Concerto à la mémoire d’un ange de Eric-Emmanuel Schmitt
216 pages, éditions Le Livre de Poche, à 6,60€
Résumé : Quel rapport entre une femme qui empoisonne ses maris successifs et un président de la République amoureux ? Quel lien entre un simple marin honnête et un escroc international vendant des bondieuseries usinées en Chine ? Par quel miracle, une image de sainte Rita, patronne des causes désespérées, devient-elle le guide mystérieux de leurs existences ? Tous ces héros ont eu la possibilité de se racheter, de préférer la lumière à l’ombre. À chacun, un jour, la rédemption a été offerte. Certains l’ont reçue, d’autres l’ont refusée, quelques uns ne se sont aperçus de rien.
Quatre histoires liées entre elles. Quatre histoires qui traversent l’ordinaire et l’extraordinaire de toute vie. Quatre histoires qui creusent cette question : sommes-nous libres ou subissons nous un destin ? Pouvons-nous changer ?
Suivi du journal tenu par Eric-Emmanuel Schmitt durant l’écriture. Ce livre a obtenu le Goncourt de la Nouvelle 2010.
Extraits : « Dans l’opinion de Greg, l’amour était un devoir ou un dû. Puisqu’il se sacrifiait pour ses filles, elles lui devaient de l’affection. Et lui, sa fidélité de père, il l’exprimait par son labeur acharné. Il n’aurait pas soupçonné que l’amour pût consister en des sourires, des caresses, de la tendresse, des rires, de la présence, des jeux, du temps offert et partagé. Il avait toutes les raisons, à ses yeux, de s’estimer un bon père. »
« Le sacrifice est la mesure de tout amour.
Mon avis : Eric-Emmanuel Schmitt est un auteur que j’admire particulièrement. Il a le pouvoir de se réinventer en permanence, jonglant allègrement entre contes poétiques, romans chorales ou philosophiques, puis recueils de nouvelles, afin de nous offrir des histoires inspirantes, qui nous transportent et nous font réfléchir.
Concerto à la mémoire d’un ange, c’est quatre histoires distinctes, qui contiennent néanmoins maintes similitudes. La première nous présente Marie, soupçonnée d’avoir empoisonnée ses maris puis finalement acquittée, elle se repent à l’église du village. Jusqu’au jour où elle s’éprend du nouveau jeune prêtre, à qui elle rend visite quotidiennement afin de se confesser sur ses crimes odieux. Deux opposés qui se lient : l’odieuse criminelle fricote avec le pieux curé.
La seconde nouvelle nous présente un matelot, Greg, mari et père de quatre filles, qui vit éloigné de sa famille en raison de sa situation professionnelle. Lorsqu’en pleine mer, il reçoit un télégramme lui annonçant la mort d’une de ses filles, Greg se met à imaginer laquelle est décédée. C’est lorsque survient les moments les plus noirs que l’on prend conscience de certaines choses.
La troisième nouvelle, qui a donné son nom à l’ouvrage, met en scène Axel et Chris, deux virtuoses du piano et du violon. Mais leurs caractères sont divergents : l’un est généreux, sympathique et souriant, tandis que l’autre est mesquin, jaloux et compétitif. Lorsqu’un grave accident se produit, Axel frôle la mort à cause de Chris et se retrouve handicapé à vie. Un épisode douloureux, qui changera à jamais nos deux protagonistes.
Enfin, la quatrième et dernière nouvelle se passe à l’Élysée. La femme du président se rend compte qu’elle exècre son mari, infidèle, déloyal, ne reculant devant rien pour assouvir ses désirs de pouvoir. Le couple se déchire, jusqu’à ce que la dame tombe gravement malade. Le dénouement est alors inattendu.
La construction des nouvelles est quasiment identiques : un événement inattendu se déroule en début d’histoire, puis un second retournement de situation survient lors du dénouement final. On retrouve également plusieurs thématiques qui se recoupent dans chacune : le bien et le mal, la folie et la raison, le drôle et le triste se côtoient et parfois s’entremêlent puis s’échangent. L’amour fraternel, passionnel ou familial est lui aussi questionné, mis en péril, sous-entendu, mais il triomphe toujours. La religion est aussi fortement présente, avec la référence constante à Sainte Rita, reconnue comme la sainte de l’impossible et des cas désespérés, ce que semblent être l’ensemble de nos personnages. À travers Sainte Rita, se pose enfin la question du changement et de la rédemption : pouvons-nous changer notre façon d’être, de réfléchir et d’agir, se racheter pour les crimes odieux, les actes irréfléchis et les vulgaires paroles émises ? Chacun des personnages va se retrouver face à ce choix cornélien, chacun à sa manière, ils vont amorcer un changement dans leur quotidien, pour le meilleur ou pour le pire.
Peu adepte des nouvelles, je dois l’avouer, j’ai pourtant grandement appréciée celle-ci. Il faut dire qu’il y a plusieurs fils conducteurs, que l’on retrouve d’une nouvelle à l’autre. Après avoir compris comment l’auteur structurait ses histoires, on se prend même à imaginer quel dénouement il nous réserve pour les prochaines… mais impossible d’égaler la créativité d’Eric-Emmanuel Schmitt, qui nous offre des retournements de situation grandioses, totalement inattendus et surprenants.
Enfin, Eric-Emmanuel Schmitt nous propose dans une dernière partie d’ouvrage un petit « journal d’écriture », dans lequel il a consigné toutes ses réflexions durant l’élaboration de Concerto à la mémoire d’un ange. On en apprend plus sur ce qui l’a inspiré, ce qu’il a voulu exprimer, la raison pour laquelle il a choisi la nouvelle pour ces histoires. Des pages intéressantes, qui nous font entrer dans l’intimité de l’auteur et mieux comprendre la structure de son livre.
Quatre nouvelles étonnantes, bien construites, avec des thématiques concordantes, qui amènent à la réflexion. Eric-Emmanuel Schmitt est un auteur surprenant, que je ne peux que vous conseiller.
Ma note : 7,5/10
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ISBN : 978-2-253-16030-4
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