Changer l’eau des fleurs


Changer l’eau des fleurs de Valérie Perrin
665 pages, éditions Le Livre de Poche, à 8,90€


Résumé : Violette Toussaint est garde-cimetière dans une petite ville de Bourgogne. Les gens de passage et les habitués viennent se réchauffer dans sa loge où rires et larmes se mélangent au café qu’elle leur offre. Son quotidien est rythmé par leurs confidences. Un jour, parce qu’un homme et une femme ont décidé de reposer ensemble dans son carré de terre, tout bascule. Des liens qui unissent vivants et morts sont exhumés, et certaines âmes que l’on croyait noires, se révèlent lumineuses. Après l’émotion et le succès des Oubliés du dimanche, Valérie Perrin nous fait partager l’histoire intense d’une femme qui, malgré les épreuves, croit obstinément au bonheur. Avec ce talent si rare de rendre l’ordinaire exceptionnel, Valérie Perrin crée autour de cette fée du quotidien un monde plein de poésie et d’humanité. Un hymne au merveilleux des choses simples.


Extraits : « Dieu est à l’image de l’homme. Ça veut dire qu’il ment, qu’il donne, qu’il aime, qu’il reprend, qu’il trahit comme tout un chacun. »

« Il y a plus fort que la mort, c’est le souvenir des absents dans la mémoire des vivants. »


Mon avis : Je ne m’attendais pas à autant aimer cette histoire ! Violette Trenet est née sous X. Après avoir été brinquebalée de famille d’accueil en famille d’accueil, à tout juste 18 ans, alors serveuse dans un bar, elle croise le regard de Philippe Toussaint, avec qui elle se mariera peu de temps après. De leur union naîtra Léonine, une petite fille épanouie et souriante, entourée d’une mère aimante. Le père, bien trop souvent absent, occupé à faire de la moto, à courir les jupons et jouer aux jeux vidéo, délaissera totalement la mère comme la fille. D’abord gardes-barrières à l’orée d’une voie de chemin de fers, Violette et Philippe seront contraints de quitter leur emploi en raison de l’automatisation des systèmes de sécurité des voies. Pour parer à leur licenciement forcé, Violette leur trouve une place comme gardiens de cimetière à Brancion-en-Chalon, un petit village de Bourgogne. Mais Philippe ne s’y plaît pas et disparaît mystérieusement du jour au lendemain, sans jamais plus donner signe de vie. Une nouvelle qui va ravir Violette, délestée du poids de son mari absent, volage, bon à rien, qui faisait simplement preuve de présence effective plutôt que de soutien affectif, moral ou financier. 

Il est compliqué de poser des mots sur ce récit, tant l’histoire est dense et les émotions variées. On passe continuellement du rire aux larmes, de la joie à la peine, du bonheur au désespoir, de la vie à la mort. Bien que la mort soit omniprésente à travers le lieu de vie de Violette et les péripéties qui surviennent dans le cimetière et dans sa vie personnelle, il ne s’agit pas ici de dépeindre un contexte lugubre, perturbant ou de faire pleurer dans les chaumières. Au contraire, je trouve que l’auteure dé-diabolise à merveille ce sujet, en le rendant accessible, en en parlant ouvertement de manière simplifiée, comme une épreuve qui fait partie intégrante de la vie. On a presque moins peur de la mort, on en vient à moins l’appréhender, on relativise aussi en voyant les tristes événements qui surviennent dans la vie des autres. C’est ce dernier point qui est assez frappant : se rendre compte de la chance que l’on a, quand on voit le malheur que certains peuvent vivre. Il y a un aspect réflexif dans ce récit, qui nous enjoint à penser à la vie et à la mort de différentes manières.

Car tous les personnages du roman sont cabossés par l’existence, particulièrement Violette, une femme touchante, qui a sacrifiée une bonne partie de sa vie plutôt que de la vivre pleinement. Enchaînée à son mari à qui elle était attachée sans être amoureuse, elle n’a connu qu’un seul homme dans sa vie, qui l’a traitée avec mépris et indifférence. Violette est persuadée de mériter ni bonheur ni l’amour et prend rapidement peur lorsqu’il est question d’extérioriser ses sentiments. C’est une femme d’une sensibilité extrême, dotée d’un courage immense, qui, bien que maltraitée par la vie, reste bienveillante, souriante et d’une générosité simple mais bienheureuse. Elle a un mode de vie atypique, dans un cimetière, elle se contente du minimum : un jardin potager, du thé pour recevoir ses convives et des amis qui viennent lui tenir compagnie presque quotidiennement.

