Et Dieu riait beaucoup


Et Dieu riait beaucoup de Joann Sfar
212 pages, éditions Albin Michel, à 19,90€


Résumé : C’est l’histoire de deux juifs dans un avion vide. C’est aussi celle d’un homme qui quitte la France, à la recherche de sa terre promise et ne la trouve pas. On y croise un metteur en scène qui n’a plus rien à perdre, une comédienne armée d’un revolver, un polémiste juif d’extrême droite, un vétérinaire, un chien, un Joann Sfar, sans oublier le roi David et la Shulamite. Dans ce récit de pure fiction, chacun cherche sa place, même Dieu. Lorsqu’on a des mauvaises idées, il faut parfois s’y accrocher obstinément, surtout quand c’est tout ce qu’il nous reste. « Nous ne sommes pas éloignés de Dieu, il habite loin, c’est tout. »


Extraits : « Nous ne somme pas « éloignés de Dieu », il habite loin, c’est tout. »

« La race, ça n’existe pas, nous sommes une espèce universelle : chacun peut tout jouer, et chez Shakespeare, des hommes blancs incarnent aussi bien Othello le noir que les filles du roi Lear. Si vous voulez, mais la peau ça existe. Un drapeau dont on n’a pas voulu et qui influe sur nos déclarations. »


Mon avis : Joann Sfar est un auteur que j’ai découvert grâce à ses bandes-dessinées, notamment Fin de la parenthèse et Tu n’as rien à craindre de moi, qui m’avaient destabilisées en raison notamment de sa manière crue et brutale d’aborder certains sujets sensibles. Avec Et Dieu riait beaucoup, c’est la première fois que je découvre sa plume dans un roman. 

L’histoire semble simple, mais elle est compliquée : deux juifs se retrouvent dans un avion en direction d’Israël. L’un s’appelle Pierre Cohen, réalisateur célèbre, il part en Israël pour adapter au théâtre une bande-dessinée de Joann Sfar. L’autre s’appelle Bettoun, c’est un politique qui se revendique antijuif et part en Israël suite à un échec politique en France, pour trouver son public. L’un et l’autre sont comme chien et chat : deux opposés qui se houspillent mais au fond, se comprennent. 

Le rapport à la religion est quasiment omniprésent, avec notamment la présence de Dieu qui veille et réagit parfois aux situations qui se déroulent dans le livre. Une place toute particulière est attribuée aux juifs, avec le pays d’Israël qui est placé de manière central dans le roman. Je n’ai que très peu de connaissances en matière de religion juive, aussi, je suis passée à côté de nombreuses références non expliquées. C’est bien dommage, je pense que c’est une des raisons qui m’ont fait ne pas adhérer à ce livre.

J’ai trouvé ce roman très brouillon. On parle abondamment de religion, on parle de racisme avec la comédienne noire Alfredine, on parle d’amour avec Valérie Signoret, on parle de trahison, on parle de retour aux sources… J’ai été totalement perdue. Quels sont les messages principaux de l’auteur ? Que cherchait-il à mettre particulièrement en avant ? Je n’ai malheureusement pas compris. Joann Sfar qui aime le je m’en foutisme et l’humour décalé, a sans doute été dans l’appropriation trop extrême de ces deux points. Et Dieu riait beaucoup… mais il était bien le seul !


Un roman aux multiples sujets, beaucoup trop brouillon, avec la religion juive comme point central et une bonne dose de questionnements. Je n’ai pas compris le but de ce livre et ne vous le conseille pas. Je pense que ma découverte de Joann Sfar s’arrête ici.

Ma note : 2/10

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ISBN : ‎ 978-2-226-45779-0

La vie en vrai


La vie en vrai de Emma Green
454 pages, éditions Addictives poche, à 8,90€


Résumé : Et si s’accepter comme on est, c’était commencer à vivre pour de vrai ? À 17 ans, Louve est la victime des Royals, ces élèves populaires qui la harcèlent au lycée comme sur les réseaux sociaux jusqu’à la pousser au pire. Mais quand on touche le fond, il n’y a plus qu’une chose à faire : remonter. Aidée de sa famille, parfois maladroitement, Louve décide de rendre les coups et se rapproche du plus cruel de tous, l’intouchable Lazare Nightingale. Sous ses boucles brunes, Laz ne cherche qu’une chose : qu’on lui fiche la paix. Et tant pis si pour ça, il doit se montrer odieux. Mais il n’imagine pas encore que sous la fragilité de Louve se cache une guerrière. Ni que son attirance pour elle va peu à peu briser ses barrières. Emma Green nous plonge dans l’histoire d’un premier amour qui sauve la vie…


