Au long des jours


Au long des jours de Nathalie Rheims
171 pages, éditions Léo Scheer, à 17€


Résumé : En 1977, la narratrice vient d’avoir 18 ans. Trois ans plus tôt, elle a fait ses débuts de comédienne. Un soir, après le spectacle, un visiteur se présente dans sa loge du Théâtre de la Ville pour la saluer. Commence alors, avec cet homme hors du commun, de trente-sept ans son aîné, une véritable passion amoureuse. C’est en voyant réapparaître par hasard, au fond d’un tiroir, un Polaroid pris par sa sœur à l’époque, que la romancière a eu, après toutes ces années, le désir de raconter cette histoire restée secrète. Au long des jours est le 23e livre de Nathalie Rheims.


Extraits : « La jouissance d’un secret bien gardé, c’est la certitude de ne jamais être capturée par une image, jetée en pâture au regard de tous. »

« À partir de là, il fut condamné à vivre dans la galère du donjuanisme, dont le symptôme est : « Plus il y en a, plus on est seul. » J’avais bien connu cette « maladie » chez mon père, qui en était, lui aussi, très atteint. J’avais appris, à ses côtés, à force de lui servir d’alibi pour ses mensonges incessants, un certain « mode d’emploi ». »


Mon avis : Je ne m’attendais à rien de spécial en ouvrant ce livre, mais j’ai pourtant été déçue. Nathalie Rheims dresse l’autobiographie d’une partie de son enfance, une enfance peu commune, où il est question de sexe, de passion et d’amour. A 18 ans, elle s’éprend d’un homme marié, de trente-sept ans son aîné, avec qui elle va entamer une douce histoire, éloignée des normes conventionnelles, qui peut perturber voire choquer les esprits parfois étriqués.

Sans jamais citer le nom du mystérieux homme qui partage désormais sa vie, les plus aguerris pourront aisément reconnaître un homme à la célébrité avérée, autant chanteur, qu’auteur, compositeur, interprète, peintre et acteur. Les références à ses œuvres, les extraits de ses chansons, les mentions de ses amis… sont autant d’indices qui nous permettent de mettre un nom sur la personne qui pose en couverture à côté de l’auteure. Je n’avais personnellement jamais entendu parler de cet homme, mais j’ai écouté quelques-unes de ses chansons, par pure curiosité, histoire de le rendre encore plus vivant sous les pages.

Cette histoire aurait pu être attendrissante, mais je me suis souvent sentie gênée en lisant les passages de ce livre. Il faut dire que cette liaison, entre une adolescente de 18 ans et un homme de 55 ans n’est pas commune, d’autant quand on sait qu’elle n’est pas fictionnelle. Nathalie Rheims nous dévoile en toute intimité sa rencontre avec cet homme, leurs rendez-vous clandestins, des scènes intimistes qui se jouent entre eux et nous parle en toute franchise, avec un peu de pudeur, de ses sentiments, qui ne m’ont pas l’air d’être réellement réciproques. J’avais l’impression de voir naître une histoire d’amour à sens unique, avec une passion dévorante d’un côté et une aventure dans la retenue et le secret de l’autre. Car cet homme, du haut de ses 55 ans, était à cette époque-là marié à une femme avec qui il avait des enfants.

Honnêtement, je ne pense pas être le public cible de ce livre, qui doit être plus orienté vers les 60-70 ans, qui ont grandi avec l’ensemble des artistes mentionnés, qui peuvent reconnaître et comprendre les références sans toutefois aller chercher sur Internet à qui ou de quoi parlent chaque page. Enfin, je suis restée quelque peu étrangère à toute l’histoire qui se déroulait sous mes yeux et je n’ai pas été touchée par les élans d’affection de ces deux êtres que tout (ou presque) oppose.


Une autobiographie intimiste, où Nathalie Rheims nous dévoile avec candeur et pudeur sa liaison passionnée avec un homme de trente-sept ans son aîné. Malgré une plume soignée et travaillée, je suis restée hermétique à l’histoire, qui ne m’a pas forcément plût.

