348 pages, éditions Le Livre de Poche
« Ma mère apparaît souvent pour me prendre par les oreilles et me calotter. C’est pour mon bien ; aussi, plus elle m’arrache de cheveux, plus elle me donne de taloches, et plus je suis persuadé qu’elle est une bonne mère et que je suis un enfant ingrat. »
Jacques Vingtras – ou plutôt Jules Vallès – est un jeune enfant d’apparence normale, à la maturité déjà très prononcée. Malgré la pauvreté ambiante dans laquelle il vit, loin de se montrer malheureux, il positivise à longueur de journée, apportant de l’espoir tout autour de lui. Pourtant, sa vie est loin d’être gaie. Depuis son plus jeune âge, sa mère le bat sans aucune raison. Elle l’humilie publiquement – par exemple en le forçant à porter des haillons défraîchis pour ne pas user les piètres économies de la famille -, ou le rabaisse constamment. Jacques est une sorte de fardeau pour sa famille. Fils de professeur, ses parents l’obligent à apprendre le grec et le latin pour suivre les traces de son père. Or, le jeune garçon s’épanouit bien plus aux côtés des petites gens qui exercent des activités manuelles. Un choix que se parents ne peuvent concevoir.
Jules Vallès nous fait l’honneur d’ouvrir sa mémoire aux souvenirs dévastateurs. Grâce à de nombreuses descriptions très réalistes, il dresse un portrait très complet de la misère sociale de son époque et des différences de classes qui existent dans la société. Avec des airs de Victor Hugo ou d’Emile Zola, il met en avant les valeurs humaines, le savoir-vivre et le respect d’autrui, en surpassant les dommages et obstacles du quotidien.
Les aventures narrées par l’auteur semblent souvent irréalistes – fouetter son enfant par pur égoïsme, ne jamais lui prouver son amour, lui faire clairement comprendre la place et la multitudes de dépenses qu’il occasionne dans la famille -, mais c’est bien là un fait avéré. Malgré que tous et tout tournait le dos à Jacques, le jeune homme a sût faire profil bas et avancer coûte que coûte, sans jamais baisser les bras. De ce fait, grâce à l’espoir nourrit, il réussit à intégrer de grandes écoles parisiennes, il s’engage politiquement et se fait entendre, il arrive à rendre fiers ses parents et même à faire changer littéralement d’attitude sa mère et son père vis-à-vis de sa personne. Il offre donc à tous l’espoir d’un futur meilleur, plus lumineux que tous les présents obscures que nous aurions à traverser.
Un roman à fendre l’âme. Un style léger, avec une narration à la première personne du singulier, qui rend plus vivant encore l’histoire. Une voix enfantine naïve, pleine d’espoir et de lucidité ; un personnage attachant, bien que bouleversant. Certains passages du livre – dont deux passages qui m’ont le plus frappés, que j’ai cité plus haut dans les extraits -, sont tellement incisifs et brutaux que le lecteur ne sait pas s’il doit ressentir de la tristesse vis-à-vis de l’enfant ou de la colère vis-à-vis des parents. C’est bien écrit, c’est agréable à lire. Même si quelques longueurs se faisaient sentir, elles ne duraient pas longtemps. Les péripéties de Jacques étaient si nombreuses que je n’ai pas pu m’ennuyer un seul instant.
Se soumettre ou protester, voilà là une difficile question que se pose notre très cher auteur/protagoniste. Une lecture dramatique, une enfance gâchée, rythmée au son de la violence et de beaucoup de misère…
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