Concrete Rose


Concrete Rose de Angie Thomas
407 pages, éditions Nathan, à 17,95€


Résumé : 18 ans avant The Hate U Give, retrouvez Maverick. Lycéen. Dealer. Père.
En 1998, dans le quartier noir de Garden Heights. Maverick sèche le lycée, et il a déjà un pied dans les gangs. Malgré la poigne de sa mère qui l’élève seule, il s’apprête à marcher sur les traces de son père, un baron de la drogue en prison.
Tout change lorsqu’il découvre qu’il est père. Le voilà contraint d’élever son bébé, auquel il s’attache, tout en affrontant la colère de sa petite amie Lisa.
Maverick veut être un homme bien ; il veut prouver qu’il peut faire les choses différemment. Mais on ne quitte pas les gangs si facilement.


Extraits« Dans la rue, y’a des règles.
Elles sont pas écrites, et tu les trouveras pas dans un livre. C’est juste des trucs naturels, que tu connais déjà le jour où ta mère accepte de te laisser sortir seul de chez toi. Un peu comme respirer, quoi : tu sais faire et pourtant personne t’a expliqué. »

« Tu dois aimer assez les gens pour les laisser partir, surtout si la raison de leur départ, c’est toi. »


Mon avis : Après The Hate U Give et Parée pour percer de la même auteure, qui m’avait plût sans pour autant me laisser des souvenirs impérissables, me voici lancée dans son dernier roman : Concrete Rose. Les thématiques restent identiques à ses deux dernières parutions : le racisme, la violence, la drogue, la ségrégation et l’inégalité. 

Nous sommes en 1998, Maverick a 18 ans. Il vit avec sa mère dans le quartier noir de Garden Heights et fait partie du gang des King Lords. Au grand désespoir de sa mère, il suit les traces de son père, baron de la drogue incarcéré depuis une dizaine d’années. Avec son cousin King et ses amis Rico et Junie, ils sèchent le lycée et se prêtent à un trafic de drogue qui leur rapporte un paquet d’argent. Mais lorsqu’il apprend qu’il est père d’un petit garçon suite à un accident de préservatif avec Iesha, les responsabilités de Maverick décuplent. Il doit prendre soin de son fils, lui donner toute l’attention et tout l’amour qu’il demande, tout en subvenant à ses besoins. Mais le plus dur pour le jeune homme est d’annoncer sa parentalité à Lisa, sa petite amie. Très déçue et attristée par cette nouvelle, Lisa le quitte. Un choc pour Maverick, qui se retrouve au fond du trou.

J’ai été totalement happée par cette histoire et ravie de plonger une nouvelle fois dans l’univers si particulier d’Angie Thomas. Loin d’enjoliver les choses, elle nous montre la réalité crue des quartiers noirs Américains : la violence, le trafic de drogue, les règlements de compte, les intimidations, les injustices sociales, la ségrégation, la pauvreté… bien que le cœur lui dise de suivre les traces de son père et de ne pas déshonneur son gang, la raison lui intime de se ranger, d’arrêter les trafics pour protéger ceux qui comptent le plus pour lui : son fils, baptisé Seven (chiffre lié à une certaine perfection), son amoureuse Lisa, issue d’un établissement catholique et sa mère, qui s’inquiète pour son fils et se démène au quotidien pour lui apporter ce qu’il y a de meilleur. Mais lorsque Dre se fait assassiner sous ses yeux, Maverick y voit une provocation et veut à tout prix se venger : constamment tiraillé, il ne sait quel choix faire et quelle direction donner à sa vie.

Maverick est un jeune homme courageux, qui endosse ses nouvelles responsabilités sans se plaindre, en cherchant du mieux qu’il le peut à bien faire avec sa fille, malgré son manque d’expérience. Il est généreux, attentionné, très sensible, et montre une autre image que celle que l’on pourrait se faire d’un jeune de quartier. 

Les romans d’Angie Thomas suivent une certaine logique, avec des thématiques qui se ressemblent, mais traitées de manières différentes à chaque fois. Concrete Rose est particulièrement lié à The Hate U Give, puisque le protagoniste Maverick de Concrete Rose n’est autre que le père de Starr de The Hate U Give. L’univers est donc concordant et suit une certaine logique, avec des personnages qui évoluent, que l’on apprend à connaître intimement en fonction des tomes : j’ai beaucoup aimé ! J’ai hâte de voir ce que l’auteure nous réserve pour sa prochaine sortie littéraire.