Ma note : 3/10

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ISBN : 978-2756114040

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Une année douce-amère


Une année douce-amère de Olivia Potts
343 pages, éditions Les Escales, à 22€


Résumé : À la mort de sa mère, Olivia Potts, dévastée, décide de noyer son chagrin en confectionnant des pâtisseries. Avocate, elle rentre du travail épuisée puis se met aux fourneaux, prépare des banana breads et autres douceurs, y consacre tout son temps libre. Si ses gâteaux et ses crèmes anglaises sont bien souvent ratés, la cuisine lui offre un refuge et prend peu à peu une autre dimension. Et si cela devenait un moyen de construire une nouvelle vie, de donner du sens à son existence sans sa mère ?
Olivia concocte alors un plan, imagine un futur loin des magistrats et plus près des macarons. Elle quitte le barreau, s’inscrit au diplôme de pâtisserie du Cordon Bleu et plonge la tête la première dans le monde de la pâtisserie, de ses défis, ses frustrations et ses récompenses.
Truffé de recettes exquises, Une année douce-amère est un bijou d’humour et d’émotion, mais aussi un questionnement sur le deuil et les différentes formes qu’il peut prendre.


Extraits« La mort a le chic de surgir aux moments les plus anodins. Mais ces moments composent l’essentiel de notre existence. Et donc, sans le vouloir, nous finissons par retourner à cette occurence et par revivre le moment de cette mort, encore et encore. »

« Quand meurt un de nos proches, il se passe une chose étrange. Ce que l’on était en train de faire sur le moment prend une résonance particulière. »


Mon avis : Une année douce-amère est le témoignage de l’auteure, Olivia Potts, actuellement cheffe et rédactrice culinaire anglaise réputée, elle était avocate pénaliste pendant cinq ans, puis a abandonné le barreau pour l’école de cuisine le « Cordon Bleu ». Une décision subite, qui fait suite au décès de sa mère, emportée dans des circonstances tragiques. C’est le point de départ de la remise en question de l’auteure, qui réfléchit sur le sens de sa vie et ses réelles aspirations.

Le début était prometteur : Olivia Potts nous introduit dans sa vie privée, au contact de ses proches, sa mère, nouvellement défunte, son compagnon Sam, ses amis. On suit avec une peine incommensurable la douleur affectée par notre protagoniste face à la tragédie qui la frappe. Impensable pour elle d’accepter le départ de sa mère : elle y pense sans cesse, se prenant à médire sur les personnes qui ne ressentent pas sa douleur ou qui feignent une douleur similaire à la sienne, alors qu’elle est convaincue que sa souffrance est incomparable à celles des autres. Un rejet qui la mènera auprès d’un psychologue, qui tâchera d’essayer de la raisonner. Mais, aussi invraisemblable que cela puisse paraître, seule la pâtisserie pourra la détacher de son deuil.

Olivia n’a jamais vraiment apprécié cuisiner, contrairement à sa mère. Mais aux côtés de son nouveau petit ami Sam, elle prend progressivement goût à la pâtisserie. Passer des heures au-dessus des fourneaux, se concentrer, bien doser, tout ça pour insuffler quelques instants de plaisirs à des palais qui ne se rendent pas compte du travail demandé pour confectionner ce qu’ils ont en bouche. Cette deuxième partie consacrée à son apprentissage de la pâtisserie était intéressant, mais beaucoup trop long et très peu attrayant. La passion d’Olivia Potts transparaît à travers chacune des pages, c’est indéniable ; elle nous explique longuement les étapes de son apprentissage et les trucs et astuces dispensés par les chefs étoilés ; mais un lecteur a besoin d’un certain rythme, totalement absent dans Une année douce-amère. L’histoire était fade, plate, sans rythme, sans saveur, si ce n’est que les recettes décrites à la fin de chaque chapitre donnaient l’eau à la bouche. D’ailleurs, un glossaire final les regroupant toutes aurait simplifié les recherches pour celles et ceux qui souhaiteraient les reproduire.