Le cadre de vie peut faire peur, mais il se veut finalement empli de sérénité. Bizarrement, je m’y suis sentie vraiment bien, totalement à l’aise et aucunement gênée de déambuler parmi les tombes ou de consoler les veufs éplorés avec Violette.

J’ai été tout simplement captivée par cette histoire, par l’écriture enivrante de Valérie Perrin, mais aussi par le quotidien de Violette, qui est finalement assez banal si l’on met de côté son lieu de vie. Je n’ai pas vu passer les 665 pages et j’aurai volontiers prolonger ma lecture quelques centaines de pages supplémentaires. L’ensemble est plein de légèreté, d’insouciance, avec des touches de poésie au début de chaque nouveau chapitre (des citations extraites de livres, de films, de séries… qui tournent autour d’un sujet commun, la mort, mais qui mènent à la réflexion).


Une excellente découverte, que je ne peux que vous recommander. C’est un livre simple, authentique mais poétique, qui vous fera passer par toutes les gammes d’émotions et vous poussera à la réflexion sur une thématique en particulier, la mort, parfois jugée lugubre et sombre, mais judicieusement traité par Valérie Perrin.   

Ma note : 9,5/10

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ISBN : ‎ 978-2-253-23902-7

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Ils ont laissé papa revenir


Ils ont laissé papa revenir de Toni Maguire
357 pages, éditions Le Livre de Poche, à 6,90€


Résumé : Elle pensait enfin être protégée des agressions physiques et psychologiques subies depuis sa petite enfance. Elle se trompait.
Toni Maguire, auteur du best-seller Ne le dis pas à maman, poursuit le récit de son enfance, racontant sa terrible vérité. Le père de Toni a abusé d’elle dès l’âge de six ans et ce crime n’a été révélé que lorsqu’elle est tombée enceinte et a dû se faire avorter.
C’est grâce au témoignage difficile de Toni que cet homme qui lui a fait tant de mal a été emprisonné. Enfin, elle a cru pouvoir vivre normalement. Jusqu’au jour où son père, sorti de prison, est revenu à la maison.


Extraits : « Notre coeur a beau nous appartenir, il est difficile de le contrôler.

« Si un enfant naît incapable de marcher, quand regarde-t-il ses camarades et se rend-il compte qu’ils peuvent courir quand lui ne peut que ramper ? Quand un enfant né aveugle regrette-t-il la liberté que donne la vue ? À quel âge un enfant sourd sait-il ce que signifie le silence ?
Quand un sociopathe entend ses contemporains parler de sentiments qu’il n’éprouve jamais, quand les envie-t-il ? Aimerait-il ressentir la joie que procurent les petites choses qu’ils vivent ? Ou se sent-il supérieur et prend-il le manque de sentiments pour de la force ? »


Mon avis : J’ai fait la connaissance d’Antoinette, dit Toni, en 2017, à travers son témoignage poignant Ne le dis pas à maman. Toni racontait alors l’enfer de son enfance, lorsqu’elle était encore une petite fille qu’abusait un père abject, sous les yeux effarés d’une mère impassible. Depuis, Toni a osé parler et raconter son histoire et son père a été incarcéré. Mais sa peine de prison n’excède pas la peine commise à Toni durant toutes ses années. Aussi, lorsqu’il s’apprête à sortir, après seulement quelques années sous les barreaux, Toni redoute son retour.

Ils ont laissé papa revenir raconte donc la suite des malheurs de Toni. Alors que la jeune adolescente a retrouvé un semblant de vie normale aux côtés de sa mère, qui lui témoigne plus d’amour qu’elle ne l’a fait de toute sa vie, l’ombre du retour de son père plane en permanence au-dessus d’elles. Jusqu’au jour où il se matérialise réellement dans leur salon. Toni est à la fois bouleversée, en colère, triste, apeurée… autant de sentiments qui se mélangent en voyant son bourreau, de nouveau sous le même toit qu’elle, malgré tous les abus qu’il lui a fait subir. Ce qui attriste particulièrement la jeune fille, c’est l’attitude de sa mère, consentante et heureuse de retrouver ce mari, qui a pourtant détruit leur famille. Toni ne supporte pas ce portrait trompeur d’une vie de famille normale et décide de les quitter, alors même qu’elle n’a pas encore atteint la majorité.

