Huit battements d’ailes


Huit battements d’ailes de Laura Trompette
317 pages, éditions Charleston, à 18€


Résumé : Huit femmes. Huit destins. Une journée.

Elles sont huit Parmi elles, une conductrice de poids lourd sur les routes de France, la porte parole de la Maison Blanche, une prisonnière en Chine ou encore une orpheline en Inde. À priori, tout les sépare Et pourtant, en l’espace de 24 heures, ce 24 avril 2020 où le monde semble s’être mis à l’arrêt, leurs destins vont se rejoindre et leurs vies irrémédiablement se lier.


Extraits : « L’indifférence tue, elle l’a vu dans des campagnes de prévention. Chaque année, les féminicides continuent sans que les mentalités n’évoluent. »

« Toutes deux ont convenu que la peur, c’est souvent irrationnel. Il en va donc de même pour les comportements qui en découlent. L’humain craint ce qu’il ne connaît pas et ce qui ne lui ressemble pas. C’est comme ça. »


Mon avis : L’année dernière, j’avais lu La révérence de l’éléphant de Laura Trompette, un roman dépaysant, solaire, que j’avais particulièrement adoré. J’ai donc sauté sur son dernier livre : Huit battements d’ailes, un récit très différent du précédent.

Nous rencontrons huit femmes, aux quotidiens totalement disparates, qui vivent aux quatre coins du monde. Ce qui les lie ? La crise sanitaire, qui oblige à des mesures de protections strictes, dont le confinement. Dans ce cadre, ces huit femmes, infirmière, chauffeuse poids-lourds, artiste, grand-mère… vivent cette période compliquée avec beaucoup de difficultés. L’une est victime de violences conjugales, l’autre d’isolement, une autre de rejet… La pandémie touche l’ensemble de la planète, parfois dans des propensions que l’on était loin d’imaginer.

Huit battements d’ailes est un livre fort, qui trouvera encore plus échos parmi toutes les femmes du XXIème siècle qui ont vécues une situation similaire. On ne peut qu’être ému et compatir aux sorts de ces femmes, courageuses et combattantes, qui subissent les aléas du quotidien, accentués par la crise sanitaire inattendue et terrifiante. 

Le confinement a notamment eu pour conséquence l’intensification des violences conjugales et intrafamiliales pour les femmes déjà accompagnées et a généré de nombreuses nouvelles demandes d’accompagnement. C’est sans doute l’un des sujets les plus percutants de ce livre. En 2020, les appels entrants au 3919, le numéro d’aide aux femmes victimes de violences, ont augmenté de 70%, avec un pic lors des mois d’avril et mai, puis un second dès le début de la mise en place du couvre-feu, en octobre. Dans Huit battements d’ailes, une femme est victime de violences physiques et verbales par son compagnon alcoolique, qui a été obligé de fermer son commerce durant le confinement. Esseulée, solitaire, repliée sur elle, elle ne peut se défendre seule. Sa voisine, victime muette de l’enfer de cette femme, tente de contacter les services de police puis les associations d’accompagnement, afin de réussir à aider cette femme dans le besoin. Un combat difficile, où le temps est compté. En 2020, 125 personnes sont décédées suite à des violences conjugales, dont 102 femmes.

Dans un autre contexte, on peut retrouver une autre femme, courageuse et dynamique, elle casse les codes en exerçant le métier de chauffeuse poids-lourds. Encore en activité même en temps de confinement, elle retrouve un beau matin une passagère dans son camion, qui cherche à rejoindre clandestinement l’Espagne pour améliorer ses conditions de vie et tenter de retrouver sa famille. Une chaîne de solidarité féminine va se mettre en place, puisque la chauffeuse va contacter une association, gérée par une infirmière espagnole, professionnellement touchée par le COVID et la mort, qui va néanmoins accepter d’héberger la clandestine, malgré tous les dangers, sanitaires, sécuritaires et judiciaires, auxquels elle s’expose. Un bel acte de bravoure et de solidarité pour sauver une vie humaine.

Enfin, dans Huit battements d’ailes, on voyage également en Inde, dans un orphelinat où un petit garçon, enfin adopté par une chanteuse anglaise à la renommée mondiale, attend désespérément que ses parents viennent le chercher. Mais la procédure d’adoption est mise à l’arrêt en raison de la pandémie mondiale ; une manière de profiter plus longuement des derniers instants avec son amie, dont il ne veut pas être séparée. On part aussi en Italie, au balcon d’une vieille dame, isolée de sa famille, mais heureuse de partager chaque soir des moments de chants à la fenêtre de son balcon. Enfin, on finit notre voyage en Chine, où des ours, jusqu’alors enfermé dans des cages à titre d’expérimentation, vont être libérés pour retrouver une vie décente.