Une lecture douce-amère, où l’auteure se livre sur sa gestion du deuil : à la fois sucrée et pleine de gourmandises mais remplie d’amertume, ce récit me laisse un goût de trop peu en bouche.

Ma note : 3,5/10

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ISBN : 978-2-36569-520-6
Traduction : Stéphane Roques

Arrête avec tes mensonges


Arrête avec tes mensonges de Philippe Besson
158 pages, éditions 10/18, à 6,90€


Résumé : Je découvre que l’absence a une consistance. Peut-être celle des eaux sombres d’un fleuve, on jurerait du pétrole, en tout cas un liquide gluant, qui salit, dans lequel on se débattrait, on se noierait. Ou alors une épaisseur, celle de la nuit, un espace indéfini, où l’on ne possède pas de repères, où l’on pourrait se cogner, où l’on cherche une lumière, simplement une lueur, quelque chose à quoi se raccrocher, quelque chose pour nous guider. Mais l’absence, c’est d’abord, évidemment, le silence, ce silence enveloppant, qui appuie sur les épaules, dans lequel on sursaute dès que se fait entendre un bruit imprévu, non identifiable, ou la rumeur du dehors. »


Extraits« J’invente des vies à ces gens qui s’en vont, qui s’en viennent, je tâche d’imaginer d’où ils arrivent, où ils repartent, j’ai toujours aimé faire ça, inventer des vies à des inconnus à peine croisés, m’intéresser à des silhouettes, c’est presque une manie. »

« J’ai dix-sept ans.
Je ne sais pas que je n’aurai plus jamais dix-sept ans, je ne sais pas que la jeunesse, ça ne dure pas, que ça n’est qu’un instant, que ça disparaît et quand on s’en rend compte il est trop tard, c’est fini, elle s’est volatilisée, on l’a perdue, certains autour de moi le pressentent et le disent pourtant, les adultes le répètent, mais je ne les écoute pas, leurs paroles roulent sur moi, ne s’accrochent pas, de l’eau sur les plumes d’un canard, je suis un idiot, un idiot insouciant. »


Mon avis : J’ai été particulièrement touchée par cette histoire, qui a réussie, avec seulement 158 pages (!!!), à me faire couler les larmes : juste incroyable ! En juillet dernier, j’ai eu la chance de lire mon premier Philippe Besson : Le dernier enfant, un roman réaliste sur le départ du dernier enfant de la maison, qui m’avait également beaucoup ému. Avec Arrête avec tes mensonges, l’auteur place ses romans dans la catégorie des livres à émotions.

Sous forme d’autobiographie, l’auteur se livre avec pudeur et délicatesse sur son histoire d’amour avec un certain Thomas Andrieu. Nous sommes dans les années 1980, dans une France où les moeurs face à l’homosexualité sont encore étriquées. Philippe a 17 ans, il aime les garçons et se voit souvent rejeté par les autres, à cause de son orientation sexuelle. Il rencontre alors Thomas Andrieu, qui lui, n’accepte pas sa différence, n’osant même pas mettre des mots sur son orientation. Néanmoins, les deux jeunes hommes vont se voir en cachette pendant de longs mois, ils vont s’aimer en secret, sans que jamais personne ne soupçonne la relation qui les lie. Jusqu’au jour où, du jour au lendemain, Thomas met fin à leur relation, coupant tout contact avec Philippe en déménageant en Espagne. Des années plus tard, en 2007, dans le hall d’un hôtel, Philippe fait la rencontre fulgurante d’un garçon, portrait craché de Thomas, qu’il n’a jamais oublié. Ce garçon n’est autre que le fils de Thomas, son amour de jeunesse, le seul qu’il a réellement aimé à en perdre la raison.

