Mes soeurs, n’aimez pas les marins


Mes soeurs, n’aimez pas les marins de Grégory Nicolas
339 pages, éditions Les Escales, à 21€


Résumé : Grand roman d’amour et d’aventure, Mes sœurs, n’aimez pas les marins rend un hommage bouleversant à ces femmes à qui la mer a tout pris et qui ne renoncent jamais. 1942, sur les côtes de Bretagne. Quatre vies entre petits matins calmes et furie des tempêtes. Celles de Perrine et de son fils Jean, qui, en pleine Seconde Guerre mondiale, décide d’embarquer sur un bateau de pêche à seize ans, contre l’avis de sa mère. Puis c’est la rencontre entre Jean et Paulette, le coup de foudre, la naissance de Pierre. Quand le bonheur semble installé, c’est la mer qui revient pour l’arracher avec violence. Alors un jour, la jeune Paulette décide de briser les chaînes du destin : Pierre, son petit garçon, ne sera jamais marin. Elle l’emmène à l’abri, comme font les louves, aussi loin du rivage que possible. Mais il faut croire que la mer, encore et toujours, a des ruses auxquelles nul ne peut échapper…


Extraits : « « Les malheureux », disaient les gens quand ils apprenaient un nouveau naufrage. « Les malheureuses », pensait Perrine. »

« – Alors ça boume ? Ce sont les premiers mots qu’il m’a dits : « Alors ça boume ? » Il y a des choses toutes simples et bêtes comme ce n’est pas permis mais qui vous marquent sans que l’on sache bien pourquoi. Moi c’étaient ses premiers mots, comme les premiers mots d’un bébé, j’imagine. »


Mon avis : En tant que marinette de métier, amoureuse de la mer, je me devais de lire ce livre, dont le titre m’a particulièrement interpellé. L’histoire se déroule sur les côtes bretonnes, en pleine seconde guerre mondiale. Pendant que des milliers d’hommes sont réquisitionnés pour servir la France contre l’occupant Allemand, Jean, le fils de Perrine, tout juste âgé de 16 ans, décide de suivre les traces de son défunt père en embarquant sur un bateau de pêche pour sa première mission en mer. Depuis ce jour, Jean n’a jamais su s’arrêter, la mer fait partie intégrante de lui. Il enchaîne les missions courtes, rencontre sa femme Paulette, puis prend la décision de parcourir le vaste monde. Puis vint Pierre, leur fils, qui ne connaîtra que brièvement son père, malheureusement victime une nouvelle fois d’une mer déchaînée. Anéantie de tristesse et de désespoir par cette lignée maudite de marins qui ne reviennent pas (le père de Jean avant lui avait également succombé à la mer), Paulette fait le choix de priver Pierre de la mer, en l’emmenant loin d’elle, en pleine montagne suisse. Mais la mer, tel un aimant, arrive toujours à faire revenir les hommes auprès d’elle.  

La mer peut beaucoup donner, de la joie, de la satisfaction, de la vie, de la nourriture, mais elle peut aussi tout reprendre. Elle fait autant rêver qu’elle effraie, elle peut être aussi douce que cruelle, aussi idyllique que perverse. C’est véritablement la mer qui est le personnage principal de ce livre, montrée sous toutes ses facettes, les plus belles comme les plus laides.

L’histoire en elle-même est construite de manière chronologique, en mettant en scène des protagonistes différents (d’abord la mère de Jean, puis Jean lui-même, enfin Paulette), qui exposent ouvertement leur façon de penser, de réfléchir, leurs émotions, mais surtout leurs craintes. On découvre la passion dévorante de Jean pour la mer, qui ne peut vivre loin d’elle, son désir d’évasion, de voyage, de liberté, sa fidélité envers son patron, ses compétences pour la pêche, mais aussi son amour pour Paulette, qui ne vient néanmoins pas détrôner son amour inconditionnel pour les flots. De l’autre côté, sur la terre ferme, on suit avidement Perrine, la mère de Jean, solitaire et isolée, en attente permanente de nouvelles de son fils, puis Paulette, sa femme, agacée par les absences de Jean. Toutes deux attendent néanmoins sagement, souvent avec angoisse, le retour du fils et mari tant aimé. Finalement, Jean n’a pas été mobilisé au front, mais les conséquences de son métier sur les femmes de sa vie sont identiques : l’attente interminable de son retour, la peur du danger et de la mort. Seules quelques lettres, écrites quotidiennement d’abord à sa mère puis à sa femme, viennent égayer le quotidien des femmes, dont la vie semble suspendue le temps du voyage. A travers ses écrits, elles partagent un peut de sa vie à bord et se sentent plus proches de celui qu’elles ne voient que trop rarement à leur goût. 

J’ai éprouvé beaucoup de peine et de compassion pour ces femmes, qui se montrent particulièrement courageuses face à une situation pareille. De notre temps, il faut saluer les femmes de militaires, toutes armes confondues, qui connaissent bien ces sentiments ambivalents, de rester sans nouvelle de l’être aimé pendant de longs jours, d’attendre des semaines, très souvent des mois son retour, de s’inquiéter de ce qu’il traverse, du danger d’un terrain dangereux, des conditions de vie, de sa santé physique et mentale. Je suis admirative de ces femmes, qui traversent ses épreuves difficiles la tête haute, sans jamais se plaindre, en restant fidèle, aimante et d’un soutien indéfectible. Leur force et leur courage équivaut à celles des hommes partis loin d’elles, voire les dépassent parfois. Les mettre en lumière leur rend un hommage singulier, dont elles seront touchées, mais peut-être sans en rien montrer.


Un roman fort sur le courage des femmes de marins qui subissent le métier dangereux de l’être aimé. Un hommage émouvant à celles qui restent à terre, souvent dans l’ombre, mais qui jouent un rôle essentiel dans le quotidien de ceux qui partent en mer. 

Ma note : 8/10

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ISBN : ‎ 2365697321

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