Extraits : « – Tu as vraiment cru que la vie ne valait pas le coup d’être vécue ? Et qu’on avait besoin de ça, ton père et moi ? Quand la vie est dure, on se bat, Louve ! Quand on tombe, on se relève ! Quand on voit tout en noir, on court après la lumière ! »

« On pourrait nous prévenir, quand même, du parcours du combattant que ça va être, de vivre. »


Mon avis : Première rencontre littéraire avec Emma Green, qui sont en fait deux femmes, françaises, qui se cachent derrière ce pseudo anglisicé. D’ordinaire, je ne lis que très rarement des romances. Exceptionnellement, j’ai chroniqué la semaine drnière Un léger malentendu de Rose Mia, qui ne m’a malheureusement pas convaincue. En commençant La vie en vrai, j’avais peur que l’histoire se répète et que mon aversion pour les romances cuculs se confirme. Il n’en est rien : j’ai beaucoup aimé ce récit !

Louve est une jeune adolescente fraîchement arrivée à Boston, après la mutation de son père aux États-Unis, qui a entraîné le déménagement de toute la famille. Dès son arrivée dans son nouveau lycée privé, les Royals prennent Louve en grippe et lui font subir toutes sortes de harcèlements et cyber-harcèlements. Jusqu’au point de rupture : Louve tente de mettre fin à ses jours. Après ce terrible drame, l’ensemble de sa famille va l’aider au mieux pour remonter la pente, faire face et changer les choses. La petite bande de gosses de riches de ce lycée privé n’a qu’à bien se tenir : Louve est prêt à encaisser et à rendre les coups !

Les deux auteures mettent en avant un sujet d’actualité, qui animent beaucoup la sphère politique et éducative : le harcèlement scolaire. De nombreuses associations et plateformes d’aident ont été mises en place pour combattre ce fléau, qui a déjà causé bien trop de dégâts parmi les jeunes. Car à l’image des Royals, les adolescents sont sans pitié et usent de créativité pour pousser toujours plus loin leurs victimes. À l’inverse, pour éviter d’autres représailles, les victimes se terrent dans le silence, alors que ces actes sont purement et simplement ignobles et bien évidemment condamnables. 

Sans vouloir vous dévoiler l’ensemble de la narration, La vie en vrai est saccadé, entre les prises de parole de Louve et celles de Lazare Nightingale, le principal bourreau de la jeune femme. Les chapitres se font échos et nous permettent de nous mettre successivement dans la peau de la victime puis du tortionnaire. L’un comme l’autre, ils sont recouverts d’une carapace qui ne nous permet pas de les approcher suffisamment pour connaître leur vraie personnalité. Qui sont-ils vraiment ?

Bien évidemment, une romance ne serait pas une romance sans une belle histoire d’amour. Et là, j’avais peur. Mais j’ai vite été rassurée : il n’est pas question d’une histoire niaise comme on peut en avoir l’habitude. Entre Louve et Lazare, c’est sanguin, c’est brutal. J’ai particulièrement appréciée le personnage de Louve, que l’on voit distinctement évoluer au fil des pages. D’une adolescente timide et réservée, mal dans sa peau et effacée, elle prend progressivement de l’assurance, s’ouvre aux autres et n’a plus peur d’exister. C’est une Louve transfigurée qui apparaît à la fin, une femme qui porte admirablement bien son prénom.

J’ai adoré ce récit, qui divulgue des messages optimistes et inclusifs en abordant des thématiques fortes : confiance en soi, acceptation de soi, différence, transidentité, tolérance, féminisme. Mention particulière au personnage « iel » qui apparaît dans la deuxième partie du récit. C’est la première fois que je côtoie un « iel » : il est compliqué de se le représenter, l’esprit est embrumé, mais sa joie de vivre nous fait prendre conscience qu’il s’aime, qu’il est à l’aise et parfaitement aligné avec son corps et son esprit. Une belle découverte, touchante et humaine !


Une romance bien écrite, qui aborde des thématiques d’actualité importantes : harcèlement, transidentité, féminisme, tolérance et différence. Un récit positif et plein d’espoir, que j’ai bien aimé lire.