J’avais été bouleversée en lisant Ne le dis pas à maman. Ici, mes sentiments sont tout autre. Je suis plutôt en colère et dépitée par cette administration judiciaire qui ne fait que très peu de choses pour protéger les personnes qui sont en danger et/ou venger ceux qui ont tant soufferts. Le père de Toni a été incarcéré seulement quelques années, qui ne correspondent même pas au nombre d’années total où il a abusé de sa fille. C’est une injustice tellement grave, qui prouve que le viol est minimisé, l’inceste davantage, alors qu’ils causent des troubles psychologiques graves chez les personnes qui en sont victimes. D’ailleurs, j’aurais apprécié lire des considérations plus générales sur ces thématiques, pour prévenir et mettre en garde les lecteurs contre ce genre de pratiques, qui est bien plus répandues que ce que l’on pourrait croire.

Depuis le premier volume, Toni a grandi, muri, évolué. Elle prend maintenant pleinement conscience des actes de son père et du comportement de sa mère, ainsi que du rejet commun qu’ils lui opposent, sans explication rationnelle. S’en est déchirant. D’autant plus que Toni continue à garder l’espoir que l’un comme l’autre, ils puissent changer de comportement à son égard et former une famille normale, unie et soudée. Pendant toutes ces années, elle gardera contact avec eux, malgré tout ce qu’ils lui ont fait subir. Était-elle trop indulgente ou trop naïve ? Dans tous les cas, je ne cautionne pas le fait qu’elle revienne régulièrement chez ses parents. Elle va pousser le vice jusqu’à répondre présente lors de leurs derniers moments de vie, à l’aune de leur mort. Un dernier adieu à ces deux personnes qui lui ont gâchées la vie.


Dans son enfance, après avoir été abusée par son père pendant de longues années, Toni revient sur les conséquences de ces actes durant son adolescence. Un témoignage fort et poignant sur le martyr qu’a vécu Toni et les troubles psychologiques qui en résultent. 

Ma note : 6/10

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ISBN : 978-2-253-17809-5
Traduction : Sophie Guyon

Concerto à la mémoire d’un ange


Concerto à la mémoire d’un ange de Eric-Emmanuel Schmitt
216 pages, éditions Le Livre de Poche, à 6,60€


Résumé : Quel rapport entre une femme qui empoisonne ses maris successifs et un président de la République amoureux ? Quel lien entre un simple marin honnête et un escroc international vendant des bondieuseries usinées en Chine ? Par quel miracle, une image de sainte Rita, patronne des causes désespérées, devient-elle le guide mystérieux de leurs existences ? Tous ces héros ont eu la possibilité de se racheter, de préférer la lumière à l’ombre. À chacun, un jour, la rédemption a été offerte. Certains l’ont reçue, d’autres l’ont refusée, quelques uns ne se sont aperçus de rien.
Quatre histoires liées entre elles. Quatre histoires qui traversent l’ordinaire et l’extraordinaire de toute vie. Quatre histoires qui creusent cette question : sommes-nous libres ou subissons nous un destin ? Pouvons-nous changer ?
Suivi du journal tenu par Eric-Emmanuel Schmitt durant l’écriture. Ce livre a obtenu le Goncourt de la Nouvelle 2010.


Extraits : « Dans l’opinion de Greg, l’amour était un devoir ou un dû. Puisqu’il se sacrifiait pour ses filles, elles lui devaient de l’affection. Et lui, sa fidélité de père, il l’exprimait par son labeur acharné. Il n’aurait pas soupçonné que l’amour pût consister en des sourires, des caresses, de la tendresse, des rires, de la présence, des jeux, du temps offert et partagé. Il avait toutes les raisons, à ses yeux, de s’estimer un bon père. »

« Le sacrifice est la mesure de tout amour.


Mon avis : Eric-Emmanuel Schmitt est un auteur que j’admire particulièrement. Il a le pouvoir de se réinventer en permanence, jonglant allègrement entre contes poétiques, romans chorales ou philosophiques, puis recueils de nouvelles, afin de nous offrir des histoires inspirantes, qui nous transportent et nous font réfléchir.