Arrête avec tes mensonges est une histoire forte, qui traite avec douceur et brutalité de la thématique sensible de l’homosexualité. Nous avons d’un côté Philippe, qui assume pleinement son attirance pour les garçons. A contrario, Thomas renie totalement sa nature, allant jusqu’à se marier avec une femme après lui avoir fait un enfant. Une existence basée sur un mensonge, qui ne le rendra jamais pleinement heureux. Il faut dire que dans les années 1980, l’acceptation de l’homosexualité était encore à ses prémices : beaucoup de familles ne voyaient pas d’un bon oeil cette différence sexuelle, tout comme les camarades d’école rejetaient facilement ceux qu’ils ne jugeaient pas comme eux. C’est à partir de ces années-là que les chercheurs découvrent le virus du Sida, qui fera de nombreux ravages dans la communauté homosexuelle. Les barrières sont donc nombreuses, d’où la réticence de Thomas à se dévoiler. Il préférera vivre dans la tristesse et le mensonge plutôt que dans l’amour et le bonheur. Un choix difficile à porter, qui le hantera toute sa vie.

Sans vous dévoiler le dénouement, sachez qu’il est saisissant. C’est d’ailleurs à quelques pages de la fin seulement que mes larmes n’ont pu s’empêcher de couler. À travers des mots simples mais hypersensibles, Philippe Besson nous livre sans fioriture l’histoire de son premier amour, celui qui l’a particulièrement marqué et qui nous marquera également. On ne sort pas totalement indemne de cette lecture, notamment après avoir côtoyé ces deux destins chamboulés par la vie. Une histoire d’amour clandestine, frustrante, douloureuse, presque éphémère, que l’on aurait aimé connaître pérenne et épanouie. 


Un roman autobiographique intime et émouvant, qui a réussi à me faire pleurer. Un livre qui parle d’amour impossible, de perte, d’abandon, de la difficulté à assumer son homosexualité, à être soi. Un vibrant hommage à thomas andrieu et à tous les thomas du monde. Bouleversant !

Ma note : 8,5/10

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ISBN : 978-2-264-07198-9

Ma mère, Dieu et Sylvie Vartan


Ma mère, Dieu et Sylvie Vartan de Roland Perez
216 pages, éditions Les Escales, à 19€


Résumé : A cinq ans, Roland ne marche toujours pas. Il vit dans un HLM du XIIIe arrondissement de Paris avec sa famille juive séfarade d’origine marocaine. Un appartement plein de vie d’où Roland ne peut sortir, si ce n’est dans les bras de sa mère. La religion et la culture juives tiennent dans sa vie une place primordiale. Très croyante et surprotectrice, elle le garde à l’écart du monde extérieur.
L’appartement est devenu son territoire, d’où il observe avec fascination les va-et-vient de ses frères et sœurs et de leurs amis. Mais c’est en regardant la télévision qu’il découvre le monde. Il se passionne pour les émissions de variétés et pour Sylvie Vartan, « étoile parmi les étoiles ».
Un jour, alors qu’il a six ans, un miracle se produit : il réussit enfin à marcher.
Ma mère, Dieu et Sylvie Vartan est un roman tendre et loufoque, aux personnage drôles et attachants. Une histoire vraie, lumineuse et pleine d’espoir.


Extraits« La vie peut être belle, emplie de magie, mais elle est aussi fragile. »

« – Non, maman. C’est sérieux. Ils veulent te remettre une médaille.
– Mais pourquoi une médaille ? Qu’est-ce que j’ai fait ?
Comment aurait-elle compris l’importance de cette lettre ? Tout ce qu’elle avait fait, les heures passées à s’occuper de nous, de moi, tous les sacrifices, la foi inébranlable dont elle avait fait preuve et qui m’avait valu ma guérison… Tout cela était normal pour elle. Elle n’avait fait que ce qu’une mère est censée faire, prendre soin de ses enfants. Alors une médaille ! Ça n’était pas sérieux. »


Mon avis : J’ai eu beaucoup de mal à y croire, mais pourtant, cette histoire est belle et bien une autobiographie – sans doute un peu romancée quand même… Roland Perez se livre avec pudeur, nous racontant avec émotions son histoire personnelle.

