sept ans, a comme une envie de foutre le feu. Cette jeune Moscovite a pourtant tout pour être heureuse : elle est belle, intelligente, émancipée.
Elle travaille dans une agence de communication où elle peut s’offrir le luxe de végéter à un poste bien payé. Grâce à quoi, elle part en vacances dans des endroits de rêve. Le reste du temps, elle fume, boit, jure, prend quelques amants pour conjurer l’ennui. Sa vie n’est guère plus à ses yeux qu’une succession d’absurdités qu’elle traverse tant bien que mal, comme une somnambule. Dans le brouillard des journées qui défilent, Sacha se rappelle d’où elle vient.
Et aussi qu’elle a des comptes à régler avec le passé. Elle se souvient de lui, d’eux, de son désir d’envoyer tout ça aux oubliettes. Rien que d’y penser, elle a comme une envie de foutre le feu.
Entre ces pages imbibées de vodka, d’humour noir et de révolte, se dessine le portrait poignant d’une femme désespérément en quête de sens.


Extraits : « Je m’approche du miroir sur pied qui se trouve sur le rebord de ma fenêtre ; je ne me maquille qu’à la lumière du jour, sous l’influence d’un article que j’ai lu dans Cosmopolitan. On y expliquait une bonne fois pour toutes aux femmes dans mon genre que seule la lumière du jour permettait de rectifier à temps les ratés d’un maquillage. »

« Si l’enfance est l’enfance, c’est qu’on peut y croire en la possibilité de métamorphoses qui, dans la vie, sont impossibles. »


Mon avis : Sacha est une jeune russe à la vie monotone. Telle une somnambule, elle traverse son quotidien avec ennui, les journées se ressemblent, passant de banalités en absurdités. Le récit est composé de scènes au présent entrecoupées de flashs du passé. On y découvre une jeune fille totalement perdue, embourbée dans une relation conflictuelle avec mère, empêtrée dans une aventure amoureuse douteuse avec un professeur. Des traumatismes de l’enfance qui rejaillissent avec violence dans sa vie d’adulte : Sacha a comme une envie de foutre le feu pour régler une bonne fois pour toute ses comptes avec la vie.

C’est un roman noir, obscure, déprimant, devrais-je dire. Le pessimisme guette à chaque coin de page, la misère sociale, la décadence, l’absence d’intérêts et d’objectifs tant personnels que professionnels… on a l’impression de descendre lentement dans les profondeurs de l’enfer humaine.

L’histoire en elle-même est fade, dans le sens où il ne se passe quasiment rien. Je n’ai d’ailleurs pas compris l’intérêt d’un tel récit : on y suit les tracas d’une presque trentenaire qui s’ennuie de sa vie et ressasse son passé. Cette protagoniste ne recèle aucune caractéristique intéressante, elle est à l’image même du récit : creuse et vide. Je l’ai trouvée ridicule par moments, négative dans sa façon de penser et de se comporter. Je vous rappelle que Anna Kozlova, l’auteure de ce livre, est russe ; de ce fait, son histoire est bâtie en fonction de ses expériences et connaissances personnelles. Je me dis que, peut-être, l’écart culturel qui sépare nos deux pays est bien trop grand pour que je puisse pleinement comprendre les tenants et aboutissants de cette histoire.


Un roman noir qui m’a laissé totalement indifférente. L’histoire est creuse, les personnages inintéressants. Passez votre chemin.

Ma note : 2/10

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ISBN : 978-2-37834-092-6
Traduction : Raphaëlle Pache

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L’idiot


L’idiot de Fiodor Dostoïevski

670 pages, éditions Gallimard


Résumé : Le prince Muichkine arrive à Saint-Pétersbourg. Idiot de naissance parce qu’incapable d’agir, il est infiniment bon. Projeté dans un monde cupide, arriviste et passionnel, il l’illumine de son regard. Par sa générosité, tel le Christ, Léon Nicolaïevitch révélera le meilleur enfoui en chacun. La trop belle Anastasia, achetée cent mille roubles, retrouve la pureté, Gania Yvolguine le sens de l’honneur, et le sanglant Rogojine goûte, un instant, la fraternité. Dostoïevski voulait représenter l’homme positivement bon. Mais que peut-il face aux vices de la société, face à la passion ?
Récit admirablement composé, riche en rebondissements extraordinaires, L’Idiot est à l’image de la Sainte Russie, vibrant et démesuré. Manifeste politique et credo de l’auteur, son oeuvre a été et restera un livre phare, car son héros est l’homme tendu vers le bien mais harcelé par le mal.


Extraits : « Ce qui compte, c’est la vie, la vie seule ; c’est la recherche ininterrompue, éternelle de la vie, et non sa découverte ! »

« Une fable innocente, inventée pour faire rire, même si elle est grossière, ne blesse pas le coeur humain. »


Mon avis : J’avais peur de débuter ce livre. Au vu de la densité du texte, de la pluralité des personnages et des avis divergents, j’étais assez circonspecte face à ce monument de la littérature russe. Par curiosité intellectuelle, je me suis néanmoins décidé à aborder cette oeuvre phare du XIXème siècle.