Ma note : 8/10

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ISBN : ‎ 978-2-37126-613-1

Kilomètre zéro


Kilomètre zéro de Maud Ankaoua
352 pages, éditions Eyrolles, à 18,90€


Résumé : Maëlle, directrice financière d’une start-up en pleine expansion, n’a tout simplement pas le temps pour les rêves. Mais quand sa meilleure amie, Romane, lui demande un immense service – question de vie ou de mort -, elle accepte malgré elle de rejoindre le Népal. Elle ignore que l’ascension des Annapurnas qu’elle s’apprête à faire sera aussi le début d’un véritable parcours initiatique. Au cours d’expériences et de rencontres bouleversantes, Maëlle va apprendre les secrets du bonheur profond et transformer sa vie. Mais réussira-t-elle à sauver son amie ?


Extraits : « La santé est le plus grand luxe qui soit pour moi et je suis conscient de sa fragilité. Chaque jour, je suis attentif à ce que je mange pour ne pas faire de mal à mon corps et je contrôle mes pensées pour ne pas blesser mon âme. La santé n’est jamais acquises et demande une surveillance constante, elle représente la priorité ultime, que je ne sacrifierais pour aucune autre dans mon bocal.« 

« Chaque instant que tu perds à être malheureuse ne te sera jamais rendu. Tu sais où commence ta vie, mais pas quand elle s’arrête. Une seconde vécue est un cadeau que nous ne devons pas gâcher. Le bonheur se vit maintenant. »


Mon avis : Quel livre ! Quelles leçons ! Peu adepte des romans de développement personnel, je ne m’attendais pas à autant apprécier ce récit et surtout à en sortir si grandie.

Maud Ankaoua s’est inspirée de son histoire personnelle pour écrire Kilomètre zéro. Maëlle est une femme d’affaire bien intégrée dans le monde de la finance, qui détient un poste à responsabilités, très bien payé et se consacre entièrement à son travail. Lorsqu’elle retrouve Romane, une de ses meilleurs amis, pour un moment à deux, Maëlle découvre que cette dernière est atteinte d’un cancer. Romane lui demande alors une faveur : se rendre à Katmandou, au Népal, pour récupérer un mystérieux ouvrage. Après maintes hésitations, Maëlle accepte : la voilà partie pour un voyage initiatique, révélateur, unique en son genre.

Sitôt arrivée au Népal, le choc est rude pour Maëlle. Conditions et hygiènes de vie, coutumes, traditions, nourritures,… tout est nouveau pour elle. Un profond sentiment de mal-être s’empare d’elle, d’autant quand elle apprend qu’elle devra traverser la chaîne himalayenne pour récupérer l’ouvrage promis. Heureusement, elle peut compter sur l’accompagnement de Shanti, un guide népalais bilingue, qui va lui apprendre à ouvrir son coeur, à s’écouter et à trouver le véritablement chemin du bonheur au travers des plaisirs simples.

Entre la traversée à proprement parler, s’ajoute des petites leçons de vie prodiguées par Shanti, puis divers personnages qui viennent compléter ses paroles. J’avoue qu’il m’est arrivé plusieurs fois de lire certains passages sans les comprendre, tant ils semblaient irrationnels. D’autres s’étiraient en longueurs et m’ennuyaient un peu. Néanmoins, ils sont infimes par rapport aux nombreux enseignements bénéfiques. J’en retiens notamment qu’il faut vivre intensément dans le temps présent, précieux cadeau qu’on nous octroie, et non s’enfermer dans le passé qui n’est plus ou le futur qui n’est pas encore. Ne pas se bercer d’illusions, ne pas faire des plans sur la comète, mais profiter de chaque jour qui passe. J’en retiens que le positif attire le positif, que ce soit dans le comportement, l’aspect physique comme les pensées mentales. Enfin, je conserve de ces échanges l’ouverture primordiale aux autres, le pouvoir de l’interprétation et la dissociation entre l’âme et le corps. 

J’ai eu la chance de pouvoir découvrir Kilomètre zéro dans une édition collector, réimprimée spécialement par les éditions Eyrolles 6 ans après sa première parution. On y retrouve notamment à la fin plusieurs photographies personnelles prises par l’auteure elle-même lors de sa traversée de la chaîne himalayenne, avec des commentaires personnels et des extraits de récit qui viennent document et rendre plus visuel l’histoire. S’y ajoute également quelques pages plus intimistes sur Maud Ankaoua : qui elle était, qui elle est devenue, le chemin parcouru, le processus d’écriture… Enfin, l’auteure s’est prêtée au jeu des questions-réponses avec ses lecteurs. Autant d’éléments qui viennent compléter admirablement ce beau récit.


Un récit qui nous fait réfléchir sur notre façon de vivre et de s’ouvrir au monde. Un voyage initiatique à l’intérieur de soi, qui fait du bien et apporte beaucoup d’amour et de bonheur. Un livre qui peut changer une vie !