Autant de récits de vie qui s’entremêlent pour former une belle et émouvante histoire, qui nous emporte dans un tour du monde incroyable. Certaines histoires sont dures, autant à vivre qu’à lire, mais elles doivent permettre de nous faire prendre conscience du comportement de certaines personnes et de réfléchir à la façon dont nous pourrions intervenir dans des situations compliquées. Un roman intense et juste, qui dénonce et met en lumière des thématiques qui ont été accentuées avec la période du confinement.


Un récit composé de huit voix de femmes du monde entier, qui vivent le confinement de manière totalement différentes. Violences conjugales, maltraitance animale, droit des femmes… une histoire humaine aux multiples émotions, qui transmet de belles valeurs d’entraide et de solidarité.

Ma note : 8/10

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ISBN : 978-2-36812-728-5

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La révérence de l’éléphant


La révérence de l’éléphant de Laura Trompette
374 pages, éditions Charleston, à 19€


Résumé : « UN VOYAGE DÉPAYSANT EN TANZANIE
Tout le monde devrait mourir ainsi. Entourée d’amour, sous un ciel clément, dans un jardin, avec un petit singe qui traîne pas loin. Mourir au coeur de la vie, avec délicatesse. Éteindre la douleur au moment opportun. Avoir le choix, le contrôle de l’interrupteur. Marguerite est comme l’Eléphant de Tanzanie : dans son ehpad cannois, elle sent que son monde rétrécit. Elle veut tirer sa révérence, mais en France, ce choix ne lui appartient pas. Alors elle entend bien mourir ailleurs, dans la dignité. Avant cela, elle a une dernière tâche à accomplir : redonner goût à l’amour à Emmanuel. Son petit-fils, photographe animalier en Tanzanie, lui semble plus préoccupé par le sort des éléphants d’Afrique que par la solitude dans laquelle il s’est enfermé. La solitude, c’est aussi le lot de Roxanne, depuis qu’elle a abandonné sa carrière de joueuse de poker pour trouver un sens à sa vie. Son arrivée dans la maison de retraite de Marguerite va bousculer leur destin. A travers trois générations et deux continents, un roman qui aborde comme une valse à trois temps, le choix de mourir, la disparition des éléphants d’Afrique et la renaissance du sentiment amoureux. »

Laura Trompette écrit depuis son enfance, cumule 250.000 lectures sur Wattpad et a publié 7 romans. Elle a notamment écrit C’est toi le chat et Asphyxie


Extraits : « On dit souvent que la seule chose qui permet de se remettre d’un échec, c’est une victoire. »

« Pour lui, l’amour, c’est une évidence qui rapproche les chairs, lie les âmes et dessine des plans. L’amour, qu’il n’a pas éprouvé depuis une éternité dans son sens charnel, représente une forme d’absolu. Il ne mérite pas d’être confondu avec la praticité, la convenance ou la peur d’être seul. Ce serait trahir le souvenir de ce qu’il signifie vraiment. »


Mon avis : La révérence des éléphants est un récit en trois voix. Nous suivons d’abord Marguerite, vieille dame solitaire, habitante d’un ehpad dans le sud de la France. Après avoir vu mourir une grande partie de ses proches, Marguerite souhaite à son tour faire le chemin vers le bout du tunnel. Elle souhaite pouvoir choisir l’heure et le lieu de sa mort prochaine. Une idée qui ne réjouie pas son petit-fils Emmanuel, photographe animalier en Tanzanie. Sans femme ni enfant, sans mère, morte en couche, sans père, parti avant sa naissance, ne lui reste plus que sa grand-mère, Marguerite. Imaginer la vie sans elle le terrifie. À côté de ça, Emmanuel doit venir en aide aux populations rurales de Tanzanie et surtout, faire face aux sorts des éléphants d’Afrique, dévastés par le braconnage illégal et le commerce de l’ivoire. Enfin, troisième et dernière voix de l’histoire : Roxanne, une jeune femme dynamique, ancienne joueuse de poker, qui décide de donner de son temps, de son énergie et de son argent, à des causes qui lui tiennent à coeur. Après le décès d’Hélène, sa grand-mère, elle se rend à l’ehpad qui a abrité ses derniers jours et fait la rencontre de Marguerite, cette grand-mère de substitution au grand coeur.

