Cette histoire-là


Cette histoire-là de Alessandro Baricco
317 pages, éditions Gallimard


Résumé : Ultimo Parri est un jeune homme qui vieillit en s’efforçant de remettre de l’ordre dans le monde.
Il a cinq ans lorsqu’il voit sa première automobile, l’année de la course mythique Versailles-Madrid de 1903, dix-neuf le jour de la grande défaite de Caporetto en 1917, vingt-cinq lorsqu’il rencontre la femme de sa vie, et beaucoup plus le soir où il meurt, loin de sa campagne piémontaise natale.
Cette histoire-là est son histoire, qui nous emporte dans une course effrénée à travers le vingtième siècle, à laquelle l’écriture brillante et habile d’Alessandro Baricco confère une formidable vivacité, pour en faire une de ses plus belles réussites.


Extraits : « Elle me dit : Si tu aimes quelqu’un qui t’aime, ne démolis jamais ses rêves. »

« Il expliqua que personne ne doit jamais penser qu’il est seul, car en chacun de nous vit le sang de ceux qui nous ont engendrés, et cette chose-là remonte jusqu’à la nuit des temps. Ainsi nous ne sommes que le méandre d’un fleuve, qui vient de loin et continuera après nous. »


Mon avis : Alessandro Barrico est un auteur italien de renom, dont j’apprécie particulièrement l’originalité de la plume et le style poétique très particulier des histoires contées. Sans surprise, Cette histoire-là sort aussi du lot. C’est une histoire d’automobiles, de guerre et d’amour. C’est l’histoire d’Ultimo Parri, un petit garçon italien de cinq qui voit pour la première fois de sa vie une voiture. Emerveillé, embarqué par son père dans des courses folles, il rêve alors de bâtir son propre circuit automobile. Malheureusement, il est vite rattrapé par la première guerre mondiale. Enrôlé de force pour combattre lors de la bataille de Caporetto en 1917, il risque de perdre la vie plus d’une fois. Sorti sain et sauf, il quitte son Italie natale pour émigrer aux États-Unis, où il fait la rencontre d’Elizaveta, une russe, professeure de pianos, dont il tombe éperdument amoureux. Hélas, cette histoire d’amour n’étant pas réciproque, Ultimo disparaît, pour ne plus jamais donner signe de vie.

Cette histoire-là est bâtie en trois parties distinctes, qui racontent chacune une période de la vie d’Ultimo : l’enfance et sa passion naissante pour les voitures, son arrivée dans la vie adulte propulsé dans la guerre, puis son passage dans la vie d’adulte émigré dans un autre pays, loin de ses repères. La narration est originale, avec plusieurs narrateurs qui se succèdent pour raconter un bout d’histoire, parfois sans vraiment bien que l’on comprenne qui se trouve aux manettes. Le style est également particulier, ponctué de phrases incomplètes, de blancs, de paragraphes manquants… mais le tout reste gracieux et poétique : du Barrico tout craché !

Il n’y a aucun message particulier à discerner derrière ces mots. Ce n’est qu’un chemin de vie qui se dessine sous nos yeux, un garçon qui devient adolescent puis homme, avant de disparaître. C’est un roman que j’ai trouvé assez complexe, non pas dans la compréhension même du texte, mais plutôt dans l’analyse des personnages, dans l’absorption des émotions.

Ultimo, notre héros, tout comme Elizaveta, qui apparaît longuement dans la dernière partie, sont assez énigmatiques : ils ne laissent rien transparaître de leurs émotions ou de leurs pensées. On ne ressent pas d’attachement particulier envers ces deux personnages, sans doute parce qu’ils nous paraissent distants, un peu froids. On a du mal à comprendre leurs agissements, à clairement voir ce qu’ils ressentent et où ils veulent aller. Cela n’empêche en rien d’apprécier l’histoire et cet aura si particulier qui entoure nos héros.


Un roman poétique qui met en scène deux personnages complexes, qui évoluent et grandissent au début du XXème siècle, entre la naissance de l’automobile et la première guerre mondiale. Des chemins de vie que l’on suit avec volupté et passion. J’étais déjà une adepte d’Alessandro Baricco et je confirme son talent de conteur : j’ai beaucoup aimé. 