« L’idiot » s’appelle Léon Nicolaévitch, un prince Muichkine simple d’esprit, caractérisé par son envie d’être agréable et bienveillant envers la société russe. Un trait de personnalité qui intrigue et interroge les petites gens du peuple, peu habitués à voir surgir dans leur cercle ce type d’individu. À Pétersbourg où il atterrit, le prince, très naïf, pénètre dans un monde sans pitié : celui de l’aristocratie russe, où des nobles bien nés le traitent avec hauteur et condescendance.

J’ai ressenti des sentiments ambivalents à l’encontre de notre héros : ce prince, au surnom dévalorisant, m’a souvent agacé par sa fragilité, sa façon d’être avec les personnes qu’il rencontre, sa manière de se laisser avilir et dominé par les autres. Mais en même temps, il a réussi à me toucher. Sa sagesse, son humilité, sa façon toute personnelle de voir la vie, différemment des autres hommes, font de lui un être exceptionnel et différent, qui lui vaut ce surnom peu flatteur. Pour exemple, le prince voue un amour singulier à l’encontre de Nastasie, il voit au-delà de son aspect physique, il arrive à cerner sa personnalité, à adorer sa tristesse,  alors que les autres hommes ne s’attardent que sur leur désir physique. Une attitude qui lui vaut des remontrances et qui le place d’office en situation d’infériorité par rapport aux autres hommes, alors qu’il semble être beaucoup plus intelligent que la moyenne.

Je ne dirais pas que j’ai aimé, ni que j’ai détesté découvrir cette histoire. Disons que je suis satisfaite d’avoir pu étancher mon insatiable curiosité en découvrant ce classique que beaucoup encensent. J’ai néanmoins été agréablement surprise par l’accessibilité de l’écriture de Fiodor Dostoïevski. C’est un roman russe qui date du milieu du XIXème, qui ne comprend pas de termes vieillis, mais reste assez  fluide, avec des personnages cohérents et une description concrète de l’époque. On se balade à Saint-Pétersbourg, dans la campagne environnante, on est confronté à la société d’alors, où tout demeurait dans le paraître, l’excès et l’extravagance, manières d’asseoir sa supériorité : chacun tente d’accéder à une meilleure situation financière, à un mariage plus glorieux… Bien que l’auteur décrive une population aisée de la vie russe, où évoluent princes, généraux et gens de bonnes familles, il nous confronte néanmoins à des aspects plus rudimentaires de la vie d’alors : les inégalités, la pauvreté, la maladie, la folie, la place des femmes dans la société… La capacité de l’auteur à aborder avec justesse cette fresque sociale est quand même phénoménale, elle nous permet de percer l’âme humaine et de comprendre plus en profondeur l’état d’esprit d’alors.

À ma grande surprise, il est beaucoup fait mention d’amour entre ces pages : le prince et Nastasie, Nastasie et Rogojine, Gabriel Ardalionovitch et Aglaé, Aglaé et le prince… des couples qui se font et se défont au gré des réunions familiales et mondaines. Nastasie et Aglaé sont deux personnages féminins imprévisibles, difficile, voire impossible à cerner, qui agissent avec passion et désinvolture. Leur compassion et leur rejet cruel ne surgissent jamais quand on pourrait s’y attendre : même après six cent pages, elles arrivent encore à nous surprendre dans leurs agissements et leurs paroles, passant de l’amour à la haine en une fraction de secondes. Au fil du récit, on constate une nette alternance de scènes apaisées, où il est question de sentiments profonds et véritables à des scènes plus intenses, mémorables, qui déstabilisent et déconcertent. Une ambivalence qui contribue largement à rythmer l’histoire. 

Je ne cache pas que ma lecture fût laborieuse à certains moments, à cause certainement de la densité stylistique et narrative de l’auteur. Les personnages se multiplient au fil des pages, tant et si bien qu’on en arrive à s’y perdre. D’autant que certains sont appelés tantôt par leur titre de noblesse, tantôt par leur prénom, leur nom ou leur diminutif ; ce qui ajoute une difficulté supplémentaire aux lecteurs, obligé de bien répertorier le rôle et l’identité de chacun. Si on ajoute à cela la complexité des relations sociales qui existe entre les personnages, il est évident qu’un lecteur non averti va avoir beaucoup de mal à s’y retrouver ! L’histoire tend aussi en longueurs, avec des passages assez pénibles qui ont freinés l’avancée de ma lecture. Je pense notamment aux longues interventions d’un Hippolyte déprimé, atteint d’une phtisie qui l’anéantit, qui souhaite se suicider pour rester pleinement maître de son destin. Il s’épanche en élucubrations sans queue ni tête qui m’ont passablement ennuyées.


Un récit fourni et dense, qui nous plonge brutalement au coeur de la société Russe du XIXème siècle. Malgré quelques longueurs, je suis satisfaite d’avoir pu découvrir ce monument de la littérature, qui m’a fait voyager dans un univers extravagant, où le bien côtoie le mal, l’argent triomphant sur le partage, l’arrivisme social écrase l’humilité. Complexe, mais intéressant !