Un roman touchant, avec un protagoniste particulièrement émouvant, qui endosse avec fierté ses nouvelles responsabilités de père de famille. Le tout est présenté sous fond de sujets sombres : le racisme, la violence, la pauvreté, l’injustice sociale… une constante dans les romans d’Angie Thomas !

Ma note : 8,5/10

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ISBN : 978-2-09-249071-6
Traduction : Nathalie Bru

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L’énigme Edna


L’énigme Edna de Florence Hinckel
332 pages, éditions Nathan, à 14,95€


Résumé : Un thriller à la manière de Carrie de Stephen King
Edna, 17 ans, vit seule avec son beau-père, dans une petite ville du sud de la France.
Depuis la mort de sa mère du covid, la jeune fille s’est refermée sur elle-même et est devenue le souffre-douleur du lycée, où elle est en section pro.
Alors qu’elle souhaite emprunter Ulysse de James Joyce au CDI, les membres du club lecture l’humilient pour son choix élitiste et le plus virulent, Eliott, l’agresse physiquement. Fils d’un homme politique local, Eliott ne sera pas sanctionné, tandis que la victime, Edna, est exclue. Pour réparer cette injustice, Chaïnez l’aide à participer à un concours littéraire très en vue dans le lycée. Mais Elliot, ivre de colère contre cette moins-que-rien qui ose le défier, prépare sa vengeance…
Un roman pour les adolescents dès 14 ans.


Extraits« Chaque fois qu’on croise quelqu’un, il faut se souvenir : cet individu est une vraie personne, qui a une âme et des sentiments. »

« Même à onze ans, on a besoin du sourire des gens, car tout le monde ne sait pas rire avec les yeux. »


Mon avis : Florence Hinckel est une auteure française de romans jeunesse que j’ai déjà eu l’opportunité de découvrir avec Nos éclats de miroir en 2019, sa saga Le grand saut en 2018 ou encore sa saga jeunesse Chat va faire mal et Superchat Pitre en 2017. Bien que j’ai apprécié lire chacun de ses titres, aucun n’était véritablement sorti du lot, ou du moins, aucun n’avait réussi à me transcender. Il me restait à chaque fois un sentiment de trop peu, d’inachevé. C’est sans doute le sentiment final qui se dégage aussi de ce livre-ci.

Avec L’énigme Edna, l’auteure s’engouffre dans un genre littéraire nouveau : une sorte de thriller pour adolescents, qui glace le sang et provoque des sueurs froides. En cause, sa protagoniste, Edna, une jeune fille d’origine africaine, qui vit seule avec son beau-père, suite au décès subit de sa mère, morte du coronavirus. Edna est une adolescente mystérieuse, qui ne s’ouvre quasiment jamais, préférant intérioriser ses sentiments. Elle souffre clairement d’un manque de confiance en soi et se retrouve écrasée par les normes édictées par notre société, exclue des schémas classiques, pointée du doigt comme étant une fille noire, bizarre, rejetée et harcelée par ses camarades d’école.

La goutte d’eau qui a véritablement fait déborder le vase aura lieu un jour d’école, alors qu’Edna souhaitait emprunter Ulysse de Joyce au CDI. Elliott, un élève membre du club de lecture, va se moquer ouvertement du choix d’Edna, allant jusqu’à l’humilier publiquement et rabaisser son niveau intellectuel. Dans un élan de rage, Edna va le gifler. Un geste qui impliquera un conseil de discipline et une exclusion de l’école. Car Elliott est ce qu’on peut appeler un gosse de riche ; son père détient un poste à haute responsabilités dans la sphère régionale, pouvant peser sur l’impact budgétaire de l’école. Les membres du conseil de discipline ont donc choisi l’injustice et la prudence en punissant la mauvaise personne. La corruption politique, l’abus de pouvoir, sont plus que jamais présents dans toutes les couches de notre société. 