C’est donc un récit transverse, qui laisse place à trois narrateurs bien différents, avec des valeurs communes : la générosité, la solidarité, le courage, la force d’esprit. On ressent beaucoup d’amour et de tendresse entre l’ensemble des personnages. Que ce soit l’amour familial qui unie Marguerite et Emmanuel, l’amitié entre Marguerite et Roxanne ou la relation spéciale qui lie Roxanne et Emmanuel, les sentiments sont pudiques, mais sincères et vrais. Ce sont trois bonnes personnes, très attachantes, qui ont chacune la main sur le coeur, beaucoup à donner et à transmettre.

En pleine période de crise sanitaire, cette dose de solidarité est vraiment agréable à lire. De même, privés de voyage, de liberté et d’évasion, les péripéties africaines d’Emmanuel m’ont comblées de joie. Ça a été un réel plaisir de l’accompagner dans le désert Tanzanien, à la poursuite des animaux sauvages, ou simplement dans des villages reculés d’Afrique, où les populations se contentent de peu de choses. C’est une vraie bouffée d’oxygène en ces temps d’asphyxie.

Les paysages sont grandioses et font rêver. Les parallèles entre le quotidien africain d’Emmanuel et la vie cannoise de Marguerite et Roxanne sont assez brutales, mais contribuent à dépayser totalement le lecteur en quelques pages à peine. Une téléportation éphémère, mais bienfaitrice. À ce que j’ai cru comprendre, Laura Trompette a eu la chance de pouvoir se rendre plusieurs fois dans ce magnifique pays ; cette dernière retranscrit avec délicatesse et sensibilité les somptueux paysages qu’elle a pu admirer lors de ses pérégrinations. Des descriptions qui collent donc au plus près de la réalité tanzanienne, pour mon plus grand plaisir. De quoi donner des idées de voyages aux plus aventureux, une fois cette dure crise sanitaire passée.

L’auteure en profite pour sensibiliser ses lecteurs à la surpopulation africaine (les populations ayant que peu de moyens de contraception), à leur manque de confort, d’accès à l’eau et plus que tout, à leur accès minime à l’éducation. Héloïse, l’une des protagonistes, oeuvre pour apporter connaissances, savoirs et matériaux essentiels à l’apprentissage scolaire des jeunes enfants africains.

Le braconnage est également abondamment mis en avant, que ce soit le commerce illégal d’ivoire, les populations d’éléphants menacés d’extension, ou toutes autres espèces d’animaux sauvages. Des pratiques dangereuses et interdites, qui dérèglent la nature et attentent à la survie des espèces sauvages.

Outre ce somptueux décor africain, l’auteur nous plonge en plein dans la triste réalité qui sévit au quotidien dans les ehpad français. Malgré toute la bonne volonté des aides-soignants, qui viennent aider et épauler quotidiennement les personnages âgées, ces établissements n’en restent pas moins des mouroirs pour vieux, qui attendent avec ennuie l’heure de leur mort. L’année dernière, j’ai lu Si belles en ce mouroir de Marie Laborde, un livre dur mais empreint de réalisme sur les conditions de vie des personnages âgées en ehpad et les difficultés sanitaires et sociales du personnel soignant. Une lecture qui peut venir approfondir cette thématique, devenue encore plus délicate avec la crise sanitaire actuelle.

L’auteure aborde avec simplicité et solennité le sujet du choix de la fin de sa vie, autrement dit, de l’euthanasie. Marguerite souhaite mourir, mais les lois françaises l’en empêchent. Ne lui reste que le choix du suicide. Une décision mûrement réfléchie, que beaucoup de comprennent pas. Mais Marguerite en est sûre : elle ne souhaite pas dépérir progressivement, mais veut une mort digne et belle. Une décision admirable, qui démontre le tempérament téméraire et la force d’esprit de notre protagoniste !


Une lecture dépaysante, rafraîchissante et solaire, qui nous fait voyager au coeur de la Tanzanie, aux côtés de trois protagonistes très attachants, tout en proposant un voyage intérieur intéressant et bienveillant. Une jolie découverte ! 

Ma note : 8,5/10

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ISBN : 978-2-36812-604-2