Ma note : 8/10

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ISBN : ‎ 978-2-416-01364-5

Un léger malentendu


Un léger malentendu de Rose Mia
441 pages, éditions Hugo Poche, à 7,90€


Résumé :  Le jour de son emménagement à Los Angeles, Mei a le coup de foudre. Tom, son voisin d’à côté, est sombre et sexy, et elle ressent immédiatement pour lui une attirance irrésistible. Hélas, elle comprend vite que rien ne sera jamais possible entre eux. Mei a l’habitude, sa vie sentimentale est un fiasco ! Pas étonnant qu’elle soit toujours vierge à 23 ans. Ceci dit, rien ne les empêche d’être amis. Et puis, c’est moins dangereux… tant qu’on ne se lance pas, on n’a pas le cœur brisé, pas vrai ? Tom est une star du surf. Célèbre pour avoir dompté les vagues mangeuses d’hommes les plus dangereuses du monde, il est cloué sur le sable depuis un grave accident de compétition. L’arrivée de sa jolie voisine, une petite tornade aussi déjantée qu’attachante, le pousse hors de sa zone de confort et fait naître chez lui un désir incandescent. Entre eux, c’est une évidence. Un désir irrépressible auquel ils rêvent de succomber. Sauf que quelque chose bloque. Juste un petit détail… mais qui change tout. Certains mensonges nous protègent. Comment accepter la vérité lorsqu’ils volent en éclats ?


Extraits : « À force de côtoyer le grand maître en la matière, j’ai par exemple cerné que lorsque le mec mignon qui tient le pressing me demande mon numéro, il n’évoque pas ma place dans la file d’attente, mais mon portable. Et qu’un type qui fait des haltères sur Venice Beach et qui me propose de lui appliquer du monoï attend de moi un massage sensuel, pas une couche d’écran total épaisse et blanche. Je suis vraiment au degré zéro du flirt. Je ne comprends pas les signaux qu’on m’envoie. Et quand je crois les saisir, en général, je me plante.« 

« Mon instinct me répète que je devrais faire un saut chez le garagiste, mais je n’ai pas de quoi régler la note, alors pour l’instant, je fais abstraction des voyants lumineux qui clignotent. Ça me divertit en attendant que le feu passe au vert et ça ajoute un peu de suspense à mes déplacements ! »


Mon avis : Je ne lis que très peu de romance, et pourtant, je suis une grande romantique. La cause ? J’ai horreur des personnages mièvres, stéréotypés au possible, qui vivent une histoire d’amour déjà courue d’avance… ce qui est le cas de la plupart des romances.

Un léger malentendu ne déroge malheureusement pas à la règle. Mei est une jeune femme plutôt réservée, attirante, dont la vie sentimentale est proche du néant. Lorsqu’elle déménage à Los Angeles, elle tombe instantanément sous le charme de son voisin, le beau et ténébreux Tom Harper, qu’elle pense marié avec Karl Harper… qui n’est autre que son frère jumeau. Pendant de longues semaines, elle va réfréner son attirance et le considérer comme un voisin, puis ami proche, sans aucune ambiguïté possible. Jusqu’à ce que la vérité éclate au grand jour.

J’ai apprécié lire ce livre, qui me sort complètement de ma zone de confort et de mes habitudes littéraires, et je ne doute pas qu’il puisse trouver son public. Néanmoins, je suis restée extérieure à l’histoire, je n’ai pas réussi à m’intégrer dans le quotidien des personnages et à savourer pleinement Los Angeles et les magnifiques vagues de l’Océan Pacifique. J’ai trouvé que le récit manquait clairement de consistance et de profondeur : il ne se passe pas grand chose, on tourne en rond et on s’ennuie ! 

Les personnages sont plus que stéréotypés : le beau gosse surfeur, grand sportif, un peu timide, célibataire, courageux et téméraire. La jeune femme réservée, solitaire, blessée, harcelée durant sa scolarité, qui souhaite prouver son indépendance et se reconstruire. Leur histoire d’amour est convenue d’avance : on n’est pas surpris, on voit arriver chaque rebondissement ou changement de scène. De plus, elles manquent clairement de crédibilité : un regard et c’est le coup de foudre immédiat… à d’autres !  


Une romance feel good idéale pour lire l’été à la plage, mais qui ne m’a pas transcendée : vite lue et vite oubliée. 