Petit garçon, Roland Perez se rend vite compte qu’il est différent des autres. En effet, il a un pied atrophié, qui l’empêche de marcher et le classe automatiquement comme un enfant handicapé. Sa mère, Esther, refuse de voir la réalité en face et parcourt les rues de Paris à la recherche d’un médecin compétent, qui saura guérir son petit Roland. En attendant, la vie à l’appartement est chamboulée, puisqu’il faut tout adapter. Il trône au milieu du salon, admirant avec envie ses frères et soeurs dans leurs quotidiens respectifs, tandis qu’il est cantonné au canapé et à la télévision. C’est à partir de cette immobilité forcée que naît sa passion pour Sylvie Vartan.

Cette chanteuse bulgare iconique des années 1960 – que ma génération ne connaît que de nom -, a enregistré dans sa carrière plus de 1500 chansons dans soixante-cinq albums différents, pour un total de ventes avoisinant les quarante millions. Autant dire que c’est une star de l’époque, que tous les médias s’arrachent. Roland est totalement fasciné par cette femme, par sa personnalité, sa prestance et sa voix.

Sylvie Vartan en 2009

Les souvenirs d’enfance de Roland Perez sont entrecoupés par des récits de sa vie d’adulte. On comprend alors avec émotions que Roland n’est plus cet enfant handicapé qui squattait devant le canapé. Mais par quel miracle a-t-il bien pu se rétablir ? C’est maintenant un beau jeune homme accompli, qui a réussi à gravir les échelons de la société, s’insérer parmi les stars du showbiz, tantôt comme journaliste/chroniqueur, tantôt comme grand avocat spécialisé. Mais toujours, en toile de fond, deux femmes, qui vont rythmer sa vie :  Esther, sa mère, et Sylvie Vartan. Chacune, à leur manière, seront toujours présentes à ses côtés, faisant de Roland un homme épanoui et sincèrement heureux.

Sylvie Vartan et Roland Perez

Je retiendrais particulièrement le portrait d’Esther : elle est l’image même de la mère totalement dévouée à ses enfants. Contre vents et marées, elle dépense corps et âme à les défendre, malgré tous les obstacles qui peuvent se dresser sur son chemin. C’est une mère exemplaire, au coeur d’or, solaire, qui cherche souvent à en faire trop ou à trop bien faire, un peu tête en l’air aussi, mais réellement attachante. Rien n’est trop beau pour combler ceux qu’elle aime : c’est admirable. La mère est d’ailleurs à l’image même de la fratrie entière : bienveillants, aimants, toujours pleins de vie et de bonne humeur. Une famille unie, qui m’a apporté beaucoup de bonheur.


Racontée avec douceur, alternant entre rires et larmes, l’histoire de Roland Perez est réellement touchante. De petit garçon handicapé à homme pleinement épanoui, les étapes ont été nombreuses, mais le jeu en valait l’attente. J’ai pris beaucoup de plaisir à lire cette autobiographie.

Ma note : 7/10

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ISBN : 978-2-36569-673-9

Certains coeurs lâchent pour trois fois rien


Certains coeurs lâchent pour trois fois rien de Gilles Paris
221 pages, éditions Flammarion, à 19€


Résumé : « Les cliniques spécialisées, je connais. Je m’y suis frotté comme on s’arrache la peau, à vif. Les hôpitaux psychiatriques sont pleins de gens qui ont baissé les bras, qui fument une cigarette sur un banc, le regard vide, les épaules tombantes. J’ai été un parmi eux. » Une dépression ne ressemble pas à une autre. Gilles Paris est tombé huit fois et, huit fois, s’est relevé. Dans ce récit où il ne s’épargne pas, l’auteur tente de comprendre l’origine de cette mélancolie qui l’a tenaillé pendant plus de trente ans. Une histoire de famille, un divorce, la violence du père. Il y a l’écriture aussi, qui soigne autant qu’elle appelle le vide après la publication de chacun de ses romans. Peut-être fallait-il cesser de se cacher derrière les personnages de fiction pour, enfin, connaître la délivrance. «Ce ne sont pas les épreuves qui comptent mais ce qu’on en fait », écrit-il. Avec ce témoignage tout en clair-obscur, en posant des mots sur sa souffrance, l’écrivain nous offre un récit à l’issue lumineuse. Parce qu’il n’existe pas d’ombre sans lumière. Il suffit de la trouver.