Les sujets de L’énigme Edna sont donc variés : on parle bien de différence, de tolérance, d’injustice, de harcèlement scolaire, physique et psychique. En toile de fond, berçant toutes ces thématiques, Florence Hinckel place la littérature au cœur de son histoire, comme un remède immanquable face à la noirceur du monde, une bulle protectrice, qu’il est bon d’habiter et de nourrir. Chaque membre du club de lecture est amené à choisir un livre et à le présenter, via une mise en scène, lors des journées portes ouvertures de l’école. Cette représentation comptant dans la notation des élèves, les volontaires sont donc nombreux. Les choix de livres sont multiples : classiques, contemporains, romans graphiques… chacun est libre d’interpréter comme il le souhaite sa lecture. Edna, obligée par le conseil de discipline à participer, était d’abord réticente, avant d’être poussée par Chaïnez, sa nouvelle amie, à monter sur scène. Il faut dire que ce monde littéraire, assez étriqué, élitiste pour certains, est gouverné par des élèves qui se pensent au-dessus des autres intellectuellement, qui visent de hautes et longues études, bien loin des aspirations d’Edna. Le décalage est donc immense entre Edna et les autres, l’intégration n’est pas chose aisée. Néanmoins, l’auteure démonte les schémas classique et prouve que chacun peut y arriver, peu importe son appartenance social et les difficultés de chacun. La littérature a toujours été et sera toujours universelle, intemporelle, vivante et ouverte à tous.

Enfin, une bonne dose de fantastique/thriller, vient s’ajouter au récit, le rendant plus qu’original. Des phénomènes climatiques étranges perturbent le cours de l’histoire, des irruptions impromptues, qui dénotent, faisant planer une chape de terreur au-dessus de la tête des lecteurs. Car l’effet dramatique voulu par l’auteure ne va cesser de s’accroitre jusqu’à l’apocalypse final, le drame suprême, le ras de marée Edna, qui va tout brûler sur son passage. On va rapidement comprendre que la jeune Edna est victime d’essais cliniques douteux, qui la pousse à des comportements irraisonnés et destructeurs. Malheureusement, cette partie de l’intrigue n’est pas exploitée, Florence Hinckel nous laissant totalement hagards et paniqués face à l’incompréhensible. Sans doute l’auteure a-t-elle voulue faire écho à l’actualité qui gangrène notre société actuelle, avec la crise de coronavirus et les vaccins encore peu fiables, qui pullulent, sans que personne n’en ait une réelle connaissance.


Un roman jeunesse d’anticipation, qui nous donne à réfléchir sur des sujets d’actualité : le harcèlement scolaire, la tolérance, l’injustice, la corruption politique, les essais cliniques… Une histoire sombre, complexe, effrayante et inattendue, assurément à ne pas mettre entre toutes les mains !

Ma note : 6,5/10

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ISBN : 978-2-09-259155-0

Grim fils du marais


Grim fils du marais de Gaël Aymon
330 pages, éditions Nathan, à 16,95€


Résumé : Un roman d’aventures au style inimitable.
Alors qu’il fuit un mystérieux danger, Grim, un garçon muet qui cache son passé, découvre un monde peuplé de différentes espèces humaines, au milieu de forêts mauves. Il débute alors un voyage vers le palais de la reine afin de l’avertir d’un complot qui se trame contre elle.


Extraits« Parce que, tant qu’on est pas complètement mort, c’est la vie qui commande. Et toi, tu obéis. »

« L’intelligence, elle se sent, comme la bêtise. »


Mon avis : Gaël Aymon est un auteur français de romans jeunesse que je connais bien, puisque j’ai déjà pu apprécier dans le passé plusieurs de ses histoires. Ces dernières étaient plutôt réalistes et rationnelles, elles traitaient de thématiques actuelles, je pense notamment à Silent boy, qui parlait d’harcèlement scolaire, ou à Et ta vie m’appartiendra, sorte de réécriture du célèbre roman d’Honoré de Balzac, Peau de chagrin. Avec Grim fils du marais, Gaël Aymon nous embarque dans un univers fantastique et merveilleux sorti tout droit de son imagination.

Grim, un jeune enfant muet vivant dans une forêt mystérieuse, fui un ennemi inconnu. Il se réfugie dans une Ruche, lieu intriguant, où des Nourrices élèvent des enfants et leur apprennent à vivre dans un monde complexe. Jarvin, l’une des Nourrice, prend Grim sous son aile. La Nourrice essaie tant bien que mal de cerner ce garçon et de comprendre ce qui l’amène dans la Ruche : fuit-il un ennemi ? est-il un fugueur ? Lorsqu’il est l’heure pour les enfants de rejoindre leurs Maisons respectives – Auxiliants, Combattants, Servants ou Reproduisants… -, la couvée censée les remplacer se trouve vide. Jarvin décide de percer à jour ce mystère et emmène Grim avec lui jusqu’au Haras où se trouve les Dames et Sieurs qui fournissent les Damoiselles au Palais de la Reine pour qu’elle puisse faire naître de nouveaux enfants. Là-bas, c’est avec horreur que Jarvin et Grim se retrouvent au coeur d’un complot qui les dépasse : les Haras se révoltent et veulent renverser le Palais et tuer la Reine. Une décision qui mettrait en péril toute l’humanité.

