Les enfants de Haretz


Les enfants de Haretz de Rosa Ventrella
265 pages, éditions Les Escales, à 22€


Résumé : 1939. Margit et János coulent des jours heureux dans leur paisible ville tchécoslovaque. Mais le jour où les nazis envahissent Prague, tout bascule. Âgés d’à peine onze et sept ans, leur enfance prend subitement fin. Les premières parades nazies sont très vite suivies par des rafles. Avant qu’ils ne soient déportés, les parents de Margit et János parviennent à les cacher chez leurs voisins. Très vite, leur générosité se tarit et les enfants doivent fuir. Alors qu’ils errent dans les forêts et les champs de Bohême, Margit et János découvrent qu’ils ne sont pas seuls : d’autres enfants traversent l’Europe pour rejoindre l’Italie. Le charismatique Frantz, du haut de ses quinze ans, mène le voyage qui durera plusieurs années pendant lesquelles les six jeunes enfants apprendront à survivre et à se protéger mutuellement, comme une vraie famille. En Italie les attend un groupe des militants qui accueillent des centaines d’enfants survivants de la guerre et des camps d’extermination, dans l’espoir de leur rendre leur enfance et de les amener sur la Terre promise. Une extraordinaire épopée de résilience et de sacrifice, d’innocence et de courage.


Extraits : « Quand on est enfant, on n’imagine pas combien un surnom affectueux nous manquera, plus tard. »

« Je repensai à un proverbe que mon père répétait souvent : « L’homme fait des plans et Dieu rit. » Peut-être Dieu riait-il, à ce moment-là. »


Mon avis : 1939. Margit, douze ans, est la sœur aînée de Janos, huit ans. Ils vivent paisiblement avec leurs deux parents en Tchécoslovaquie, jusqu’à ce que les nazis envahissent les pays alentours et capturent l’ensemble des juifs pour les exterminer. Alors qu’ils sont cachés dans un secrétaire, Margit et Janos assistent, médusés, au viol de leur mère et à la mise à tabac de leur père. Ils se réfugient chez leurs voisins, qui les cachent un temps au grenier, avant de leur demander de quitter les lieux, jugeant la situation trop dangereuse pour eux en cas de découverte des deux enfants cachés. Margit et Janos se retrouvent donc livrés à eux-mêmes, ils cheminent à pied au hasard des chemins, avec la peur au ventre à défaut d’avoir de la nourriture à disposition. Sur leur route, ils affronteront de nombreux dangers, feront face à des situations périlleuses, à des gens malintentionnés, mais rencontreront également des personnes chaleureuses, généreuses, prêtes à les aider à échapper aux nazis.

A chaque fois que j’ouvre un nouveau roman qui parle de la seconde guerre mondiale et principalement du sort réservé aux juifs par les nazis, il est coutumier de se demander de quelle façon l’auteur va aborder le sujet. Car, il faut le dire, c’est une thématique maintes fois traitée, sur tous les angles, il devient alors compliqué de se renouveler et d’apporter un éclairage différent de tout ce qui a été fait précédemment. Ici, il s’agit de la fuite désespérée de jeunes enfants à travers le pays. Je ne pense pas avoir déjà lu cette partie de l’histoire vue sous cet angle.

On ressent intensément la peur des enfants, avec l’imaginaire qui prend le dessus sur la réalité pour fuir les horreurs qui se déroulent sous leurs yeux. Seulement âgés de douze et huit ans, ils tentent de survivre en faisant face au manque de vivres, en dormant dans des conditions déplorables, quand ils peuvent seulement dormir, en découvrant la cruauté et l’égoïsme dont peut faire preuve l’être humain. Autant de souffrances qui participent à leur passage éclair d’un monde insouciant et innocent de l’enfance à celui dur et cruel des adultes.

Dans leur épopée tragique, ils font la rencontre d’autres enfants qui, comme eux, fuient la guerre et les nazis. Ensemble, ils vont cheminer pour sauver leur peau. Le courage et la force de caractère de ces enfants m’a émerveillé. J’ai été admirative de leur maturité, de la solidarité qui se met en place autour des uns et des autres, aidant les plus faibles, écoutant les plus forts.

