Le rapport de Brodeck de Philippe Claudel
374 pages, éditions Le Livre de Poche, à 6,95€
Résumé : Je m’appelle Brodeck et je n’y suis pour rien. Je tiens à le dire. Il faut que tout le monde le sache.
Moi je n’ai rien fait, et lorsque j’ai su ce qui venait de se passer, j’aurais aimé ne jamais en parler, ligoter ma mémoire, la tenir bien serrée dans ses liens de façon à ce qu’elle demeure tranquille comme une fouine dans une nasse de fer.
Mais les autres m’ont forcé : « Toi, tu sais écrire, m’ont-ils dit, tu as fait des études. » J’ai répondu que c’étaient de toutes petites études, des études même pas terminées d’ailleurs, et qui ne m’ont pas laissé un grand souvenir. Ils n’ont rien voulu savoir : « Tu sais écrire, tu sais les mots, et comment on les utilise, et comment aussi ils peuvent dire les choses. Ça suffira. Nous on ne sait pas faire cela. On s’embrouillerait, mais toi, tu diras, et alors ils te croiront. »
Extraits : « -On ne se rend jamais trop compte combien le cours d’une vie peut dépendre de choses insignifiantes, un morceau de beurre, un sentier que l’on délaisse au profit d’un autre, une ombre que l’on suit ou que l’on fuit, un merle que l’on choisit de tuer avec un peu de plomb, ou bien d’épargner. »
« C’est très curieux la sainteté. Lorsqu’on la rencontre, on la prend souvent pour autre chose, pour tout autre chose, de l’indifférence, de la moquerie, de la conspiration, de la froideur ou de l’insolence, du mépris peut-être. On se trompe, et alors on s’emporte. On commet le pire. C’est sans doute pour cela que les saints finissent toujours en martyrs. »
Mon avis : Le rapport de Brodeck est un roman français écrit par Philippe Claudel, qui a été félicité pour son oeuvre par le Prix Goncourt des lycéens, qu’il reçoit la même année que la sortie de son livre, en 2007.
C’est une histoire assez complexe que nous livre l’auteur. Brodeck, le personnage principal, est un antihéros, dans le sens c’est être ordinaire, éloigné du héros traditionnel, loin des valeurs et qualités qui peuvent les désigner. Brodeck, c’est un homme qu’on a beaucoup de mal à cerner. Il est calme, mystérieux, trop docile, très souvent effacé.
Ce livre nous plonge dans les affres de la seconde guerre Mondiale et en particulier, en plein camp de concentration. C’est dans l’un d’entre eux que se retrouve Brodeck, considéré comme un Anderer (c’est-à-dire « l’Autre », un étranger), il va côtoyer quotidiennement la mort, souffrir de malnutrition et connaître l’humiliation. Surnommé Chien Brodeck, c’est comme tel qu’il doit maintenant agir, perdant toute trace d’humanité. Revenu vivant de ce camp par un miracle incertain, Brodeck avoue sans honte que son avilissement lui aura sauvé la vie.
De retour dans son village d’accueil, auprès de sa femme, de son enfant et de sa fidèle servante, qu’il considère comme sa grand-mère, Brodeck retrouve aussi l’ensemble des habitants du bourg, qui ne pensaient pas le revoir un jour vivant. Le monument au mort était d’ailleurs affublé de son nom. Passé l’étonnement, sa vie reprend le cours normal des choses, jusqu’au jour où, l’étranger qui se faisait accueillir par les villageois est subitement assassiné. Brodeck, ancien étudiant parisien, l’un des seuls hommes sachant lire et écrire, est chargé par le maire du village d’écrire un rapport complet sur les conséquences de la venue de l’Anderer et les raisons qui ont conduites à sa mort. Son récit, loin d’être objectif, raconte l’horreur, la trahison, la culpabilité, le rejet de l’autre, l’inhumanité dont peut faire preuve chaque homme… La mise en abîme du rapport avec le déroulé du récit lui-même est une prouesse littéraire que j’ai apprécié, qui apporte de la noirceur supplémentaire, bien qu’il faille quand même suivre attentivement le cours de l’histoire. Les retours en arrière sont constants, tantôt dans le camp de concentration, tantôt auprès de l’Anderer, avant de revenir dans le présent. On peut s’y perdre très facilement.
Quatre ans plus tôt, j’avais adoré La petite fille de Monsieur Linh, du même auteur, qui abordait des thématiques similaires : la guerre, l’exil forcé… Dans Le rapport de Brodeck, je retrouve l’écriture qui m’avait tant plût dans le premier récit ; un style à la fois tendre, poétique, mais aussi dur et froid. Loin d’être larmoyant, il met en scène avec sobriété des personnages aux âmes bien chargées. Néanmoins, je suis restée un peu extérieure aux scènes qui se jouaient sous mes yeux, éloignée des fortes émotions que j’aurais aimé ressentir à la lecture de ce puissant récit.
Un récit original et fort sur l’inhumanité, qui conduit à la guerre, à l’exil forcé, à la corruption et questionne sur le rapport à l’autre. Le style d’écriture est tragique, assez pesant, à la fois tendre, poétique, froid et détaché. Du grand philippe claudel !
Ma note : 6,5/10
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ISBN : 978-2-253-12572-3
J’ai lu ce roman il y a quelques années, le seul souvenir que j’en ai est qu’il est assez dur mais mes souvenirs sur le contenu de l’histoire sont plutôt vagues je dois le dire 🤔
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