Le liseur du 6h27


Le liseur du 6h27 de Jean-Paul Didierlaurent
192 pages, éditions Folio


Résumé : «Voilà, on voulait vous dire, on aime bien ce que vous faites. Ça nous fait drôlement du bien.
Ça va bientôt faire un an que Josette et moi, on vient vous écouter tous les lundis et jeudis matin.»
Sur le chemin du travail, Guylain lit aux passagers du RER de 6 h 27 quelques pages rescapées de livres voués à la destruction. Ce curieux passe-temps va l’amener à faire la connaissance de personnages hauts en couleur qui cherchent, eux aussi, à réinventer leur vie.


Extraits : « Certains naissent sourds, muets ou aveugles. D’autres poussent leur premier cri affublés d’un strabisme disgracieux, d’un bec-de-lièvre ou d’une vilaine tache de vin au milieu de la figure. Il arrive que d’autres encore viennent au monde avec un pied-bot, voire un membre déjà mort avant même d’avoir vécu. Guylain Vignolles, lui, était entré dans la vie avec pour tout fardeau la contrepèterie malheureuse qu’offrait le mariage de son patronyme avec son prénom : Vilain Guignol, un mauvais jeu de mots qui avait retenti à ses oreilles dès ses premiers pas dans l’existence pour ne plus le quitter. »

« C’est dans les cicatrices des gueules cassées que l’on peut lire les guerres, Julie, pas dans les photos des généraux engoncés dans leurs uniformes amidonnés et tout repassés de frais.. »


Mon avis : Cela faisait plusieurs années maintenant que j’entendais parler du Liseur du 6h27. En tant que grande lectrice, on ne peut qu’être attiré par ce titre et curieux de découvrir ce qu’il renferme. L’histoire sera sans doute au-delà de tout ce que vous auriez pu imaginer : un homme, engoncé dans sa routine quotidienne d’employé d’usine de démolition de livres, tombe amoureux d’une dame-pipi par l’intermédiaire de plusieurs textes, trouvés par hasard dans une rame de métro. Une rencontre incongrue, qui constitue un bouleversement dans son univers si tranquille. Dès lors, il va tout faire pour retrouver la trace de l’auteure de ces mots.

L’idée de départ est originale et totalement inédite. Le héros est aux antipodes des héros habituels, c’est un homme ordinaire, voire carrément quelconque, doté d’un prénom souvent tourné en dérision (Guylain Vignolles, détourné en « Vilain Guignolles »). Il n’a pas de famille, pas beaucoup d’amis, il exerce un boulot routinier, qu’il exècre, de surcroît pas forcément valorisant. Le seul élément qui peut le faire sortir de cette banalité exaspérante, c’est sa passion pour la lecture. Une passion commune à des milliers de lecteurs, mais qui est ici plutôt surprenante : notre héros se nourrit essentiellement des feuillets qui échappent aux dents de la broyeuse. Ainsi, il se plaît à lire à voix haut une ou deux pages d’un livre qu’il ne connaît pas, aux nombreux curieux qui partagent sa rame de métro. Une pratique qui plaît aux voyageurs, qui reviennent fidèlement l’écouter pendant leur trajet maison-travail quotidien.

J’ai beaucoup aimé l’audace de Jean-Paul Didierlaurent, qui ose écrire un livre qui sort complètement des sentiers battus et qui ne peut être résumé en quelques phrases seulement. C’est une prouesse littéraire et surtout un risque qu’il prend, de ne pas plaire ou d’être compris des lecteurs. Fort heureusement, l’histoire fonctionne. Il ne s’y passe pas grand-chose, les aventuriers ou les amoureux des rebondissements surprenants pourront être déçus. A contrario, les lecteurs les plus sensibles seront ravis de s’attacher à un homme solitaire, sentimental, introverti mais altruiste.


Un récit audacieux, décalé, très original, qui met en avant un héros quelconque dans un quotidien banal. Ce n’est pas l’histoire du siècle, mais ça promet un beau moment de détente.

Ma note : 7/10

Pour lire plus d’avis

 

ISBN : 978-2-07-046144-8

5 réflexions sur “Le liseur du 6h27

Laisser un commentaire