Ce récit est basé sur des faits réels, puisque plus de 800 enfants juifs devenus orphelins en raison de la Shoah et secourus dans des ghettos et des camps de concentration à l’issue de la Seconde Guerre mondiale ont été logés dans un ancien orphelinat fasciste appelé Sciesopoli, situé dans la ville de Selvino, en Italie. C’est là-bas que les enfants tenteront de se reconstruire au sortir de la guerre. Ce lieu est aujourd’hui un lieu de recueillement, de mémoire et d’espoir.


Une odyssée funèbre qui raconte avec horreurs la fuite éperdue d’enfants juifs pour échapper aux nazis. Un roman empreint de réalisme où le beau côtoie l’épouvante.

 

Ma note : 7,5/10

Pour lire plus d’avis :
     

ISBN : ‎ 978-2-36569-791-0
Traduction : Anaïs Bouteille-Bokobza

Publicité

Sous un ciel écarlate


Sous un ciel écarlate de Mark Sullivan
595 pages, éditions Pocket


Résumé : En 1943, Pino Lella est un jeune Italien comme les autres : il aime la musique, les filles, et ne veut pas entendre parler de la guerre ni des nazis. Mais le temps de l’innocence prend fin lorsque l’appartement familial est détruit par un raid des Alliés sur Milan. Pino entre alors dans la clandestinité en rejoignant un réseau qui aide les Juifs à passer en Suisse. Il y rencontre Anna, jolie veuve de six ans son aînée, dont il tombe follement amoureux.Mais les parents de Pino l’obligent bientôt à s’enrôler dans l’armée allemande, pensant le mettre ainsi à l’abri. Blessé, il devient à dix-huit ans le chauffeur du bras droit d’Hitler en Italie puis, rapidement, espion pour les Alliés. Dès lors, Pino ne cesse de se révolter face aux horreurs de la guerre et de courir tous les dangers pour l’amour d’Anna.Basé sur l’histoire véridique d’un héros oublié, ce roman est une ode au courage et à la résilience.


Extraits : « L’existence reste pour moi un étonnement permanent. On ne sait jamais ce qu’il va se passer, ce qu’on va voir, qui va entrer dans notre vie ou qui va en sortir. La vie est un changement perpétuel. Et à moins d’être capable d’en apprécier le comique, le changement est presque toujours un drame, voire une tragédie. Après tout, même quand le ciel devient écarlate et menaçant, je reste convaincu que si on a la chance d’être en vie, il faut être reconnaissant pour le miracle de chaque instant, chaque jour, quels que soient les problèmes.t. »

« Être jeune et amoureux. C’est remarquable qu’une telle chose puisse arriver en pleine guerre. La preuve que la vie vaut la peine d’être vécue, malgré toutes les horreurs que nous avons subies. »


Mon avis : J’ai terminé ce livre le mois dernier, mais j’en garde un très bon souvenir. L’histoire se déroule en Italie durant la seconde guerre Mondiale. Pino Lella, notre héros de dix-sept ans, est un adolescent banal, qui va tomber fou amoureux d’une jeune fille qui l’obsédera durant des années. Malheureusement, la guerre va venir entacher ces beaux jours. Pino va se retrouver passeur d’hommes jusqu’en Suisse puis chauffeur du général Leyers, l’un des bras droit d’Hitler. Cette position centrale aux côtés d’un des décideurs de l’armée allemande va lui permettre de collecter des informations cruciales, qu’il va dispatcher auprès du réseau de clandestins auquel il appartient.

J’ai adoré le personnage de Pino. C’est un jeune homme extrêmement courageux et très humain, qui effectue de nombreuses actions héroïques pour venir en aide aux autres. Il n’hésite pas à se mettre en danger, parfois dans des situations périlleuses, pour nourrir ses convictions et apporter sa pierre à l’édifice. C’est sa manière de combattre. Contre son gré, malgré les regards courroucés de ses proches et la haine qu’il perçoit dans les yeux de ceux qui le regardent, Pino est obligé de porter un brassard avec une croix gammée et il doit faire face à la barbarie des nazis, à la déportation, à l’esclavagisme, aux exécutions injustifiées.