J’ai été comblée par l’inventivité de l’auteur. Je ne suis pas une grande adepte du fantastique et encore moins de la fantasy ; pourtant, ici, le doux mélange des genres crée un univers onirique accessible à tous, qui nous plonge immédiatement dans un monde féerique, où l’on se retrouve comme des enfants émerveillés. C’est une histoire dynamique, dans laquelle on ne s’ennuie pas. Les aventures s’enchaînent avec aisance et volupté. De nombreuses références sont faites aux contes et légendes anciennes, dans lesquels des héros tels que Ulysse, Lancelot et j’en passe, réussissent des exploits hors du commun. Nos héros s’identifient aisément à ces héros : ils sont engagés, même au péril de leur vie, terriblement courageux et ils accomplissent des exploits au profit d’une communauté, celle de la Reine, dont dépend la survie de leur Maison, de leur vie et de l’humanité toute entière.

J’ai adoré découvrir les différentes particularités des personnages qui parsèment l’histoire. J’ai particulièrement apprécié la joyeuse bande de héros que nous suivons du début à la fin : Grim, Jarvin, Felée, Halona, Cheveyo. Malgré les différences de culture, d’éducation, de façons de penser, ils arrivent à cohabiter et à avancer ensemble vers un objectif commun. Une belle et solide amitié naît entre ces cinq personnages, qui fait chaud au coeur et plaisir à voir.

J’adresse une maison spéciale à la maison d’éditions, qui s’est surpassée sur le design du livre, en produisant une magnifique couverture, lumineuse, vive, qui promet des aventures merveilleuses. L’histoire est également entrecoupée de dessins en noir et blanc réalisés par Violaine Leroy, que j’aurais grandement apprécié voir plutôt en couleurs. Mais sans doute est-ce une question de coût (fournir des dessins en papier glacé et en couleurs aurait augmenté considérablement le prix du livre). Tout de même, elles permettent de se représenter encore plus concrètement cet univers fantastique qui nous enchante.

Le seul point négatif que je vois à souligner, c’est le style d’écriture. Le narrateur, qui est également notre héros, Grim, s’exprime d’une manière un peu niaise, en coupant volontairement certaine phrase, en mâchant certains mots, en obstruant totalement la forme négative ; ce qui donne un style décousu, un peu simple, peu français finalement, qui pourrait donner un mauvais exemple aux jeunes lecteurs qui le lit.


Un roman fantastique féerique, qui nous plonge dans un univers onirique merveilleux, tout en nous faisant vivre milles aventures extraordinaires. C’est une réussite : bravo !

Ma note : 8/10

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ISBN : 978-2-09-249207-9
Illustrations : Violaine Leroy

L’oeil du loup


L’oeil du loup de Daniel Pennac
115 pages, éditions Nathan, à 9,95€


Résumé : Un loup tournant en rond dans sa cage au zoo, aperçoit un enfant nommé Afrique, qui le regarde avec insistance. le loup ne veut pas voir les hommes qui le retiennent prisonnier et lui ont fait du mal à lui et aux siens. Puis le loup se met à fixer l’enfant avec son oeil unique créant un lien qui va permettre aux deux êtres de communiquer.
Un classique à ne pas manquer tant pour la jeunesse, que pour les adultes. Une histoire ou se mêlent la nostalgie, l’émotion et la tendresse.


Extraits« – À quoi ils ressemblent ?
– Les hommes ? Deux pattes et un fusil. »

« – Tu ris trop, grondait Loup Bleu, ce n’est pas sérieux.
– Et toi, tu es trop sérieux, ce n’est pas drôle. »


Mon avis : L’oeil du loup est un classique de la littérature jeunesse. Écrit en 1984 par l’écrivain français Daniel Pennac, il connût immédiatement un vif succès, qui lui permis d’être notamment adapté dans un court-métrage d’animation pour la télévision, mais aussi adapté en musique et réédité par de nombreuses maisons d’éditions.

En 2021, ce sont les éditions Nathan qui prennent le parti de remettre le récit sur le devant de la scène, en le modernisant. De belles illustrations en noir et blanc signées François Roca viennent ponctuer l’histoire et y ajouter une dose de tendresse, de chaleur, d’humanité, d’espoir, supplémentaires. Ces images devraient permettre aux jeunes lecteurs de s’imprégner davantage de l’histoire et la découvrir plus facilement ; le livre en lui-même est déjà succincte (100 pages), alors y ajouter des dessins permet une lecture avec des temps de pause, donc encore plus simplifiée et rapide.