Extraits : « J’ai appris que lorsque la roue tourne, ce n’est pas toujours pour avancer. »

« Les mots et les images peuvent être trompeurs, tout comme les sentiments. Rien ne résiste au temps. »


Mon avis : Au-delà d’être un auteur talentueux, Gilles Paris est une personne formidable, un attaché de presse remarquablement doué dans son travail, qui défend avec ferveur la littérature dans sa globalité. Avec Certains coeurs lâchent pour trois fois rien, je découvre une autre facette de cet auteur, plus intime, une facette cachée, très différente de la personne publique qu’il laisse apparaître sur les réseaux sociaux ou dans les médias.

Ce livre n’est pas une autobiographie, mais bien des « éclats de vie », comme il aime à les appeler, des bribes d’instants, souvent sombres, de son existence, qui tendent à expliquer le terrible phénomène de dépression dans lequel il est tombé à maintes reprises. Car oui, derrière ce sourire engageant se cache un mal profond, qui remonte à son enfance. Son père, un homme violent, agressif, tant physiquement que moralement, le rabaisse continuellement, si bien que les mots reçus en pleine face deviennent des maux indélébiles, « Tu ne vaux rien« , « Tu ne feras jamais rien de ta vie« , « Tu es une merde« . Des mots qui blessent, qui s’impriment durablement dans la tête d’un enfant, pour persister inlassablement dans celle d’un adulte.

Ces mots vont le poursuivre sa vie durant, l’entraînant inexorablement vers une pente descendante. Gilles Paris enchaînera les épisodes dépressifs, les tentatives de suicide, passant d’établissements spécialisés en hôpitaux psychiatriques, faisant la rencontre de dizaine, vingtaine, voire centaine de patients et d’aides-soignants. Huit dépressions successives, desquelles il arrivera à se relever huit fois. Parmi ces aventures noires se glisse tout de même un peu d’espoir. L’écriture a eu un effet cathartique sur son état. Auteur de plusieurs romans à succès, dont Autobiographie d’une courgette, son plus connu, également adapté sur grand écran, ou Inventer les couleurs, son dernier en date, un album jeunesse illustré haut en couleurs ; chacune de ses parutions est une réponse à la violence et à l’absence du père. Néanmoins, il réussit à traverser ses différentes phases dépressives grâce à son amour des mots. L’écriture lui a permet de se libérer de ses mal-êtres, de le soutenir durant ses convalescence, de lui sortir la tête de l’eau.

Gilles Paris se livre également avec sincérité sur ses débuts sentimentaux et sexuels, sur ses découvertes de la vie, ses dérives, ses excès et ses expériences parisiennes plus ou moins enrichissantes. Il nous parle avec émotion du couple homosexuel qu’il forme avec Laurent, son partenaire de vie, infaillible, qui le soutiendra, peu importe les épreuves. Il nous raconte les belles rencontres qui ont jalonnées sa vie, de Françoise Sagan, auteure à succès, à ses collègues de boulot, en passant par Janine ou Laura, toutes ont illuminées sa vie et lui ont insufflées un semblant de bonheur parmi les pages noires de son histoire.


Des bribes de vies touchantes sur un auteur à succès. Entre épisodes dépressifs, aveux pudiques et émouvants, Gilles Paris met son coeur et sa vie à nu, comme il ne l’a jamais fait. Un témoignage puissant, sensible, empli de courage !

Ma note : 7,5/10

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ISBN : 978-2-0815-0094-5