Ce qui le fait tenir ? L’amour qu’il éprouve pour Anna, une jeune fille croisée au hasard d’une rue plusieurs mois plus tôt, qu’il a retrouvé dans la maison du général Leyers, où elle travaille comme gouvernante. Pino et Anna vivent une histoire d’amour pleine de douceur, de tendresse, de pudeur. Comme l’écrit si justement Mark Sullivan : « c’est remarquable qu’une telle chose puisse arriver en pleine guerre. La preuve que la vie vaut la peine d’être vécue, malgré toutes les horreurs que nous avons subies. » Cette touche d’amour et d’espoir d’une vie heureuse dans ce monde ravagé par la guerre.

J’ai été très émue par cette lecture. Toutes les horreurs qui entourent la seconde guerre mondiale sont bien connus, mais revoir tous ces gens sacrifiés pour des causes injustes, toutes ces actions de barbarie envers les juifs, me font beaucoup de peine à chaque fois. Hormis ce contexte, et sans vouloir vous dévoiler des éléments qui pourraient vous ôter toute surprise, je peux seulement vous dire qu’il faut avoir un cœur de pierre pour rester insensible face à certains passages, notamment ceux qui concernent le couple Pino et Anna. J’avais le cœur gros, les larmes au bord des yeux.


Un roman historique fort et émouvant, où l’on vit la seconde guerre Mondiale à travers le prisme des yeux de Pino, un jeune garçon courageux, investi dans la résistance clandestine. 

Ma note : 7,5/10

Pour lire plus d’avis

 

ISBN : 978-2-266-31367-4
Traduction : Sylvie Cohen

Le nageur d’Auschwitz


Le nageur d’Auschwitz de Renaud Leblond
237 pages, éditions l’Archipel, à 18€


Résumé : Jamais Alfred Nakache, enfant juif de Constantine, n’aurait imaginé défendre un jour les couleurs de la France aux Jeux Olympiques de Berlin en 1936. Ni décrocher le record du monde du 200 mètres brasse papillon en 1941, sous le régime du Marécahl Pétain. À force de volonté, armé d’un invincible sourire, il s’est hissé au sommet des podiums. Mais, lors des championnats de 1943, le voilà interdit de bassin. En décembre de la même année, « le poisson », comme on le surnomme, est arrêté puis déporté à Auschwitz. Il y bravera ses gardiens en allant nager, au péril de sa vie, dans des réserves d’eau à l’autre bout du camp. Sans savoir s’il reverra un jour sa femme et sa fille, dont il a été séparé, sur le quai, à l’arrivée du convoi 66.
Ce héros oublié revit dans ce roman vrai mettant en scène un gamin qui avait peur de l’eau et aura pratiqué son sport jusqu’en enfer.


Extraits : « Je quitte le sport, non parce que je ne l’aime plus, mais parce que je ne veux pas, un jour, risquer de ne plus l’aimer. »

« Il tire la langue et fait des yeux tout ronds. Face aux cons, autant faire le clown. »


Mon avis : Renaud Leblond rend un très bel hommage à un héros oublié de la seconde guerre mondiale : Alfred Nakache. Son nom ne vous dit sans doute rien, tout comme son palmarès, mais Alfred Nakache était un sportif de haut niveau, nageur professionnel et confirmé, plusieurs fois champion de France et recordman du monde. Il a également participé aux jeux olympiques de 1936 à Berlin et 1948 à Londres, sans toutefois remporter de médaille olympique. Sa carrière est immense, son physique imposant et son histoire impressionnante.