Pour ceux qui ne connaissent pas L’oeil du loup – il n’y a aucune honte à avoir, j’en faisais partie avant cette lecture. C’est l’histoire d’un loup, emprisonné dans un zoo, qui tourne en rond quotidiennement dans sa cage, encore plus depuis que sa compagne de prison s’est éteinte. Puis, un beau jour, un petit garçon noir se plante devant sa cage et le fixe sans mot dire. Ce scénario se répète pendant des jours, jusqu’à ce que le loup, curieux, intrigué, décide d’en savoir plus sur ce garçon si mystérieux. Le loup et l’enfant se confient alors l’un à l’autre. Chacun, ils ont vécu dans des terres reculées, – l’un en Afrique, l’autre en Alaska -, où la nature prospérait, où la vie était féconde, à l’abri de l’assouvissement des hommes. Ils ont ensuite dû fuir leur terre ; l’un à cause de la guerre, l’autre arraché à sa terre natale. Deux êtres que tout oppose, mais qui ont bien plus en commun qu’il n’y paraît : ils ont vécu mille aventures, tantôt tristes ou joyeuses, avant de se retrouver dans une société où ils ont été forcé d’entrer, qui ne leur apporte rien, si ce n’est tristesse et mélancolie.

Les thèmes du livre sont nombreux. Le plus important : les effets que peuvent avoir la violence et le comportement cruel des hommes ; la chasse, la destruction de la vie, de la nature, des animaux, des lieux de vie. Autant de sujets et de situations qui nous font prendre conscience de la cruauté de l’homme et de son égoïsme. Mais dans ce roman sombre pointe quand même quelques traces de luminosité. Je pense notamment aux belles leçons d’amitié que nous donne notre jeune héros. Ce petit garçon, ami des bêtes, est un allié solide, de confiance, à qui les animaux n’hésitent pas à se confier, qui les comprend et les aide du mieux qu’il peut. C’est un homme différent des autres, qui donne l’espoir d’un avenir meilleur.


L’oeil du loup, c’est livre qui fait voyager et rêver sans bouger, de l’Afrique à l’Alaska. Mais c’est avant tout un récit philosophique, qui nous permet de réfléchir à des thématiques variées : la chasse, la destruction, la fuite, le braconnage, la déforestation… Un roman jeunesse plein d’humanité, qui devrait plaire aux enfants !

Ma note : 7,5/10

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ISBN : 978-2-09-249358-8
Illustrations : François Roca

Sous ta peau, le feu


Sous ta peau, le feu de Séverine Vidal
283 pages, éditions Nathan, à 14,95€


Résumé : Le nouveau roman ado de Séverine Vidal, portrait d’une jeune fille en feu
Bordeaux, 1764.
Ange Rouvray accompagne son père médecin dans ses visites auprès des malades. L’épidémie de variole fait rage et pour se protéger, il faut porter un masque, se désinfecter les mains, garder ses distances…
La jeune Esmée de Montagu a vu mourir en quelques semaines son père, son frère, ses sœurs. Elle reste seule avec sa mère, tellement pleine de chagrin qu’elle n’a plus de larmes. La comtesse Isabeau de Montagu, est obsédée par l’idée de garder sa dernière fille en vie. Elle veut tester sur elle une technique controversée et dangereuse et fait appel au docteur Rouvray, qu’elle espère ouvert à cette pratique nouvelle.
Lors de cette visite, Esmée et Ange se rencontrent. Et tombent amoureux.
Mais comment une histoire est-elle possible entre ces deux êtres que tout sépare ?
Un roman à lire dès 13 ans.


Extraits« C’est âpre, une naissance. Et beau. Ça se murmure et ça se hurle. »

« Une femme c’est toujours de sa faute, une femme ça obéit, ça se courbe et ça se tait. »


Mon avis : Après L’été des Perséides, le dernier roman apocalyptique de Séverine Vidal, lu en février dernier, je suis très heureuse de retrouver l’auteure dans un nouveau roman au style totalement différent : un roman historique et engagé, aux thématiques néanmoins actuelles.

