Les Chroniques de l’Érable et du Cerisier, livre 2 : Le sabre des Sanada


Les Chroniques de l’Érable et du Cerisier, livre 2 : Le sabre des Sanada de Camille Monceaux
418 pages, éditions Gallimard jeunesse, à 20,50€


Résumé : Bouleversé par la disparition de Hiinahime, Ichirô, jeune samouraï, n’a qu’une seule idée en tête, retrouver l’assassin et venger la mort de son maître. Il souhaite également rendre le mystérieux sabre à un seigneur d’Osaka et ainsi exaucer le dernier souhait de Hiinahime. Pour cela, il intègre le clan Sanada.


Extraits« Accepte ce qui est, répétait-il. Ce que tu vois comme une infirmité n’en est pas une. Mon corps n’est plus celui du jeune homme que j’étais, ni celui que j’avais hier en m’endormant. La vie est constante transition. Il te faut suivre ce mouvement éternel du vivant ou mourir en te débattant. »

« On me répétait que la manipulation était l’arme la plus puissante de mon sexe, une arme que les hommes nous enviaient, qui ne nous serait jamais enlevée et que nous emporterions jusqu’à la tombe. Qu’être nées femmes était un destin, et notre plus grand pouvoir. »


Mon avis : L’année dernière, j’avais eu le plaisir de lire le premier tome de la nouvelle saga jeunesse de Camille Monceaux, Les Chroniques de l’Érable et du Cerisier, livre 1 : Le masque de Nô. Peu habituée aux romans d’aventures japonais, j’avais pourtant pris énormément de plaisir à suivre les aventures du jeune Ichirô, un orphelin, élevé par son maître dans la voie du Sabre, dans le but de devenir un véritable samouraï. Un an après, j’ouvre avec impatience le livre 2 : Le sabre de Sanada, pour retrouver ce personnage si attachant et suivre de nouveau ses aventures mouvementées.

Dans ce second tome, nous retrouvons Ichirô et son ami Shin, rencontré sur sa route. Ensemble, ils fuient la ville d’Edo, où Hiinahime, la belle d’Ichirô, est supposée morte. Le jeune garçon n’a qu’une idée en tête : se venger. Pour cela, il retourne dans la vallée qui l’a vue grandir, pour déterrer le sabre du maître, ultime outil de vengeance. Sur leur chemin, Ichirô et Shin vont rencontrer Seiren, une jeune ninja, qui va leur sauver la vie. Envoyée par Akemi-san pour les ramener sain et sauf à Kyoto, Seiren va pourtant suivre les deux garçons dans leur expédition jusqu’aux portes d’Osaka. Là-bas, la guerre se prépare. La joyeuse bande trouve refuge dans la forteresse gardée par le seigneur Yukimura, qui va les recueillir avec bienveillance, les protéger  du mieux qu’il le peut et former Ichirô au maniement du sabre, afin de devenir un vrai ninja… dans le but d’aider son armée à combattre le shogun.

Comme dans Le masque de Nô, Camille Monceaux nous immerge totalement dans un Japon féodal d’une grande crédibilité. Les samouraïs, les ninjas, les vendeurs de saké, les moines, les mendiants… tous prennent vie sous nos yeux émerveillés. Les aventures s’enchaînent avec un rythme effréné. Nous suivons, presque essoufflé, ces trois jeunes héros courageux et vaillants, dans leurs pérégrinations à travers le Japon. Ichirô, fidèle à lui-même, est un humble samouraï, honnête, courageux et téméraire, bienveillant et fidèle à ses amis, en particulier à Shin, qu’il protège comme sa propre vie. Shin, bon enfant, un peu tête en l’air, pas guerrier pour un sou, montre quand même courage et détermination aux côtés d’Ichirô. Enfin, Seiren, leur nouvelle alliée, ninja mystérieuse, au visage froid, qui cache ses émotions, mais se montre d’un courage sans égal et d’une fidélité sans nom. J’ai été ravie de découvrir ce personnage féminin, qui nous réserve, je le sens, bien des surprises pour la suite des aventures.