Car Alfred Nakache est issu d’une famille juive de Constantine, en Algérie. D’abord apeuré par l’eau, il se découvre une véritable passion pour la natation, qui va l’amener à déménager à Paris, pour poursuivre des entraînements de plus haut niveau. Là-bas, il est rejoint par sa fiancé, Paule, professeure de sport, et vivent une vie paisible, rapidement comblée par l’arrivée de leur premier enfant, la petite Annie. Seulement voilà, en plein début de second guerre mondiale, avec l’arrivée d’Hitler au pouvoir et la propagande nazie qui se met en place, Alfred et toute sa famille sont victimes d’insultes racistes et antisémites, qui les obligent à déménager à Toulouse. Mais rien n’y fait : il est dénoncé par la presse collaborationniste et antisémite puis interdit de bassin lors des championnats de France en 1942, puis finalement arrêté l’année suivante par la Gestapo.

C’est en 1943 que commence sa descente aux enfers. Déporté avec sa femme et sa fille au camp de Dancry, ils sont ensuite transférés à Auschwitz puis séparés dès leur arrivée. Alfred ne reverra plus jamais sa famille. Au camp, la vie est insupportable : la famine, l’insalubrité, la violence… tous les déportés sont traités comme des animaux. Alfred est même obligé de distraire les gardiens, en réalisant des performances sportives en échange de nourriture. Les conditions de vie sont inhumaines, on a beaucoup de mal à s’imaginer que ce quotidien ait pu exister réellement.

Il faut être totalement insensible pour ne pas être touché par ce récit. Alfred est un homme particulièrement courageux, qui ne se laisse pas abattre par les événements, mais essaie de croire en un avenir meilleur. J’ai été également émue par la générosité de cet homme, qui n’hésite pas à partager ses vivres, à épauler, cacher, soutenir ses camarades dans le besoin.

Je tiens à féliciter particulièrement Renaud Leblond, qui a réalisé un travail de recherche exceptionnel, permettant de mettre à l’honneur ce héros de la seconde guerre mondiale, également héros sportif et homme au grand cœur. Attention toutefois aux personnes trop sensibles qui souhaiteraient s’aventurer dans cette lecture : ayez le cœur bien accroché et prévoyez une boîte de mouchoirs suffisamment fournie. J’avais une boule au ventre durant toute ma lecture et j’ai finalement versé toutes les larmes de mon corps en lisant les dernières pages.


Une histoire bouleversante qui rend hommage à Alfred Nakache, sportif émérite et héros de la seconde guerre mondiale. Une magnifique leçon d’histoire et de vie, qui mérite d’être lue pour comprendre et ne pas oublier.

Ma note : 7,5/10

Pour lire plus d’avis

 

ISBN : 978-2-8098-4455-9

Au nom de ma mère


Au nom de ma mère de Hanni Münzer
473 pages, éditions l’Archipel, collection Archipoche, à 8,95€


Résumé : Étudiante à Seattle, Felicity reçoit un appel : Martha, sa mère, a disparu… Felicity la retrouve à Rome, où Martha s’est enfuie avec des archives familiales.
Martha a en effet découvert une longue lettre écrite par sa propre mère, Deborah, fille d’une diva qui connut son heure de gloire aux débuts du IIIe Reich. Une lettre qui va plonger Felicity dans une quête douloureuse.
Alternant passé et présent, ce roman mêle amour et trahison, colère et culpabilité, péché et expiation, autour d’un secret de famille courant sur quatre générations.


Extraits« On dit que le poids de la vérité est trop lourd à porter même pour Dieu.
La vérité possède ses propres lois physiques. Au moment où on l’attend le moins, elle remonte à la surface comme une bulle pour nous accuser. »

« Nous autres êtres humains formons les maillons d’une longue chaîne qui nous relie les uns aux autres, car chacun de nous porte en soi un fragment de l’existence et des pensées de ceux qui l’ont précédé. Si l’amour est le coeur, le souvenir est l’âme et tous deux sont immortels. »


Mon avis : L’histoire se déroule dans une Allemagne plongée en plein coeur de la seconde Guerre Mondiale. Nous y faisons la connaissance d’Elisabeth, une cantatrice réputée à travers le monde pour son art, de son mari Gustav, un médecin juif reconnue et apprécié et de leurs deux enfants : Deborah et Wolfgang. Lorsqu’il devient évident que l’ensemble de la population juive est menacée par les idées hégémoniques d’Hitler, Gustav et Elisabeth décident de fuir l’Allemagne pour se réfugier en Angleterre. Mais leur fuite ne se déroule pas comme prévue : Gustav disparaît mystérieusement en chemin vers Londres, laissant seuls sa femme et ses deux enfants. Elisabeth doit faire des choix pour protéger coûte que coûte ses enfants de l’ennemi nazi.

