Le coeur cousu

Le coeur cousu de Carole Martinez
442 pages, éditions Folio

Résumé : « Ecoutez, mes sœurs ! Ecoutez cette rumeur qui emplit la nuit! Ecoutez… le bruit des mères! Des choses sacrées se murmurent dans l’ombre des cuisines. Au fond des vieilles casseroles, dans des odeurs d’épices, magie et recettes se côtoient. Les douleurs muettes de nos mères leur ont bâillonné le cœur. Leurs plaintes sont passées dans les soupes : larmes de lait, de sang, larmes épicées, saveurs salées, sucrées. Onctueuses larmes au palais des hommes!  »
Frasquita Carasco a dans son village du sud de l’Espagne une réputation de magicienne, ou de sorcière. Ses dons se transmettent aux vêtements qu’elle coud, aux objets qu’elle brode : les fleurs de tissu créées pour une robe de mariée sont tellement vivantes qu’elles faneront sous le regard jaloux des villageoises; un éventail reproduit avec une telle perfection les ailes d’un papillon qu’il s’envolera par la fenêtre: le cœur de soie qu’elle cache sous le vêtement de la Madone menée en procession semble palpiter miraculeusement…
Frasquita a été jouée et perdue par son mari lors d’un combat de coqs. Réprouvée par le village pour cet adultère, la voilà condamnée à l’errance à travers l’Andalousie que les révoltes paysannes mettent à feu et à sang, suivie de ses marmots eux aussi pourvus – ou accablés – de dons surnaturels…
Le roman fait alterner les passages lyriques et les anecdotes cocasses on cruelles. Le merveilleux ici n’est jamais forcé : il s’inscrit naturellement dans le cycle tragique de la vie.

Extraits : « La lâcheté, l’horreur, les tueries, les massacres ne m’étonnent pas. Seuls me surprennent ces moments héroïques où, dans un monde chaotique, un être par nature aussi imparfait que l’homme se laisse gagner par la pitié et l’amour. »
« Vous vivez hors de tout, repliés sur vous-mêmes, et aucun de chez vous n’a le courage de partir courir le monde. »

Mon avis : Ce roman, déjà hautemant plébiscité par les critiques – il a quand même reçu pas moins de sept prix littéraires -, m’a beaucoup intriguée. Que cachait cette couverture aux traits hispanophones très marqués ? Eh bien j’ai été très surprise par l’histoire que j’ai découverte.

L’histoire se déroule dans un cadre typiquement espagnol, avec l’architecture de petits villages d’Espagne, des traditions typiquement hispanophones, comme la magie, qui survole l’intégralité du récit. Dans la famille de Frasquita, une tradition ancestrale se propage de mères en filles : un coffre est donnée par la mère à la fille, qui doit le garder fermé pendant neuf mois, sans se laisser aller à sa curiosité. Durant ces neuf mois, des trésors prennent vie dans la boître : tout un attirail de fils de couture pour Frasquita, jeune femme douée de ses mains, qui ne tardera pas à se faire repérer dans tout le pays pour ses talents de couturière.

Le coeur cousu est un recueil d’histoires poétiques, où se mêle un brin de magie fantastique, qui donne toute sa splendeur au récit. Carole Martinez est dotée d’un style d’écriture hors du commun, presque irréel, qui entraîne le lecteur dans des histoires banales qu’elle magnifie à l’infini.

Mais c’est avant tout une ode à la femme que l’auteure met en place dans son roman. De la sage-femme accoucheuse, à la mère dévouée, en passant par les jeunes soeurs aimantes, les personnages féminins sont montrés dans des situations tout particulièrement prodigieuses. J’ai en tête la jeune Martirio sauvant sa jeune soeur Clara de la mort, ou Frasquita, qui guérit miraculeusement Salvador en le recousant.
Alors que les hommes sont rabaissés, ramenés au rang d’idiots (comme le père qui fait perdre toute la fortune et l’honneur de la famille), ou de riches rentiers à l’antithèse de Frasquita, jeune travailleuse endurcie.

Du mystère, beaucoup de magie et de poésie qui entourent l’épopée romanesque de Frasquita et toute sa petite famille. J’ai été très surprise par l’histoire découverte, mais largement satisfaite par l’incroyable puissance narrative de Carole Martinez. Une auteure que j’ai bien envie de redécouvrir…

Ma note : 8/10
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