Concerto à la mémoire d’un ange, c’est quatre histoires distinctes, qui contiennent néanmoins maintes similitudes. La première nous présente Marie, soupçonnée d’avoir empoisonnée ses maris puis finalement acquittée, elle se repent à l’église du village. Jusqu’au jour où elle s’éprend du nouveau jeune prêtre, à qui elle rend visite quotidiennement afin de se confesser sur ses crimes odieux. Deux opposés qui se lient : l’odieuse criminelle fricote avec le pieux curé.

La seconde nouvelle nous présente un matelot, Greg, mari et père de quatre filles, qui vit éloigné de sa famille en raison de sa situation professionnelle. Lorsqu’en pleine mer, il reçoit un télégramme lui annonçant la mort d’une de ses filles, Greg se met à imaginer laquelle est décédée. C’est lorsque survient les moments les plus noirs que l’on prend conscience de certaines choses.

La troisième nouvelle, qui a donné son nom à l’ouvrage, met en scène Axel et Chris, deux virtuoses du piano et du violon. Mais leurs caractères sont divergents : l’un est généreux, sympathique et souriant, tandis que l’autre est mesquin, jaloux et compétitif. Lorsqu’un grave accident se produit, Axel frôle la mort à cause de Chris et se retrouve handicapé à vie. Un épisode douloureux, qui changera à jamais nos deux protagonistes.

Enfin, la quatrième et dernière nouvelle se passe à l’Élysée. La femme du président se rend compte qu’elle exècre son mari, infidèle, déloyal, ne reculant devant rien pour assouvir ses désirs de pouvoir. Le couple se déchire, jusqu’à ce que la dame tombe gravement malade. Le dénouement est alors inattendu.

La construction des nouvelles est quasiment identiques : un événement inattendu se déroule en début d’histoire, puis un second retournement de situation survient lors du dénouement final. On retrouve également plusieurs thématiques qui se recoupent dans chacune : le bien et le mal, la folie et la raison, le drôle et le triste se côtoient et parfois s’entremêlent puis s’échangent. L’amour fraternel, passionnel ou familial est lui aussi questionné, mis en péril, sous-entendu, mais il triomphe toujours. La religion est aussi fortement présente, avec la référence constante à Sainte Rita, reconnue comme la sainte de l’impossible et des cas désespérés, ce que semblent être l’ensemble de nos personnages. À travers Sainte Rita, se pose enfin la question du changement et de la rédemption : pouvons-nous changer notre façon d’être, de réfléchir et d’agir, se racheter pour les crimes odieux, les actes irréfléchis et les vulgaires paroles émises ? Chacun des personnages va se retrouver face à ce choix cornélien, chacun à sa manière,  ils vont amorcer un changement dans leur quotidien, pour le meilleur ou pour le pire.

Peu adepte des nouvelles, je dois l’avouer, j’ai pourtant grandement appréciée celle-ci. Il faut dire qu’il y a plusieurs fils conducteurs, que l’on retrouve d’une nouvelle à l’autre. Après avoir compris comment l’auteur structurait ses histoires, on se prend même à imaginer quel dénouement il nous réserve pour les prochaines… mais impossible d’égaler la créativité d’Eric-Emmanuel Schmitt, qui nous offre des retournements de situation grandioses, totalement inattendus et surprenants.

Enfin, Eric-Emmanuel Schmitt nous propose dans une dernière partie d’ouvrage un petit « journal d’écriture », dans lequel il a consigné toutes ses réflexions durant l’élaboration de Concerto à la mémoire d’un ange. On en apprend plus sur ce qui l’a inspiré, ce qu’il a voulu exprimer, la raison pour laquelle il a choisi la nouvelle pour ces histoires. Des pages intéressantes, qui nous font entrer dans l’intimité de l’auteur et mieux comprendre la structure de son livre.


Quatre nouvelles étonnantes, bien construites, avec des thématiques concordantes, qui amènent à la réflexion. Eric-Emmanuel Schmitt est un auteur surprenant, que je ne peux que vous conseiller.