L’histoire alterne entre ce récit au passé et quelques bribes de présent, principalement insérés au début et à la fin du livre, comme introduction et conclusion du récit. Dans ces épisodes présents, nous y découvrons Félicity et sa mère Matha, qui partent à Rome, sur les traces de la grande-mère de l’une et mère de l’autre : Deborah, la fille d’Elizabeth. L’histoire qu’elles vont découvrir va les emporter tout droit dans l’horreur de la seconde Guerre Mondiale.

C’est un roman intéressant, mélange savant d’épisodes historiques et d’une histoire familiale émouvante. On ressent l’atmosphère effroyable de la guerre, la tension palpable, le danger omniprésent, la montée du nazisme, les crimes qui se préparent, l’avenir qui s’assombrit. Attention tout de même pour les personnes qui souhaiteraient lire Au nom de ma mère pour le contexte historique : la guerre est insérée en toile de fond du livre et ne permet pas d’approfondir ses connaissances sur cette période. Toutefois, le tout donne un récit bien construit, uni, dynamique, prenant, qui se laisse lire avec fluidité.

Néanmoins, bien que j’ai grandement apprécié lire ce livre, je n’en ai plus qu’un vague souvenir quelques jours seulement après la fin de ma lecture. Ce qui signifie qu’il ne m’a pas forcément marqué, qu’il n’est pas sorti du lot, que le récit n’était pas assez original peut-être, qu’il manquait de consistance et de matière certainement. Il est vrai que cette période de l’histoire a déjà été énormément apporté dans la littérature. Hanni Münzer a tenté d’innover, en liant une juive et un nazi, en parlant de manipulation, de chantage, de secrets, d’espionnage en y ajoutant une dose de mystères et pleins de suspense… mais rien n’y a fait : ce genre de récit a déjà été abordé trop de fois et souvent bien mieux que ne l’a fait l’auteure d’Au nom de ma mère. Enfin, il m’a certainement manqué de la subtilité dans le récit, de l’émotion, des personnages plus caractériels et dessinés. Je suis resté en surface de l’histoire, appréciant découvrir cette romance dramatique, mais sans forcément m’y attacher. 


Au nom de ma mère lie habilement roman historique et saga familiale dans une histoire prenante sur la seconde Guerre Mondiale. J’ai bien aimé le récit, mais j’insiste sur le fait que cet angle a déjà été abordé maintes fois en littérature et qu’il manquait cruellement de consistance : il n’est donc ni novateur ni pérenne dans l’esprit des lecteurs.

Ma note : 6/10

Pour lire plus d’avis

 

ISBN : 978-2-37735-407-8
Traduction : Anne-Judith Descombey

L’hiver de Solveig


L’hiver de Solveig de Reine Andrieu
443 pages, éditions Préludes


Résumé : Été 1940. Dans la France occupée par les Allemands, les habitants sont contraints de donner gîte et couvert à l’ennemi. À Lignon, paisible bourg du Bordelais, les Lenoir, une famille de notables, doivent héberger Günter Kohler. Passée sa répulsion première, Noémie, la jeune épouse, éprouve une violente attirance pour l’adjudant qui vit désormais sous leur toit.
Printemps 1946. La guerre est terminée, mais elle a laissé derrière elle son lot de malheurs, et de nombreux déplacés. Parmi eux, une fillette, retrouvée assise sur un banc, dans un village non loin de Bordeaux. Qui est-elle ? d’où vient-elle ? et pourquoi semble-t-elle avoir tout oublié ? Justin, un gendarme de vingt-quatre ans, décide de la prendre sous son aile et de percer le mystère qui l’entoure.