Ma note : 8/10

Pour lire plus d’avis

 

ISBN : 978-2-07-078150-8
Traduction : Françoise Brun

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Sans sang


Sans sang de Alessandro Baricco

121 pages, éditions Folio


Résumé : «Dans la campagne, la vieille ferme de Mato Rujo demeurait aveugle, sculptée en noir contre la lumière du crépuscule. Seule tache dans le profil évidé de la plaine.
Les quatre hommes arrivèrent dans une vieille Mercedes. La route était sèche et creusée – pauvre route de campagne. De la ferme, Manuel Roca les vit.
Il s’approcha de la fenêtre. D’abord il vit la colonne de poussière s’élever au-dessus de la ligne des maïs. Puis il entendit le bruit du moteur. Plus personne n’avait de voiture, dans le coin. Manuel Roca le savait. Il vit la Mercedes apparaître au loin puis se perdre derrière une rangée de chênes. Ensuite, il ne regarda plus.
Il revint vers la table et mit la main sur la tête de sa fille. Lève-toi, lui dit-il. Il prit une clé dans sa poche, la posa sur la table et fit un signe de tête à son fils. Tout de suite, dit son fils. C’étaient des enfants, deux enfants.»


Extraits « Mais rien n’arriva, parce qu’il manque toujours quelque chose à la vie pour être parfaite. »

« – Qu’est-ce que ça veut dire un monde meilleur ?
– Un monde juste, où les faibles ne doivent pas souffrir à cause de la méchanceté des autres, où n’importe qui peut avoir droit au bonheur. »


Mon avisLa couverture et le titre de Sans sang offrent une image assez claire de ce qui se trouve à l’intérieur du livre : des scènes de guerres, beaucoup de violences, des meurtres et des litres de sangs. Une petite fille voit son père mourir devant ses yeux. Son meurtrier, qui pourtant a tué de mains nues, se laisse émouvoir par les yeux innocents de cette petite fille. Bien des années plus tard, ils se retrouvent, et discutent de ce temps passé et de cet acte meurtrier. Arriveront-ils à oublier ?

Sans sang est un roman empli de dualités : la vie et la mort, la tristesse et la joie, le pardon et la vengeance, viennent rythmer le fil de l’histoire. De nombreux questionnements sur la guerre viennent se superposer au récit : comment se repentir après avoir commis des actes cruels, comment oublier ou continuer à vivre après avoir commis le pire ?

J’ai été assez horrifié par certaines scènes sanglantes de l’histoire, que j’ai trouvé crues, comme posé au milieu du livre sans finalité précise. C’est un peu le ressenti global que j’aie de cette histoire : une narration cruelle, sans filtre, mais qui ne laisse pas percevoir avec limpidité les tenants et aboutissants de cette narration dramatique.

Je suis donc déçue de cette histoire. Il faut dire que Alessandro Barrico m’a habitué à mieux, notamment à travers Novecento : pianiste, qui raconte l’histoire d’un jeune garçon, qui est né et a vécu toute sa vie sur un bateau. C’est un roman très émouvant, dont je me souviens encore des années après. Je vous recommande donc fortement de lire Novecento : pianiste ou même Soie, qui racontent des histoires aussi surprenantes, mais bien plus fines et travaillées que celle narrée dans Sans sang.


Alessandro Baricco est un auteur italien à la plume acérée, qui divise souvent les foules : soit on adhère, soit on déteste. Je n’ai pas aimé ce livre, que je juge trop cru et ambigu, mais je vous encourage à découvrir les autres oeuvres de l’auteur. 

Ma note : 3,5/10

 

Soie

dbc
Soie d’Alessandro Baricco.
142 pages, éditions Folio
Résumé : Au début, Hervé Joncour fait penser à un spectateur repu qui se refuserait à intervenir dans la pièce qui se joue, et qui pourtant parle de lui. Voyageur en quête d’oeufs de vers à soie, il se voit contraint, pour sauver les industriels de son village, d’effectuer une expédition « jusqu’au bout du monde ». Or, en 1861, la fin du monde, c’est un Japon qui sort à peine de son isolationnisme, et, qui plus est, de mauvaise grâce. Et c’est au Japon que la vie du héros prend un tour nouveau en croisant celle d’une femme mystérieuse.
Extraits : « Mourir de nostalgie pour quelque chose que tu ne vivras
jamais.« 

Mon avis : C’est avec une grande impatience et beaucoup d’envie que j’ouvre ce roman, pour découvrir, une seconde fois, l’écriture qui m’avait tant plût dans Novecento : pianiste. J’avais beaucoup misé sur cet auteur, et j’attendais de retrouver tout le mystère que j’avais décelé dans le livre cité précédemment. Et bien, il faut dire que je ne suis pas déçu, et qu’Alessandro Baricco a complètement convenu à mes attentes, bravo et merci !

De primes abords, ce qui frappe le lecteur dans les premières pages qu’il feuillette, c’est le peu de pages que contiennent chaque chapitres. Ça peut être un inconvénient, comme dans Une planète dans la tête écrit par Sally Gardner, où l’auteure n’apporte rien de plus à l’histoire, hors, ici, Alessandro Baricco tourne ce court nombre de lignes en atouts. On a l’impression que l’histoire est très rapidement, comme si le récit racontait était trop douloureux pour en décrire les moindres gestes. Le peu de pages que contient ce roman accentue cette idée de rapidité et de précipitation, desquels seul cet auteur a le secret.

