Un dimanche à la piscine à Kigali

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Un dimanche à la piscine à Kigali de Gil Courtemanche

325 pages, éditions Folio


Résumé : « A cette heure précise où les buses s’installent autour de la piscine, les parachutistes français, dans leurs transats de résine, se donnent des airs de Rambo, des coopérants québécois rivalisent de rires bruyants avec des coopérants belges. En ce dimanche tranquille, un ancien ministre de la justice se livre à d’intenses exercices d’échauffement sur le tremplin, quelques carcasses rondouillettes ou faméliques troublent l’eau, et Valcourt, qui note ces observations, les marmonne, souvent avec rage, parfois avec tendresse, mais toujours ostensiblement ». Bernard Valcourt, journaliste revenu de tout, de la famine en Ethiopie à la guerre au Liban, se rend au Rwanda pour une bien futile et utopique mission, mettre sur pied un service de télévision libre. Il y découvre un pays ravagé par la misère, la corruption, le sida, et l’amour au travers de Gentille, une Hutue aux traits fins de Tutsie. Et, tandis que la petite colonie occidentale se détend au bord de la piscine à Kigali, un peuple sombre dans la folie exterminatrice.


Extraits :  « Régulièrement, il faut qu’ils s’entre-tuent. C’est comme le cycle menstruel, de grandes coulées de sang, puis tout revient à la normale.« 

« Le fonctionnaire lui expliqua que le Canada, pays sans importance dans le concert des nations, exerçait néanmoins dans certaines régions du monde une influence qui pouvait en déterminer l’avenir et surtout l’accès à la démocratie. C’était le cas du Rwanda. Le gouvernement canadien avait accepté d’y financer avec quelques autres partenaires l’établissement d’une télévision dont la première mission serait éducative, en particulier dans les domaines de la santé communautaire et du sida.
– On commence par les besoins hygiéniques, par des émissions sur la prévention, sur les régimes alimentaires, puis l’information circule, et l’information, c’est le début de la démocratie et de la tolérance.« 

Mon avis : Gil Courtemanche est un journaliste Canadien, qui a été un correspondant à l’étranger, notamment en Afrique, pour la télévision Radio-Canada… comme Bernard Valcourt, le protagoniste qu’il met en scène dans Un dimanche à la piscine à Kigali. Cet ouvrage est donc une sorte de témoignage subjectif qui s’inspire de scènes ayant véritablement eu lieu, de personnes ayant véritablement existé ; le tout étant de mettre en lumière les problèmes sociétaux, politiques et économiques du Rwanda.

Kigali, capitale du Rwanda, fut le théâtre de l’attentat contre son président en 1994, événement déclencheur du génocide rwandais. Cet événement fait suite à la guerre civile qui sévit entre les Tutsis  (population la plus riche) et les Hutus (constitué en majorité de paysans), qui perçoivent différemment l’histoire du Rwanda. Suite à cela, durant plus de cent jours, plusieurs milliers de personnes périront. Gil Courtemanche raconte la mise en place progressive de la haine entre Tutsis et Hutus, et montre les atrocités commises par les deux « peuples ennemis ».

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L’auteur parle de sujets forts, comme le génocide, le sida, les guerres interculturelles… Il fait le choix d’en parler dans des termes froids, avec une certaine distance. Toutes ses paroles sont souvent accompagnées de scènes crues et choquantes, à la limite du supportable, visant sans doute à frapper le lecteur, pour qu’il prenne conscience des crimes perpétrés au Rwanda. L’indifférence des pays occidentaux face à ces terribles guerres est difficile à concevoir, mais tellement réelle. Enfouis dans l’ignorance, aucun pays ne va venir aider ce peuple en guerre, en proie aux massacres et aux maladies contagieuses. Le contraste est d’ailleurs frappant entre les occidentaux, tranquillement installés dans leur hôtel, totalement indifférents aux massacres des populations locales, qui se déroulent à l’extérieur des murs.

On ne peut pas poser un jugement de valeur sur ce genre d’oeuvre. Le fait est que les événements narrés ont existé, et aussi cruellement soient-ils, ils sont retranscrit presque à l’identique, dans le but de choquer. Un parti pris qui a fonctionné sur ma personne, puisqu’une semaine après avoir fini ma lecture, je peux me représenter fidèlement de brèves scènes marquantes (le massacre d’une famille, les tortures perpétrées…). Je conseille à ceux qui souhaiteraient en savoir davantage sur le génocide Rwandais, le livre de Scholastique Mukasonga, Notre-Dame du Nil qui a remporté le prix Renaudot 2012. Son écriture est plus douce, voire pudique, mais la réalité narrée est presque identique.

Au coeur de toute cette haine et de ces meurtres quotidiens, Gil Courtemanche incorpore un zeste d’amour qui vient contrebalancer le récit et lui apporter une dose de délicatesse. Cette dualité amour/haine prouve que l’homme, malgré la barbarie auquel il est confronté, reste un homme, empli de sentiments humains qui ne peuvent s’altérer. Le lecteur est autant touché par les événements dont il fait face que par ces sentiments amoureux naissants, qui envahissent un temps l’atmosphère ambiante.

De cette lecture, j’en ressors grandie, puisque moins ignorante sur un pan très important de l’histoire du Rwanda. Une histoire atroce, souvent tue ou très peu connue. Pour pousser plus loin ma découverte de ce pays et des constituants de son histoire, je pense regarder prochainement l’adaptation cinématographique de ce roman… en espérant ne pas être trop choquée par les images montrées.

Ma note : 6,5/10

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