Même si certains passages s’étiraient en longueurs – je pense notamment au moment où ils ont été accueillis par le moine -, l’ensemble du récit est fluide et dynamique. L’auteure nous emmène en plein coeur d’une scène de bataille, où deux clans opposés s’attaquent pour défendre leurs terres, leurs maîtres et leurs valeurs. La violence est partout, brutale, sanglante, la tension est palpable, croissante, les décors sont minutieusement décrits, ce qui rajoute une dose de réalisme et de crédibilité supplémentaires à l’histoire.

Ce que j’aime avec les romans de Camille Monceaux, c’est qu’ils nous transportent dans un univers féerique, reculé, qu’ils nous enrichissent de connaissances historiques et qu’en plus, ils sont dotés de thématiques modernes, qui questionnent et poussent à la réflexion. Dans le premier tome, j’avais noté plusieurs thématiques polémiques, qui datent d’un temps reculé mais perdurent encore aujourd’hui : la prostitution, ainsi que la place de la femme dans la société. Dans ce second tome, l’homosexualité est abordé à plusieurs reprises à travers plusieurs personnages emblématiques dont je tairais les noms, pour vous laisser le plaisir de les découvrir. Souvent perçue comme une maladie, une hérésie, une honte, les mentalités n’ont guère évoluées pour certaines personnes du XXIème siècle, qui considèrent toujours l’homosexualité comme une différence inconcevable. Ainsi, ces parallèles entre l’ancienne époque et notre monde actuel prouve que de nombreuses évolutions sont encore à prévoir. J’ai beaucoup aimé ces petits messages qui poussent à la réflexion des lecteurs.

Enfin, mention spéciale à la maison d’édition, qui, comme pour le premier tome, a réalisé un remarquable travail de décoration de la tranche du livre : dès les rayonnages, il se démarque des autres par son originalité, bravo !


Un roman historique, sentimental, rempli d’aventures, à la hauteur du premier tome : un récit dynamique, une histoire particulièrement enrichissante, composée de héros attachants, qui nous entraînent dans leurs pérégrinations à travers le Japon moyenâgeux. J’ai adoré : vivement la suite !

Ma note : 8/10

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ISBN : 978-2-07-51202-8

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Les Chroniques de l’Érable et du Cerisier, livre 1 : Le masque de Nô


Les Chroniques de l’Érable et du Cerisier, livre 1 : Le masque de Nô de Camille Monceaux

411 pages, éditions Gallimard jeunesse


Résumé : Enfant abandonné, Ichirô est élévé comme un fils par un mystérieux samouraï qui lui enseigne la voie du sabre. Vivant reclus dans les montagnes, au cœur d’une nature sauvage, il grandit au rythme des saisons, entre une insouciance bienheureuse et un apprentissage qui exige persévérance et courage. Mais par une nuit terrible, Ichirô voit sa vie basculer. Il doit tourner le dos à son enfance pour affronter le monde et son destin.


Extraits : « Il y aura toujours des moments dans la vie où tu voudras baisser les bras, où le chemin te semblera trop difficile, où tu te demanderas si ça en vaut vraiment la peine. Mais n’oublie jamais que c’est à l’aune de ces difficultés que tu te construiras. »

« Le coeur est fait de plusieurs couches. Trouve celle qui, sous la souffrance, abrite l’ardeur. »


Mon avis : Alors qu’il n’est encore qu’un bébé, Ichirô est abandonné par sa famille et recueilli par un samouraï, qui l’élève comme son fils. Reclus dans les montagnes avec pour seule compagnie la vieille Oba, le maître enseigne les rudiments de la voie du sabre à Ichirô, ainsi que tous les outils nécessaires pour lui développer un esprit cultivé et intellectuel. Le maître le tient éloigné du village voisin, ainsi que de tout contact avec quiconque. Jusqu’au jour où Oba meurt de vieillesse, suivie quelques années plus tard par le maître, sauvagement assassiné sous les yeux d’Ichirô. Le garçon se retrouve livré à lui-même, et décide de prendre la route jusqu’à la ville d’Edo, pour se venger du samouraï qui a tué son maître. Mais la traversée est compliquée et la vie urbaine, qu’il ne connaît pas, difficile à apprivoiser. Heureusement, il fait la rencontre d’un poète sans le sou, Daichi, qui lui dégotte un travail avantageux dans un théâtre kabuki. Là-bas, Ichirô vivra des aventures étonnantes et fera des rencontres qui marqueront sa vie.