Ce que j’adore plus précisément dans le style d’écriture de cet homme, c’est sa fidélité à sa personnalité. Beaucoup n’aiment pas le caractère cinglant, presque sans coeur avec lequel il déroule son histoire. Mais au contraire, c’est le cachet d’Alessandro Baricco, sa signature, le côté mystérieux qui doit le plus intriguer le lecteur.
Dans un même temps, son protagoniste reste identique à celui de Novecento : pianiste, et ne laisse rien transparaître. Le peu de dialogue présent dans le bouquin, retire un peu de plus normalité au personnage principal. Il ne parle pas, on n’a aucune idée de ce qu’il ressent réellement, il reste un espèce de paria (comme dans Novecento : pianiste, je le répète), un homme à part entière, singulier et unique en son genre. Il s’en fiche des codes et des coutumes, il vit sa vie simplement comme il l’entend, sans se soucier du lendemain. Et c’est ça, la vrai beauté de l’art d’Alessandro Barrico ; pour nous faire ressentir de tels choses, il faut avoir un sacré don, et une sacré maîtrise…!

Cet auteur est, et restera hors norme. Sa façon d’écrire est si originale, que personne ne peut arriver à le reproduire. Il a également beaucoup d’imagination, comme nous le montre ce roman-ci, et Novecento : pianiste. Il aborde de drôles de thèmes, que peu de gens auraient l’idée d’aborder.

Comme dans chaque dénouements d’Alessandro Baricco, il nous laisse avec une fin éphémère, en ne répondant qu’en partie aux interrogations que chaque lecteurs s’est posé au fil de sa lecture. Libre aux lecteurs d’imaginer la réelle fin de son histoire.

En tout cas, chaque livre de cet auteur est un pur délice ! Je sais que le peu de pages de ces romans font le charme de sa personnalité, mais j’aurais, à chaque fois, grandement apprécié continuer encore et encore à découvrir plus amplement la continuité de ses récits. Cet auteur se lit trop vite, ses histoires sont de réels coups de poings, et les personnages intriguent à tout les coups, quoiqu’ils fassent.
Une autre facette d’Alessandro Baricco, c’est sa manière de nous faire voyager. Dans les deux romans que j’ai pu lire de lui, il nous emmène à chaque fois dans des contrées lointaines et reculées, où la vie semble autant magique qu’horrifiante. Il nous fait découvrir de nouveaux horizons, qui ont l’air, à le lire, sorties de nulle part, descendues du ciel, à la limite de l’imaginaire. J’en redemande encore…

Si vous n’avez jamais lu de roman de cet auteur, je vous le conseille amplement . Il se classe dorénavant dans la liste de mes auteurs favoris. C’est avec un énorme plaisir que j’aimerais continuer à découvrir plus en profondeur ses superbes oeuvres.

Ce roman a été adapté au cinéma, mais en regardant la bande-annonce, je n’ai pas retrouvé la magie et le mystère tant recherchés chez Alessandro Barrico. Je ne pense donc pas regarder ce film, même s’il reste, sans doute, très fidèle au roman.

Ma note : 8/10

Novecento : pianiste

dbc
Novecento : pianiste
de Alessandro Baricco.
87 pages, éditions Folio à 7,84€

 

Résumé : Né lors d’une traversée, Novecento, à trente ans, n’a jamais mis le pied à terre. Naviguant sans répit sur l’Atlantique, il passe sa vie les mains posées sur les quatre-vingt-huit touches noires et blanches d’un piano, à composer une musique étrange et magnifique, qui n’appartient qu’à lui: la musique de l’Océan dont l’écho se répand dans tous les ports.

Extraits : « Et il savait lire. Pas les livre, ça tout le monde peut, lui, ce qu’il savait lire, c’était les gens. »
« Les souvenirs, c’est tout ce qu’il te reste quelquefois, pour sauver ta peau, quand t’as plus rien. C’est un truc de pauvre, mais ça marche toujours.« 
Mon avis : Novecento : pianiste, est un monologue, qui a également été interprété dans un spectacle. Ce livre se lit d’une traite, il est facile et agréable à la lecture.
Dans ce roman, Novecento, personnage très mystérieux, troublant et hors du commun, nous conte son amour pour le piano, mais également pour l’Océan, où il a passé toute sa vie à jouer.
Plaisant et sympathique à lire, j’ai été transporté au milieu de l’Océan avec comme musique de fond, la mélodie du piano que le grand Novecento jouait à longueur de temps. Très bon livre, j’aurais néanmoins volontiers voulue en découvrir un peu plus sur la personnalité de Novecento, qui est resté un peu voilée toute la durée de l’histoire.

 

Ma note : 8/10