Ma note : 4,5/10

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ISBN : ‎ 978-2-7556-6978-7

Cinq coeurs en sursis


Cinq coeurs en sursis de Laure Manel
475 pages, éditions Michel Lafon, à 20,95€


Résumé : Ils sont cinq membres d’une même famille. Ils sont fille, fils, mari, mère et sœur de Catherine. C’est une famille comme les autres. C’était une famille (comme les autres)… jusqu’à ce que l’arrestation de Catherine bouleverse tout. Que devient une famille après l’irréparable ?


Extraits : « C’est là que je l’ai vu. Le ASSASSINe, en gros, mais avec un petit « e », comme si la personne voulait bien désigner une femme, mais n’était pas bien sûre du féminin de « assassin » (c’est vrai que ça fait bizarre de dire « ma mère est une assassine ». On dit quoi, en fait ? Une assassin ? Une femme assassin ? Comme pour pompier ? Parce que pompière n’existe pas. Parce que les assassins, comme les pompiers, ce sont des hommes, en général. Ce qui fait au moins une bonne raison de plus pour qu’on arrête de penser que ma mère puisse l’être.« 

« Est-ce qu’on connaît si bien l’autre, même au bout de tout ce temps ? Est-ce qu’il peut y avoir, derrière un regard, un monde inconnu ? »


Mon avis : Catherine est une mère, épouse et fille à la vie rangée, que rien ne prédestinait à finir en prison. Pourtant, la vie de cette famille bien sous tout rapport bascule, avec l’arrestation de Catherine pour meurtre. Elle est accusée d’avoir tuée avec préméditation Béatrice Lancier, la femme de son amant, en rouant de coups de couteaux à la sortie d’un cours de yoga. Un acte inimaginable pour ses proches, qui peinent à concevoir réellement que ce qui est reproché à Catherine soit vrai. Et pourtant…

La vie de Catherine bascule du jour au lendemain : elle est accusée de meurtre, privée de liberté, séparée de ses proches, enfermée entre quatre murs gris pour les vingt prochaines années de sa vie. On parle souvent du quotidien du coupable qui change du tout au tout, ou des victimes collatérales (en l’occurence la famille de la défunte), mais rarement on pense à la famille du coupable, victimes eux aussi du crime horrible qui a été commis. Ici, Marc, le mari, Anaïs, la fille aînée, Flo, le petit garçon, Josette, la maman et tata Nat, la soeur ainée, subissent de pleins fouet, avec une violence extrême, les horreurs de Catherine. C’est cet angle qu’a choisie de nous montrer Laure Manel. La famille laissé pour compte, désabusée, sonnée, mortifiée, la famille innocente et pourtant pointée du doigt, accusée, injuriée, pour un crime qu’ils ne tolèrent pas eux-mêmes et dont ils ne sont en rien coupable.

Dans ce roman, les proches prennent la parole à tour de rôle, pour exposer leurs sentiments sur cette affaire. Des sentiments que l’on va voir évoluer en fonction de l’avancée de l’enquête et des vies respectives de chacun : attente, espoir, doute, déception, colère, rage, dégoût,… Tous les personnages nous attendrissent : on se sent proche d’eux, avec l’envie de les réconforter. Quant au point de vue de la criminelle, Catherine, il n’arrive qu’à la toute fin du récit, dans un court chapitre de quelques pages. La priorité est avant tout laissée aux proches. 

J’ai vraiment adoré cette histoire, en particulier la première moitié du livre, que j’ai difficilement lâchée. Les chapitres sont extrêmement courts et parfaitement rythmés, avec cette alternance rapide des personnages et des points de vue. Le suspense est maintenu à son paroxysme pendant une bonne première partie du récit : Catherine est-elle vraiment coupable ? On ressent l’attente, l’espoir, les questionnements, intenables, pendant près de deux ans. La vie des proches est comme maintenue en pause pendant tout ce temps. Mais les années défilent, chacun grandit, vieillit, avance. Depuis le drame en 2001, le petit Flo est devenu adolescent, la jeune Anaïs est une adulte épanouie, Marc a refait sa vie, Nathalie a trouvé l’amour… Mais peut-on réussir à oublier et à « désaimer » quelqu’un que l’on a tant aimé ? Peut-on tirer un trait définitif sur une personne qui a tant comptée ? Comment se reconstruire après un tel drame ? 


Connaît-on vraiment ses proches ? Une plongée au coeur d’un drame familial qui vient perturber l’équilibre d’une famille normale et nous interroge sur les notions de la famille. Un roman puissant et percutant, dont vous aurez du mal à vous détacher.

Ma note : 9/10

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ISBN : ‎ 978-2-7499-5527-8