Camille Monceaux nous plonge dans un univers dépaysant à souhait, bien loin de la civilisation européenne que nous connaissons. Au XVIIème siècle, à Edo – ancien nom de la ville de Tokyo, actuelle capitale du Japon -, comme partout dans le pays, les traditions et coutumes sont nombreuses, l’état d’esprit, la mentalité des populations, la politique, la vie quotidienne en générale émerveille et fascine. J’ai adoré cette ballade culturelle, au coeur du Japon traditionnel du siècle dernier. On en apprend davantage sur le théâtre kabuki, forme théâtrale traditionnelle japonaise où les acteurs étaient abondamment maquillés, en comparaison avec le théâtre nô, dans les pièces desquelles ils arborent des masques somptueux.

Pour se payer des actrices à moindre coût, le directeur du théâtre kabuki allait puiser parmi les courtisanes des maisons closes. À cette époque, la prostitution était légale au Japon, les femmes étaient asservies par des proxénètes, qui dérobaient leurs gains sans vergogne, en échange du gîte et du couvert. Comme nous l’explique l’auteure, il existait une hiérarchie parmi les courtisanes : les actrices qui s’agitent sur la scène du théâtre kabuki où travaille Ichirô proviennent d’une maison close peu réputée, d’où leur faible coût d’exploitation. Mandatées par le directeur du théâtre, elles performent sur scène, avant de rejoindre les spectateurs masculins, enhardis par l’alcool, qui souhaitent poursuivre leur soirée en charmante compagnie. Chacune rêve de liberté, de grandeur, de respect de son propre corps, mais peu se résolvent à quitter ce confort douillé, par peur des représailles. Une situation d’esclavage intolérable et révoltante, qui existe encore aujourd’hui en France et ailleurs dans le monde, alors que la prostitution est devenue une pratique illégale. C’est un réel obstacle à la libération sexuelle, un produit de la domination masculine et une contrainte pour l’égalité des sexes. Depuis la période abordée dans ce livre, on constate avec bonheur que les mentalités ont évoluées, mais le chemin vers l’abolition totale de la prostitution reste long et semé d’embûches.

Camille Monceaux met également en lumière les samouraïs, ces figures guerrières emblématiques du Japon, qui fascinent autant qu’ils effraient. Dès son plus jeune âge, Ichirô est éduqué par son maître à se servir d’un sabre, dans la perspective où il aurait un jour à se battre. En ville, à Edo, le jeune homme cache son éducation guerrière, de peur des représailles. En effet, il fait face à de vrais samouraïs aux services de maîtres puissants, qui sont respectés et idolâtrés par l’ensemble de la population. Les samouraïs disposent du droit de vie et de mort sur toutes les personnes réfractaires à l’ordre établi : un coup de sabre et s’en ai finit des opportuns. Aujourd’hui, les samouraïs ont complément disparus du Japon, ils ne perdurent que dans les livres d’histoires, ainsi que dans certaines pratiques sportives, comme les arts martiaux, où on peut retrouver l’esprit et les caractéristiques de l’enseignement des samouraïs.

Pour en revenir aux aventures de notre jeune héros Ichirô, celles-ci sont passionnantes et très enrichissantes. L’auteure nous transporte dans une épopée historique et culturelle du Japon. Un voyage très enrichissant, dépaysant et fortement intéressant, qui met en lumière les spécificités du pays au XVIIème siècle. Le récit est rythmé, les actions s’enchaînent avec fluidité et rapidité, ne laissant aucun temps mort aux lecteurs. J’ai adoré cette ballade et attend avec impatience de découvrir la suite des aventures d’Ichirô et de ses amis ! Le cadre spatio-temporel est maintenant posé, les personnages bien développés, ancrés dans l’esprit des lecteurs : le deuxième tome s’annonce encore plus rythmé et passionnant. Je sens que l’action ne manquera pas !


camille monceaux nous embarque dans une épopée culturelle et historique du japon du xviième siècle, où Art théâtral et aventures excitantes s’entremêlent avec justesse dans un récit passionnant. Un premier tome fascinant, qui promet une suite épatante ! 

Ma note : 8/10

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ISBN : 978-2-07-512697-7