Canada


Canada de Richard Ford
499 pages, éditions Points, à 8,30€


Résumé : « D’abord, je vais vous raconter le hold-up que nos parents ont : Commis. Ensuite les meurtres, qui se sont produits plus tard. »
Great Falls, Montana, 1960. Dell Parsons a 15 ans lorsque ses parents braquent une banque, avec le fol espoir de rembourser un créancier menaçant. Mais le hold-up échoue, les parents sont arrêtés. Del doit choisir entre la fuite et l’orphelinat. Il traverse la frontière et trouve refuge dans un village du Saskatchewan, au Canada. Arthur Remlinger, le propriétaire d’un petit hôtel, le prend alors à son service. Charismatique, mystérieux, Remlinger est aussi recherché aux États-Unis. C’est la fin de l’innocence pour Dell. Dans l’ombre de Remlinger, au sein d’une nature sauvage et d’hommes pour qui seule compte la force brutale, il cherche Son propre chemin. Canada est le récit de ces années qui l’ont marqué à jamais.


Extraits : « Je l’ai expliqué bien des fois, ce poème, dans ma vie de professeur, et je me dis que c’est ainsi qu’elle voyait les choses : imparfaites, et pourtant vivables. Changer de vie, changer la vie, ça aurait été faire injure à la vie, et à soi-même – trop radical. »

« Quand on se met à réfléchir aux raisons qui peuvent pousser deux êtres raisonnablement intelligents à dévaliser une banque et à rester ensemble après que l’amour s’est délité, évaporé, on trouve toujours des raisons de ce genre, des raisons qui, rétrospectivement, ne tiennent pas debout, et doivent s’inventer. »


Mon avis : Dell et sa sœur jumelle Berner, vivent un quotidien d’adolescents tout ce qu’il y a de plus banal. Ils habitent un quartier modeste de Great Falls, Montana, aux États-Unis, aux côtés de leurs parents, Neeva, institutrice et Bev, militaire retraité. Rien ne prédestinait cette famille d’apparence tranquille à connaître un bouleversement conséquent. Et pourtant… miné par des problèmes d’argent suite à une transaction illégale opérée entre Bev et des gens peu scrupuleux, ce dernier a l’idée saugrenue de rembourser ses dettes en braquant une banque. Il demande à sa femme de l’aider dans cette entreprise peu commune. Malgré un mariage bancal et des sentiments depuis longtemps étiolés, Neeva accepte d’épauler son mari dans cette tâche hasardeuse. Leur braquage n’est qu’un modeste succès : ils dérobent seulement 2000 dollars, mais arrivent à passer entre les mailles de la sécurité et à rentrer paisiblement chez eux retrouver leurs enfants. Néanmoins, les jours suivants, des hommes les suivent à la trace. Ils se font finalement arrêter, sous les yeux ébahis et interrogateurs de Dell et Berner. Avant d’être embarquée par les policiers, Neeva avait planifiée la fuite de ses enfants en lieu sûr, pour éviter qu’ils ne se retrouvent aux mains des services sociaux. Pour eux, une nouvelle vie va commencer : direction le Canada !

Le Canada, deuxième plus grand pays du monde en superficie, autant admiré pour ses magnifiques paysages que redouté pour ses hivers très froids. Dell et Berner vont avoir l’opportunité et/ou l’inconvénient de recommencer leur vie du début, loin des racontars qu’ils entendent. Nouveau pays, nouvelles coutumes et traditions, nouveaux repères, nouvelles connaissances… la chose n’est pas aisée, d’autant qu’ils doivent en même temps se reconstruire psychologiquement suite au choc brutal vécu par l’arrestation de leurs parents. Comment se remettre de ces changements ? Quand et comment retrouver le bonheur ? 

Là-bas, ils sont attendus par Arthur Remlinger, un personnage énigmatique et mystérieux, froid et distant, qui ne laisse rien transparaître de ses émotions ou de son histoire personnelle. A la tête d’un hôtel, il semblerait qu’Arthur ait fuit l’Amérique pour se cacher au fin fond d’une bourgade du Canada, où il s’ennuie terriblement. Quels sombres secrets cache-t-il ? Ce personnage, que je n’ai pas compris, ne va absolument pas aider à la reconstruction et à l’apaisement. Je peux faire le même constat pour notre protagoniste Dell, que j’ai trouvé totalement effacé. Il se laisse balloter sans jamais se rebeller, acceptant sa pauvre condition sans chercher à l’améliorer. Dell m’a fait beaucoup de peine, tout en m’agaçant terriblement.

L’histoire est sympathique, le voyage immersif intéressant, mais ça s’étire quand même un peu trop en longueurs. Il ne se passe quasiment rien durant l’intégralité du récit : pas d’action à proprement parler, uniquement des scènes de vie, des réflexions psychologiques et autres interrogations, des descriptifs très précis des lieux ou des émotions traversées par Dell, notre narrateur. Le rythme est lent, monotone, certains passages sont inutiles et ajoutent seulement de la lourdeur au récit. Les descriptifs des paysages américains puis canadiens sont bien développés et permettent une immersion facilitée dans ces deux pays si lointains pour moi. On se retrouve facilement dans les années 60, entouré de paysages désertiques, on ressent la moiteur, la désertification, la sensation de solitude face aux grands espaces. Je pense que c’est l’une des raisons qui ont permis à Canada de recevoir le prix Femina du roman étranger en 2013. Je ne remets pas en cause la décision des jurées (puisque le prix est remis par un comité de femmes), mais je pense que bien d’autres romans étrangers auraient été plus à même de recevoir ce prix.


Une narration lente, monotone, parfois répétitive, qui nous raconte pourtant des scènes de vie extraordinaires dans un style peu exceptionnel. Un roman réflexif, intéressant, qu’il faut sans doute prendre le temps de savourer, mais que j’oublierais bien assez vite. 

Ma note : 5,5/10

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ISBN : 978-2-7578-4524-0
Traduction : Josée Kamoun

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