347 pages, éditions Gallimard, collection NRF à 21€
C’est ainsi que Shmuel s’installe dans la maison de Gershom Wald où il s’adapte rapidement à la vie réglée de cet individu fantasque, avec qui il aura bientôt des discussions enflammées au sujet de la question arabe et surtout des idéaux du sionisme.
Mais c’est la rencontre avec Atalia Abravanel qui va tout changer pour Shmuel, tant il est bouleversé par la beauté et le mystère de cette femme un peu plus âgée que lui, qui habite sous le même toit et dont le père était justement l’une des grandes figures du mouvement sioniste. Le jeune homme comprendra bientôt qu’un secret douloureux la lie à Wald…
Judas est un magnifique roman d’amour dans la Jérusalem divisée de 1959, un grand livre sur les lignes de fracture entre judaïsme et christianisme, une réflexion admirable sur les figures du traître, et assurément un ouvrage essentiel pour comprendre l’histoire d’Israël. Un chef-d’œuvre justement acclamé dans le monde entier.
« Il sortit dans la rue baignée d’une douce lumière hivernale, une lumière de pins et de pierres. Il fut soudain envahi par un curieux sentiment, la vive impression que tout, absolument tout était possible, ce qui paraissait désespéré ne l’était qu’en apparence, rien n’était définitivement perdu et l’avenir ne dépendait que de son audace. »
A travers une histoire tout à fait banale, l’auteur développe une théorie religieuse novatrice et totalement surprenante. Et si Judas Iscariote, le traître biblique, celui qui a conduit Jésus à la mort sur la croix, et si ce Judas-là était en fait le premier chrétien ? Le premier à avoir cru en Jésus ? C’est la théorie que va chercher à développer Schmuel Asch, un jeune étudiant en plein écriture de mémoire de fin d’études. Malheureusement, il va devoir mettre sa thèse de côté, car ses parents ne peuvent plus subvenir à ses besoins financiers. Pour combler ce vide financier, Schmuel va répondre à une annonce qui offre le gîte et le couvert en échange de quelques heures par jours de conversation avec une personne âgée.
Très vite embauché, Schmuel va faire la connaissance de Gershom Wald, un intellectuel fantasque, avec qui il va débattre durant des jours. Des débats enflammés qui se porteront plus particulièrement sur la religion chrétienne et sur la création de l’état hébreux en Israël. Aux idées des deux hommes, viennent s’ajouter celles d’un troisième, défunt, malheureusement. Il s’agit de Shealtiel Abravanel, le beau-frère de Gershom. Abravel avec des idées bien claires sur la question Israélienne. En effet, il ne voulait pas de la création d’un état d’Israël. Au contraire, il croyait en l’adaptation et le savoir-vivre des Israéliens capables de vivre en communauté avec les Arabes. Mais son idée était loin de faire l’unanimité. Comme Judas, il fût traité de traître et de lâche, obligé de se retrancher dans sa maison, où il vécut caché jusqu’à sa mort.
Pour alléger l’atmosphère et rendre la lecture plus fluide, Amos Oz a intercalé aux questions existentielles et intellectuelles, des moments de la vie quotidienne de Schmuel. On découvre plus en profondeur ce personnage énigmatique et très sensible. Il répugne sa famille, qui l’a toujours dénigré et repoussé. Il n’a pas vraiment d’amis et s’est vu voler son ex petite copine. Il se retrouve donc seul, à loger dans le grenier de cette grande maison, avec pour seule compagnie, le vieil homme à nourrir et à entretenir intellectuellement, et Attalia, la jeune femme qui l’a embauchée. Attalia, cette mystérieuse femme au charme certain, qui séduit d’un coup d’oeil tous les hommes qu’elle croise. Evidemment, Schmuel n’échappe à la règle et tombe amoureux de la belle Attalia…
Tout le monde n’est pas apte à lire et à comprendre Judas. Je ne prétends pas avoir tout compris, loin de là, mais j’ai su capter l’essence même du message qu’essayait de faire passer l’auteur. Réflexions et questionnements. Idées politiques et religieuses balancées au détour d’une page. Et amour… Merci Amos Oz pour ce joli roman.
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