J’ai mon propre monde à regarder

J’ai mon propre monde à regarder d’Arnaud Rodamel
121 pages, Tertium éditions, à 13,50€
Résumé :Paul a 15 ans lorsque son père quitte, du jour au lendemain, le foyer familial sans raison apparente. Il va alors entreprendre, avec sa mère, un véritable road movie, un voyage entre liberté et fugue, lucidité et fuite. Après bien des péripéties qui les conduiront jusqu’à Brest, Paul finira par imaginer son propre monde.
Un roman aux sonorités très rock’n’roll pour adolescents.
Extraits : « Je me demandais si l’on écoute toujours des musiques qui nous ressemblent ou si, au contraire, ce sont elles qui font ce que nous sommes.  »
« Je sais, c’est égoïste, mais c’est comme ça : dans la douleur on pense souvent plus à sa pomme qu’à celle des autres.  »

Mon avis : Un roman à l’allure de road-trip à travers les côtes bretonnes françaises, mais qui cache en son sein, un malaise profond, une perte d’identité incommensurable, une tristesse infinie. Partir pour se reconstruire, partir à la recherche de l’être manquant dans sa vie, de la personne partie en explication, disparue du jour au lendemain, envolée d’un battement d’aile : son père.

Dans la peau du jeune Paul, adolescent de 15 ans à l’apparence banale et au goût très prononcé pour les musiques Rock du siècle passé, nous vivons en temps réel les deux pires moments qui ont bouleversés son quotidien.

Dans un premier temps, la perte de son père, envolé, disparu sans aucune nouvelle, plonge Paul et sa mère dans un mystère et une angoisse croissante. Qu’est-il devenue ? Où est-il parti ? Mais surtout, pour quelle raison ? Pour noyer leur chagrin, ils se lancent, dans un moment de folie, à sa poursuite, emportant le strict nécessaire : la voiture et le MP3 de Paul.

La musique a été une thérapie, un moyen psychologique de tenir le cap, de ne pas sombrer dans l’agonie. Les chansons apaisent autant qu’elles parlent. Elles nous soutiennent indirectement, nous racontent une histoire, souvent notre histoire. Franck Zappa, les Clash, les Who, bercent Paul et sa mère dans l’épopée dans laquelle ils se sont aventurés.

Un mal-être, une certaine gêne se fait ressentir entre ces deux êtres au comportement si différent mais aux sentiments si similaires. Incapables de se comprendre, ils se murent dans le silence, restent dans leur bulle, enfermé à ressasser leurs souvenirs ou leurs pensées. Seul l’espoir, émotion commune aux deux protagonistes, et l’attente du papa, tisse un lien entre leurs deux vies.

Les rôles sont inversés. Paul se montre d’une incroyable maturité, d’une intelligence et d’un sens pratique peu commun pour quelqu’un d’aussi jeune. Ce jeune homme, à la maturité musicale et au calme insoupçonné, se dévoile page après page. Le voyage qu’il entreprend avec sa mère lui permet de se découvrir, de grandir, et d’exposer à la face de sa mère des facettes de sa personnalité jusqu’alors masquées. Tandis que sa mère, au tempérament intempestif, sur le qui-vive, démarrant au quart de tour, se place dans la position enfantine, bouleversant les rôles de chacun.

La seconde partie du roman est consacré à un tout autre événement, dans la lignée du précédent. La maman de Paul, dans son envie de retrouver le père absent, décide de quitter le pays, d’abandonner sa vie, sa maison, son fils et ses amis, pour rechercher son mari. Paul va se retrouver abandonné, portant le poids de nombreuses responsabilités sur ses frêles épaules. Comment se reconstruire ? Comment pardonner un acte si égoïste ?
Alternant visites chez la psychologue, chez ses grands-parents et chez son amie Isa, la capacité d’auto-gérance de son quotidien prouve et renforce la maturité dont il faisait déjà cas. Le titre du livre d’ailleurs, abonde dans l’ouverture d’esprit du protagoniste.

Le dénouement, surprenant, bouleversant et totalement insoupçonné, marque le glas du récit, le point final du voyage.
Basé sur un récit réaliste, à l’écriture simple et émotive, Arnaud Rodamel nous plonge dans les méandres d’un quotidien devenu à la fois commun et banal dans notre siècle, mais si extraordinaire. L’auteur fait preuve de douceur dans son récit, montrant des paysages enchantés, un amour incommensurable, contrastant avec la brutalité des décisions prises, capables de réduire à néant un train de vie. Un très bon récit, que je conseillerais à tous.

Ma note : 8/10

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