Extraits : « Oui, je suis une vieille dame, je le revendique et suis heureuse d’être arrivée jusque-là. Vieillir, c’est finalement avoir la chance de ne pas mourir jeune. Comment s’en plaindre ? »

« On fait toujours de la politique. Même en tant que simple citoyen. Même en ne réagissant pas à ce qui se passe, on fait de la politique. Laisser faire, c’est cautionner la collaboration, donc c’est de la politique. »


Mon avis : L’hiver de Solveig est le premier roman de Reine Andrieu, et j’espère sincèrement que ce ne sera pas le dernier. Il prend place en été 1940, alors que la France est occupée par les Allemands. À Lignon, un petit village proche de Bordeaux, nous faisons la connaissance de la famille Lenoir, Noémie et Germain, les parents, Solveig et Valentin, les deux enfants. Contraint d’héberger un soldat Allemand dans leur demeure, ils cohabitent tant bien que mal avec cet homme qu’ils honnissent. Progressivement, cet Allemand, nommé Günter, va se rapprocher de Noémie pour finalement voir leur relation progresser et changer. En parallèle, fin 1946, alors que la guerre est finie, Justin, un gendarme de Bournelin, petite commune proche de Lignon, va récupérer une petite fille errante, qui a perdue la mémoire suite à un traumatisme trop violent. Il va tenter de retrouver son identité, ses origines et sa famille ; mais la tâche s’annonce longue et ardue.

C’est un roman très bien construit, qui alterne avec fluidité les temporalités présents et futurs, ainsi que les différents narrateurs. On entre dans l’esprit de chacun des personnages principaux à tour de rôle – Noémie, Günter, Germain, Solveig -, sans qu’il n’y ait de perturbation ou de flou narratif. L’histoire est rythmée et en devient addictive au possible : il est très difficile de lâcher ce livre une fois débuté, tant le récit est bien ficelé et les personnages attachants.

Sur fond de Seconde Guerre mondiale, on se retrouve confrontés aux problèmes liés à la cohabitation entre des peuples ennemis, à la mobilisation des français dans des actions de résistance, à la pénurie de nourriture, aux tortures insufflées aux juifs et à toutes personnes irrespectueuses des lois érigées, à la peur, quotidienne, omniprésente. Chaque vie est bouleversée, chacun devant apprendre à s’imprégner de cette nouvelle atmosphère et à survivre tant bien que mal, dans un pays en guerre.

À côté de ça, des problèmes d’ordres plus personnels font surface : les secrets et faux-semblants sont légions, les craintes et suspicions se multiplient, chacun imaginant son voisin trahir sa patrie pour quelque raisons que ce soient. Reine Andrieu brosse avec justesse les conflits intérieurs tels qu’ils pouvaient exister à l’époque : les consciences torturées face à des choix difficiles, impliquant très souvent des vies humaines. En ces temps-là, le climat de vie est anxiogène, difficile à supporter pour beaucoup. C’est pourquoi, les quelques joies que peuvent ressentir nos protagonistes sont des bouffées d’oxygènes bienvenues et essentielles à leur maintien psychologique. L’insouciance de Solveig particulièrement est touchant à admirer : face à l’abomination des actes ennemis, elle reste une petite fille courageuse, intelligente, très curieuse, désireuse de comprendre le monde dans lequel elle vit. Confrontée très tôt aux horreurs de la guerre, elle a dû s’adapter, comme bon nombre d’enfant de son âge et grandir bien plus vite que ce qu’il aurait fallu.


Premier livre de l’auteure et pas des moindres : un roman historique émouvant, prenant, qui place l’humain, les sentiments et l’amour sur le devant de la scène en pleine Seconde guerre Mondiale. J’ai vraiment beaucoup aimé et vous le recommande chaudement !

Ma note : 8,5/10

Pour lire plus d’avis

 

ISBN : 978-2-253-08085-5