Dating fatigue de Judith Duportail
155 pages, éditions de l’Observatoire, à 18€
Résumé : Exploration des nouvelles pratiques amoureuses à l’ère du numérique 2.0. S’interrogeant sur la possibilité de nouer une relation stable, dans une époque caractérisée par une déconstruction du couple et une multiplication d’injonctions contradictoires, l’auteure mêle des analyses sociologiques à des réflexions personnelles afin d’analyser l’impensé des comportements affectifs contemporains.
Extraits : « Comment ne pas devenir tarée quand les injonctions contradictoires résonnent en stéréo dans notre tête, dans ce monde où il faudrait à la fois se faire respecter sans parler trop fort, être désirable sans faire salope, être intelligente sans être menaçante, être bonne vivante sans être grosse, être femme en ayant le corps d’une enfant. Comment font-ils pour ne pas devenir tarés, eux aussi. Quand il faut être rassurant sans être étouffant, fort mais accessible, ne pas juger les femmes sur le physique mais faire plus d’un mètre- quatre-vingts. »
« L’amour, c’est la chaleur et le miel dans le bas-ventre, le désir, le coeur, donc, qui bat entre les cuisses – et les deux en même temps, c’est le bonheur. »
Mon avis : Dating fatigue est un récit assez particulier que l’auteure nomme d’elle-même du « journalisme narratif ». C’est une sorte de stratégie pour intéresser le lecteur à une thématique cible, tout en y incorporant des éléments narratifs purement subjectifs, comme c’est le cas dans ce récit, avec des anecdotes vécues par Judith Duportail.
Après une première publication de journalisme narratif en 2019, L’amour sous algorithme, qui décortiquait l’univers de la célèbre application de rencontre Tinder, l’auteure revient sur les devants de la scène avec un récit analytique sur les effets psychologiques de l’amour post-Tinder du XXIème siècle. Un livre plus que jamais dans l’ère du temps, à l’heure où les couples se rencontrent et se forment virtuellement avant de vivre, partiellement ou non, une belle ou courte histoire. Avec pudeur et courage, l’auteure se met en scène personnellement et ouvre son intimité amoureuse à ses lecteurs. Elle se questionne longuement sur l’amour, les sentiments, sur les relations entre les hommes et les femmes, sur ce qui fait aujourd’hui un couple, sur la sexualité, et ce qui fait que la société d’aujourd’hui, ainsi que le regard des autres influencent notre vision et notre façon de nous comporter. Un récit criant de vérités, où je me suis reconnue à plusieurs reprises.
Comme ce n’est pas une autofiction, mais bien un livre qui a vocation à informer, Judith Duportail fait un remarquable travail en nous documentant sur des thématiques souvent méconnues, ou honteusement cachées. J’ai ainsi pu, entre autre, découvrir ce qu’était la demi-sexualité – une personne ressent une attirance envers une autre personne seulement après avoir bâti des liens émotionnels forts avec celle-ci -, un terme dont je n’avais pas aucunement connaissance, qui vient enrichir mon vocabulaire et ma culture personnelle. De même, sans vouloir s’enfoncer dans un carcan tout tracé, elle aborde l’ensemble des particularités sexuelles et amoureuses qui peuvent exister (pansexualité, hétérosexualité, homosexualité). J’ai beaucoup aimé l’ouverture d’esprit de la journaliste, son franc parler, sans langue de bois, son honnêteté et le courage dont elle fait preuve pour se mettre à nu devant un public d’inconnus (nous). En revanche, j’ai été moins réceptive aux anecdotes mentionnées, qui m’ont parues assez plates et inintéressantes. Elles sont vite lues et vite oubliées… heureusement que la thématique globale du récit est innovante, ce qui est en fait un livre passionnant, qui sort de l’ordinaire !
Un récit avant-gardiste de journalisme narratif, qui informe autant qu’il questionne sur le phénomène affectif contemporain de notre génération. Original et intéressant !
Ma note : 6/10
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ISBN : 979-10-329-1690-2