Ma note : 7,5/10

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ISBN : 978-2-253-16030-4

Derniers adieux


Derniers adieux de Lisa Gardner
493 pages, éditions Le Livre de Poche, à 7,90€


Résumé : Est-ce parce qu’elle attend un enfant que Kimberly Quincy, agent du FBI, se sent particulièrement concernée par le récit incroyable et terrifiant d’une prostituée enceinte ? Depuis quelque temps, elles sont plusieurs à avoir disparu d’Atlanta sans explication, comme évaporées, et Kimberly est bien la seule à s’en préoccuper. Un serial killer s’attaquerait-il à ces filles vulnérables ? Aurait-il trouvé la clé du meurtre parfait ou s’agit-il de crimes imaginaires ? Sans le savoir, la jeune femme s’enfonce dans le piège tendu par un psychopathe. Comme pour sa mère et sa soeur, victimes autrefois d’un tueur en série, le temps des derniers adieux est peut-être arrivé pour Kimberly…


Extraits : « Ne regardez pas avec vos yeux, leur disait tout bas leur père de sa voix grave. Regardez avec votre intelligence, cherchez avec votre coeur. »

« Les frères et soeurs se disputent, bonhomme, mais ça ne les empêche pas de s’aimer. »


Mon avis : Kimberly Quincy est une agent FBI reconnue dans sa profession, enceinte depuis plusieurs mois. Une prostituée, également enceinte, indique à Kimberly les disparitions inquiétantes de travailleuses du sexe et amies, sans que personne ne semble s’en inquiéter outre mesure. Selon cette indic, l’homme à l’origine de ces enlèvements se ferait appeler « Dinechara », un personnage terrifiant qui vouerait un culte aux araignées. Kimberly, touchée par les propos rapportés, souhaiterait enquêter sur cette affaire, sans toutefois le pouvoir, faute de preuve concrète qui permettrait l’ouverture officielle d’une enquête. Elle va néanmoins tenter de mettre en lumière ces mystères, sans forcément en référer à ses supérieurs. En parallèle, nous suivons un jeune garçon, manifestement kidnappé par un homme qu’il nomme « Burgerman ». Ce dernier l’oblige à commettre des crimes sexuels odieux et se sert du garçon pour en perpétrer d’autres.

Derniers adieux regroupe tous les ingrédients qui font d’une histoire un bon thriller : un rythme soutenu, du suspense à gogo, un psychopathe déséquilibré, une flic impliquée, des éléments bien flippants, le tout mijoté à feu doux dans une atmosphère bien oppressante. Néanmoins, je n’ai pas spécialement accroché à l’histoire, que j’ai trouvé assez plate. Elle manque de fond, de recherche, tout comme les personnages manquent de caractéristiques spécifiques qui en feraient des personnages emblématiques. Enfin, le déroulé global du récit manque de liant, ce qui m’a souvent fait perdre le fil de l’histoire : on saute d’un interlocuteur à un autre, sans plus comprendre le sens et surtout le rôle de chacun dans l’histoire. Je n’ai pas été entraîné par ce récit, qui ne m’aurait pas laissé éveillé toute une nuit, mais il se laisse quand même lire facilement.

Pour finir, je reproche un peu à l’auteure son imagination trop débordante, qui ont fait de certaines scènes des scènes totalement surréalistes. Il ne vous aura pas échappé en lisant certains résumés que le suspect principal est un déséquilibré, fanatique d’arachnides velues, souvent mortelles, qu’il prend plaisir à voir se promener sur le corps de ses victimes : improbable ! Mais Lisa Gardner a imaginé toute une ambiance assez démesurée autour de ce fou, avec notamment des tatouages de yeux d’araignées sur le front de l’agresseur ou le cou de ses victimes ; des araignées grouillantes par centaines ; des cocons à taille humaine… Les arachnophobes sont prévenus : passez votre chemin si vous ne voulez pas frémir toute la nuit.


Un polar qui se laisse facilement lire, mais qui manque quand même de suspense et de fond. On se perd facilement dans ce dédale de chapitres, qui n’ont pas de liants et d’éléments suffisamment forts pour marquer les esprits. Je suis mitigée, mais je retenterai avec plaisir un autre Lisa Gardner !

Ma note : 5,5/10

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ISBN : 978-2-253-17582-7
Traduction : Cécile Deniard

La fille dans le brouillard


La fille dans le brouillard de Donato Carrisi
347 pages, éditions Le Livre de Poche, à 7,30€


Résumé : Une jeune femme est enlevée dans un paisible petit village des Alpes. Le coupable est introuvable, et voilà que la star des commissaires de police, Vogel, est envoyé sur place. De tous les plateaux télé, il ne se déplace jamais sans sa horde de caméras et de flashs. Sur place, cependant, il comprend vite qu’il ne parviendra pas à résoudre l’affaire, et pour ne pas perdre la face aux yeux du public qui suit chacun de ses faits et gestes, il décide de créer son coupable idéal et accuse, grâce à des preuves falsifiées, le plus innocent des habitants du village : le professeur d’école adoré de tous. L’homme perd tout du jour au lendemain (métier, femme et enfants, honneur), mais de sa cellule, il prépare minutieusement sa revanche, et la chute médiatique de Vogel.