Nous sommes au XVIIIème siècle, en 1764 plus exactement, dans la région de Bordeaux. Une jeune fille nommée Ange, souhaiterait devenir médecin comme son père, pour aider les gens et les soigner. Néanmoins, les moeurs de l’époque interdisent aux femmes d’exercer une activité de médecine. Ainsi, avec l’accord et le concours de son père, Ange se déguise en homme et suit celui qu’elle surnomme son « ogre », dans ses activités quotidiennes. En pleine épidémie de variole, ils se rendent auprès de nombreuses personnes pour tenter de les guérir du mal qui les ronge. C’est lors d’une de ses visites que Ange et son père se rendent au château des Montagu, où vivent la comtesse Isabeau et sa seule fille encore vivante, Esmée. La comtesse souhaite que le docteur fasse inoculer sa fille, c’est-à-dire qu’il lui injecte le virus dans le corps afin d’éviter qu’elle ne le contracte et n’en meurt. Une décision lourde à prendre, d’autant que les effets et conséquences de cet acte sont encore incertains.

Vous l’aurez certainement compris, Séverine Vidal s’est largement inspirée des événements actuels pour écrire son roman. Le parallèle entre la variole du XVIIIème siècle et notre Coronavirus est évident, tout comme le désir d’inoculation de la comtesse, référence explicite à la vaccination contre le Covid19, pour lutter contre la propagation du virus. Force nous est de constater que les épidémies sont un mal lointain, qui a toujours existé. Mettre en perspective la crise sanitaire que nous traversons avec ce qui a déjà eu lieu dans le passé permet de relativiser sur notre situation et de garder l’espoir d’en sortir, comme quelques siècles plus tôt.

Enfin, au delà du contexte historique et sanitaire, Sous ta peau, le feu est un roman engagé, notamment pour l’évolution des moeurs et de la condition de la femme. Dans un temps pas si lointain, certains métiers étaient interdits aux femmes – comme la médecine, brillamment illustré dans cette histoire. Aujourd’hui, l’évolution est quand même nette, bien que certains métiers restent encore inaccessibles ou peu fréquentées par les femmes. De même, Ange et son père s’en vont accoucher la femme d’un fermier, Bertram, dans leur domicile. Celle-ci reprendra le travail quelques jours seulement après avoir mis au monde leur petite fille Angèle. Aujourd’hui, le congé maternité est une révolution pour les femmes, qui peuvent se remettre de cette épreuve, souffler et profiter de leur progéniture nouvellement née. Les conditions changent et évoluent, bien qu’il reste encore du chemin à parcourir.

Je pense notamment aux moeurs de la société, qui n’évolue que faiblement. Pour exemple, la femme de Bertram semble être battue et soumise à son mari – les bleus sur son corps en sont la preuve concrète. Néanmoins, aucune plainte n’est faite, elle continue à vivre et à aimer son époux comme au premier jour. Une situation encore bien trop présente dans notre société actuelle. Enfin, l’homosexualité est un sujet longuement abordé dans ce récit, avec l’attirance foudroyante entre nos deux héroïnes, Ange et Esmée. Elles vivent leur amour honteusement cachées, ayant particulièrement peur de la réaction de leurs parents, du regard des autres et de toutes les répercussions négatives qui pourraient en découler. Car, dans le siècle dernier en France, et encore aujourd’hui dans certains pays du monde, l’homosexualité était gravement puni par la loi – peines d’emprisonnement ou pendaison.

J’ai été particulièrement touchée par la naissance de leur amour, qui devient instantanément fusionnel, intense, lumineux, dans un contexte noir, où la mort et la souffrance est quasiment omniprésente. J’ai également appréciée leur force de caractère, qui les pousse à braver les interdits pour se retrouver, à garder espoir en l’avenir, malgré toutes les zones d’ombres qui parsèment leur route. Ce sont deux femmes fortes, que j’admire énormément. Enfin, le docteur Rouvray, le père d’Ange, est lui aussi un homme fort, qui force le respect. Il voit au-delà des obligations imposées par la société, il aime et soutient sa fille dans tout ce qu’elle entreprend, même si ses actions ne sont pas conventionnelles aux yeux de la société – se déguiser en homme pour devenir médecin, aimer une personne du même sexe. Le docteur Rouvray a un grand coeur, c’est un homme ouvert d’esprit et bienveillant, comme on en rencontre que trop rarement.


Un roman historique et engagé, qui raconte la naissance d’un amour interdit entre deux femmes, sur fond noir, où la mort et la souffrance sont omniprésentes, dans un contexte de pandémie de variole nationale. C’est beau, poétique, touchant et lumineux. Je ne m’attendais pas à autant aimer !

Ma note : 8,5/10

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ISBN : 978-2-09-249038-9