Ma note : 6,5/10

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Traduction : Albert Mousset

Anna Karénine

Anna Karénine de Léon Tolstoï
980 pages, éditions Pocket, à 4,90€

Résumé :  En gare de Moscou, deux jeunes gens s’aiment au premier regard. Femme d’un haut fonctionnaire, ornement de la société tsariste de son temps, Anna Karénine éblouit le frivole comte Wronsky par sa grâce, son élégance et sa gaieté. À ce bonheur, à cette passion réciproque porteuse de scandale et de destruction, ils ne résistent pas longtemps. En écho à cette tragédie programmée, on entend toute l’âme d’un peuple et les premiers craquements de l’Empire russe en train de se lézarder.

Extraits :  « La liberté ? pourquoi la liberté ? Le bonheur pour moi consiste à aimer, à vivre de ses pensées, de ses désirs à elle, sans aucune liberté. Voilà le bonheur ! »
« Pour pardonner, il faut avoir souffert. »

Mon avis :  J’avais ce livre dans ma pile de livres à lire depuis un petit moment, et l’épaisseur de cet ouvrage m’effrayait un peu – il fait quand même plus de 980 pages ! Quand Anna Karénine a été sélectionnée comme lecture commune du mois de février 2016 sur le forum de Babelio, j’ai été enchantée : j’allais enfin pouvoir découvrir ce classique de la littérature russe !

Je vais tenter de vous résumer l’histoire – mais mon résumé n’aura jamais assez d’importance en comparaison de l’admirable monde construit pas Léon Tolstoï. Anna est marié à Alexis Karénine, un homme haut placcé dans l’administration russe. Kitty refuse l’amour de Lévine, un simple paysan, pour celui de Wronsky. Stéphane Arcadiévitch, le frère d’Anna Karénine, est marié à Dolly, la soeur aînée de Kitty. Au détour d’une gare, Anna croise le regard de Wronsky. A partir de ce moment-là, Anna va découvrir l’amour… et ses difficultés. En se séparant de son mari et en courtisant un autre homme, Anna va s’attirer les regards, les médisances et les commérages. Alors qu’elle croyait que l’amour de Wronsky allait être comme un renouveau existentiel pour elle, les malheurs vont s’enchaîner, au point de douter constamment de son amour.

Anna Karénine, c’est un livre d’une modernité déconcertante, dans lequel chaque lecteur va pouvoir s’identitifer. On y trouve des questionnements sur l’amour – qu’est-ce que l’amour, qu’apporte l’amour… -, et tout ce qui en découle : désillusions, souffrance, désespoir, légèreté, jalousie… Les histoires d’amour dans ce roman ne sont jamais heureuses. Dans chaque couple sus-mentionnés, vient se greffer des problèmes.
On peut quand même dire que Léon Tolstoï était doté, au XIXème siècle, d’un regard visionnaire : il a anticipé sur les lois du divorce, les lois du mariage, de la garde alternée, de l’émancipation et des droits accordés à la femme. Autant de sujets qui prouvent la modernité de l’oeuvre !

Le personnage éponyme, Anna, est forcément la figure la plus complexe de l’oeuvre. Elle se montre tantôt amoureuse, tantôt déçue, tantôt joyeuse, tantôt triste, rêveuse ou désillusionnée, courageuse ou démotivée. Bien que sa personnalité soit difficile à définir, elle est quand même extrêmement attachante.

Mais, pour contrebalancer le romantique de l’oeuvre, l’auteur va incorporer des problèmes politiques et administratifs à l’intrigue initiale. Il va dépeindre avec exactitude les questions soulevées par les dirigeants de la Russie au XIXème siècle, concernant les droits des travailleurs, la montée du communisme, etc. De ce fait, nous sommes totalement plongés au coeur de ce siècle, ce qui permet de montrer un pan historique qui s’accorde idéalement avec l’intrigue amoureuse.

Bon, pour être honnête, les passages historiques me paraissent assez lourds à lire ; mais grâce au découpage en micros-chapitres, le rythme restait quand même assez soutenu. Certains n’osent pas s’attaquer à des monuments de la littérature – comme cet ouvrage-ci – de peur de passer complètement à côté de l’histoire ou de ne pas accrocher à l’écriture classique des auteurs ; ce fût mon cas. Mais mon jugement s’est avéré complètement faussé après que j’eus lû les premiers chapitres d’Anna Karénine. Cette lecture était emplie de douceur ; en effet, ce livre est simple et rapide à lire, dans un style grammatical moderne, traitant de thèmes abordables, ancrés dans l’air du temps.

Pour les moins courageux – 1000 pages, ce n’est pas rien ! -, vous pouvez allez voir l’adaptation cinématographique réalisée par Joe Wright en 2012. Je vous assure que cette histoire d’amour est une histoire à lire absolument ! Pour les romantiques et les sensibles (comme moi), vous serez comblés.

 

Ma note : 8/10