Extraits« Parce qu’il n’y a rien de pire qu’un cadeau qui n’arrive pas à son destinataire. Le bonheur qu’il contient pourrit lentement, contaminant tout autour de lui. »

« Le pouvoir du mal qui arrive à un autre, pensa Martini.
Il constituait un baume dans la vie des étrangers, qui redécouvraient ainsi la vraie valeur des choses. Par peur de les perdre, ils s’empressaient de les choyer, avant que quelqu’un ou quelque chose ne les emporte. »


Mon avis : J’ai découvert Donato Carrisi à travers Le tribunal des âmes, un polar complexe, qui m’avait moyennement emballé. Néanmoins, j’ai retenté ma chance avec La fille dans le brouillard, un polar psychologique moins violent, haletant et surprenant.

Anna Lou Kastner a disparue la veille de Noël. Cette jeune fille rousse aux tâches de rousseur est issue d’une famille très croyante, qui prie chaque jour Jésus pour que leur fille revienne saine et sauve à la maison. C’est le commandant Vogel, un policier expérimenté, qui est en charge de l’enquête. Escorté du lieutenant Borghi, ils vont tenter de comprendre ce qui est arrivé à Anna Lou. Très vite, ils se rendent compte que le professeur Martini, un homme pourtant sans histoire, à la vie rangée, père et mari aimé et aimant, enseignant de littérature passionné et érudit, devient le coupable numéro un. Mais pour quel motif aurait-il enlevé Anna Lou ? Le mystère reste entier.

Il n’y a que peu de scènes de violences dans ce polar. L’auteur l’oriente plus comme une histoire psychologique, où la peur et la tension constantes gouvernent le récit. On est rapidement happé par les scènes qui se jouent sous nos yeux, on se prend à conspirer pour trouver le coupable et son mobile. Le suspense est continu et c’est ce qui fait l’attrait principal du livre. L’auteur décortique également le pouvoir et le rôle des médias et de l’opinion publique dans le déroulé d’une enquête. On se rend compte avec effarement qu’ils ont une influence incroyable, un retentissement qui peut à la fois être néfaste ou bénéfique à une enquête. Dans le cas du commandant Vogel, il manipule la presse avec brio, complotant avec l’envoyée spéciale Stella Honer pour lui fournir des scoops (souvent peu avérés) en avant-première. Tout le monde y trouve son compte.

En effet, on ne peut pas réellement s’attacher aux personnages, qui nous semblent manquer cruellement de consistance. Les victimes – j’entends la famille de la jeune disparue -, ne nous font ressentir aucune pitié, aucune tristesse. Le commandant Vogel reste froid, détaché, distant. Quant au  professeur Martini, il plane au-dessus de lui un mystère qui nous empêche de voir réellement son vrai visage. En définitive, ce sont des personnages vides, qui sont là uniquement pour servir le suspense du récit.

Le dénouement est tout simplement génial. Un retournement de situation inattendu, comme on aime trouver dans ce genre d’histoire. Par cette fin spectaculaire, Donato Carrisi se place comme un maître de la surprise : chapeau l’artiste ! Mais (il y a un mais !), pour la prochaine fois, plus d’explications sur les crimes, leurs mobiles, les procédés employés… auraient été de bon aloi. Il est bon d’avoir des idées, mais il faut qu’elles soient cohérentes avec l’histoire en place.

Le livre de Donato Carrisi a été adapté au cinéma en 2017, sous le nom de « La regazza nella nebbia », puis traduit et diffusé en France sur Canal+. Je doute de le regarder un jour, puisque je connais déjà le fin mot de l’histoire, d’autant que la bande-annonce semble moins dynamique que le roman écrit.


Un polar psychologique où la peur gouverne le récit. L’histoire est attrayante, le suspense continu, mais les personnages peu attachants.

Ma note : 6,5/10

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ISBN : 978-2-253-08652-9
Traduction : Anaïs Bouteille-Bokobza