Comédie cubaine


Comédie cubaine de Pablo Medina

253 pages, éditions Stéphane Marsan, à 18€


Résumé : « À l’est, il y a les montagnes et la révolution qui fait rage. Au sud, les marais incrustés de sel et les débris du passé. À l’ouest, sous un soleil arrogant qui ne se couche jamais, se trouve la capitale, la splendeur urbaine de l’art, de la poésie et de la politique. Au nord, au-delà des collines et des plaines, il y a le désert de la mer et, à une journée de bateau, le mirage de l’Amérique, forgé dans le béton et l’espoir. »

À Cuba, le village de la Piedra Negra se vide de ses hommes, partis faire la révolution. Il ne reste sur place que les lâches, les idiots et les vieux. Ceux qui reviennent, estropiés, dans le meilleur des cas, passent leur temps à boire l’eau-de-vie locale, qui a le pouvoir de procurer l’oubli à ceux en ont besoin. Aussi, la jeune Elena aide-t-elle son distillateur de père pour faire face à la demande croissante. Mais quand Elena apprend que ses deux frères ne rentreront pas, elle éprouve le désir d’enchanter le monde autrement que par l’ivresse. Elle se met à écrire de la poésie et déclame ses poèmes sur la place du village. C’est alors qu’elle rencontre Daniel Arcilla, célèbre poète révolutionnaire, qui va changer sa vie. Par amour, Elena quitte son village natal pour vivre à La Havane, où la censure fait rage. Mais dans cette ville qui fourmille d’espions, écrire l’expose à des dangers dont elle ignore tout.


Extraits : « La poésie était une épidémie, et il n’y avait rien à faire sinon attendre qu’elle suive son cours.« 

« D’abord tu rêves, ensuite tu espères, et enfin tu travailles pour que cet espoir devienne réalité. »


Mon avis : Lire Comédie cubaine, c’est l’assurance d’un dépaysement certain. Entraîné les montagnes reculées de Cuba, nous faisons la connaissance d’Elena, une jeune fille qui grandit dans une famille défavorisée, isolée dans des contrées lointaines. Alors mère d’une petite fille nommée Soledad, elle ne va pas hésiter à se défaire de ses obligations maritales et maternelles pour devenir poète. Elle se rend dans la capitale, La Havane, pour suivre la publication de son recueil de poèmes. Un dépaysement assuré pour la jeune femme, qui n’avait jamais mis un pied hors de son village.

J’admire la force de caractère de cette jeune fille, assez courageuse pour prendre des décisions compliquées par elle-même, partir seule vers l’inconnue, au-devant de son destin. Beaucoup n’auraient pas eu la force nécessaire pour se défaire de leurs conditions. Elena représente un modèle de femme actuelle, libre de ses faits et gestes, dégagée de ses obligations de femme, qui peut vivre sa vie comme elle l’entend.

Plongée dans l’excitation de La Havane, elle va faire de magnifiques rencontres, puissantes et salutaires, je pense notamment à Juan et Mirta, ses anges gardiens qui l’ont accueillis à son arrivée dans la capitale et l’ont guidée tout au long de son séjour. Elle va faire d’autres rencontres improbables, celles du jeune Eduardo, ou du joueur d’échec Capanegra, puis celle de Daniel, homme puissant et grand poète révolutionnaire, qui changera la vie d’Elena à tout jamais.

Pablo Medina aborde une thématique historique importante du dernier siècle : la révolution cubaine. On est en plein dans la guerre civile, celle-là même où sont enrôlés de force des milliers de cubains, dont la majeure partie, à l’image des deux frères d’Elena, ne reviendront jamais. D’autres, comme Pedrito, amant puis mari d’Elena, reviendront estropiés, blessés, autant physiquement et psychologiquement. Seule l’eau-de-vie constituera une porte de sortie salutaire pour échapper à leur condition et aux images violentes dont ils ont été les témoins.

Autre conséquence de cette révolution : la corruption que le gouvernement cubain met en place, l’embrigadement de la société, avec une censure des poètes révolutionnaires, comme Daniel, qui font entendre leurs voix contre les idées de l’état en place. La liberté d’expression n’est pas encore acquise à cette époque-là à Cuba. Des mesures extrêmes sont mises en place pour empêcher tout délétère de faire entendre sa voix : censure, emprisonnement, voire même parfois meurtre. Pablo Medina pointe du doigt ces pratiques sauvages et inconsidérées.

Heureusement, une arme insaisissable vient contrebalancer cette atmosphère noire et oppressante : la poésie. Douce et paisible parenthèse enchantée qui est fortement appréciée. À plusieurs endroits du récit, on retrouve de charmants poèmes, très souvent abstraits, qu’il convient à chacun de s’approprier pour en retirer son sens propre.

Jour il pleut
jour il tonne,
ciel s’ouvre et cogne.
La pluie s’abat, frappe, crisse
de la rue vers l’avenue,
d’un souvenir d’enfance
vers la paille d’un champ de canne

Des flaques deviennent des ruisseaux,
des ruisseaux filent vers la mer.
Une femme passe avec ombrelle,
des chiens passent avec leurs maîtres,
la faim passe, les yeux de la peur.
Jour il pleut, un feu se meurt,
l’eau nettoie le chemin
vers la forêt sans fin.

Pour prolonger cette parenthèse enchanteresse, nous découvrons avec émerveillement la capitale cubaine urbanisée et développée, qui contraste avec les montagnes  rurales de Piedra Negra, ville d’origine d’Elea. Depuis plusieurs années, je rêve de partie en voyage à Cuba, ce pays coloré, dépaysant, à l’histoire passée enrichissante. Même si l’image qu’en donne Pablo Medina n’est pas la plus glorieuse, elle m’inspire assez de curiosité pour renforcer mon désir de découvrir ce beau pays.

Un aperçu de La Havane colorée, capitale de Cuba

En revanche, je m’attendais très certainement à plus de comédie, comme je proclamais le titre. Je n’ai pas ri comme escompté, j’ai seulement esquissé quelques sourires, qui n’étaient pas si nombreux que ça. Bien au contraire, la thématique abordée est épineuse, elle n’est pas sujette à l’humour, mais bien à un sérieux extrême.


Un roman dépaysant, qui nous plonge dans le Cuba révolutionnaire du siècle dernier. Un pays rongé par une politique dévastatrice, où la poésie apparaît comme un moyen salvateur d’apporter un semblant de douceur. 

Ma note : 6/10

Pour lire plus d’avis

 

ISBN : 978-2-37834-053-7
Traduction : Martine White

4 réflexions sur “Comédie cubaine

  1. Miss Obou dit :

    Un livre dont la lecture doit poser des questions sur la liberté d’expression, la poésie, l’histoire cubaine! J’ai l’impression, d’après ce que tu en dis, que ce n’est pas le genre de lecture qui laisse indifférent et intact.
    Je ne suis pas fan de poésie, pourtant l’ambiance et l’environnement dans lequel elle naît ici me semble particulièrement intéressant!

    Aimé par 1 personne

    • analire dit :

      Tu as tout bien résumé ! L’histoire en elle-même est intéressante, mais pour être honnête, elle aurait quand même mérité d’être plus approfondie. Il y a beaucoup de passages qui restent en surface, un peu abstrait : l’auteur a sans doute voulu laisser un certain flou artistique et poétique autour de son histoire… d’où ma notation pas si élevée que ça, finalement…

      J’aime

Laisser un commentaire